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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/758

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3045 VINCENT FERRIER (SAINT)

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auditeurs. Il prend alors soin d’indiquer comment le sens figuré lui permet cette appropriation. Il remarque que c’est une richesse de l’Écriture que de valoir ainsi pour tous les hommes. Soit qu’il s’étonne lui-même de ces résonnances profondes, soit qu’il veuille attirer l’attention de l’auditoire il emploie fréquemment pour de tels propos la formule « il y a ici un secret. » Grâce au manuscrit de Valence publié par l’Institucio Patxot et Sanchis Sivera, on est en état de dire que la prédication authentique de Vicent Ferrer fut une monumentale construction de morale édifiée avec des matériaux scripturaires, une synthèse morale biblique ; un peu comme plus tard l’œuvre de saint Jean de la Croix sera dans sa structure une synthèse mystique biblique. Moins d’un siècle avant la Réforme qui prétendra remettre en usage une Écriture sainte que les Réformateurs diront trop tombée en désuétude, il n’est pas banal de ne trouver dans les sermons de Vicent Ferrer pour ainsi dire aucun autre matériel de construction que l’Écriture. À partir de là, en prestigieux commentateur, il s’élève avec sa pensée propre. On voudrait pouvoir citer quelques-unes de ses phrases rapides et poétiques ; mais leur originalité drue, qui fait assurément de Vicent Ferrer un des maîtres de la langue catalane et occitane au Moyen Age, se déllore dans une traduction. Telle est l’ultime malchance de cette éloquence dont la fine tleur fut au surplus tout orale : il ne s’en perçoit plus que des traces dans des résumés rédigés en une langue relativement peu répandue.

Outre sa publication ci-dessus mentionnée, Sanchis Sivera avait publié une biographie de saint Vincent Ferrier. En langue française, le Saint Vincent Ferrier, d’Henri Ohéon, collection Les grands cœurs » est d’une tenue littéraire digne du sujet ; malheureusement, il accueille trop volontiers les légendes rapportées par le P, Fages dans ses divers volumes, en particulier dans son Histoire de saint Vinrent Ferrier, 2 vol., qui contiennent presque tout le meilleur avec du médiocre et du fabuleux. Pour l’érudition du sujet, voir Gorce, Les bases de l’étude historique de saint Vincent Ferrier, 1924 ; du même. Saint Vincent Ferrier, 1924, 1933 (collection Les taints).

M. -M. Gobce.


VINCENT DE LÉRINS (Saint), prêtre et écrivain ecclésiastique du ve siècle.

I. Vie et œuvres. — La vie de saint Vincent de Lé-’rins ne nous est pas connue. Gennade, dans la notice qu’il lui consacre, De vir. illustr., 64, nous apprend seulement qu’il était d’origine gauloise, qu’il fut prêtre au monastère de Lérins et qu’il mourut sous le règne de Théodose et de Valentinien, c’est-à-dire avant 450 et peut-être beaucoup plus tôt. Au moment de sa mort, il devait être parvenu à un âge avancé, puisqu’il attribue aux défaillances de sa mémoire la nécessité OÙ il s’est vu de rédiger une sorte de mémento de ce qu’il avait appris en lisant les Pères. F.ucher de Lyon parle encore de lui avec éloge et nous apprend qu’il a été, de concert avec Salvien, l’éducateur de ses fils Salonius et Veranus, Instruct., i, priejal. Si nous ajoutons que, selon Gennade, il était fort instruit dans les Écritures et assez versé dans la connaissance des dogmes ecclésiastiques, nous avons dit à peu près tout ce que l’histoire nous apprend de son existence.

Ses ouvrages semblent avoir été peu nombreux et peu (tendus. Gennade ne connaît de lui qu’un écrit ™ deux livres : Composuil ad evitanda tuerelicorum collecta, nitido salis et aperto sermonc. uaUdistimam disputalionem. Encore Vincent aurait-il perdu la plus grande partie du deuxième livre qui lui aurait été volée avant d’être éditée, si bien qu’il se serait enn t’iité d’en récrire un bref résumé et qu’il aurait

publié le premier livre ainsi complété de manière à présenter au public un seul livre. Nous verrons ce qu’il faut penser de cette affirmation.

On lui attribue aujourd’hui deux autres ouvrages. Le premier est connu sous le nom d’Objectiones Vincentianse. Le texte en est perdu, mais nous en savons le contenu par un livre de Prosper d’Aquitaine, Pro Augustino responsiones ad capitula objectionum V incentianarum, P. L., t. li, col. 177-186 ; et ces objections présentent avec le Commonitorium une parenté tellement étroite qu’on ne saurait avoir aucun doute sur leur véritable auteur. Comme la réfutation de Prosper a suivi de très près la mort de saint Augustin, on peut croire que les Objectiones du moine de Lérins doivent dater des environs de 430. Cf. H. Koch, Vinzenz von Lerin und Gennadius, ein Beitrag zur Literaturgeschichte des Semipelagianismus, dans Texte und Untersuchungen, t. xxxi, 2 b, Leipzig, 1907.

Le second de ces ouvrages, Excerpta sancta ? mémorise Vincenlii Lirinensis insulie presbyleri ex universo beatæ recordationis Augustini episcopi in unum collecta, ne nous était connu jusqu’ici que par la mention qu’en avait faite un théologien anonyme du ixe siècle. Cf. P. Lehmann, Ein mittelalterliches Kompendium der Inslilutiones divinarum litterarum, dans Philologus, t. lxxiii, 1914-1916, p. 268. Il a été retrouvé récemment par J. Madoz, dans la bibliothèque de Ripoll, en Espagne. Comme l’indique le titre, il s’agit d’un florilège fait de morceaux empruntés à l’œuvre entier de saint Augustin. Seules, la préface et la conclusion sont l’œuvre personnelle de Vincent ; elles suffisent malgré leur brièveté à révéler l’auteur du recueil et à montrer l’admiration profonde que le moine de Lérins éprouvait pour le grand docteur, du moins pour ses enseignements sur la Trinité et l’incarnation. Cf. J. Madoz, Un tratado desconocido di San Vincente de Lérins, dans Gregorianum, t. xxi, p. 75-94 ; J. Lebreton, Saint Vincent de Lérins et saint Augustin, dans Recherches de science religieuse, t. xxx, 1940, p. 368-369.

IL Le Commonitorium. — Des trois écrits que nous venons de citer, le plus important, celui qui a suffi à assurer la gloire de Vincent de Lérins, est celui que signale Gennade et qui porte le titre de Commonitorium ou aide-mémoire. À vrai dire, le Moyen Age a peu connu ce livre que ne cite aucun des grands scolastiques et dont on possède deux manuscrits du xe siècle ou du xi c et un du xiii : mais le x VIe siècle lui fit un succès prodigieux : 35 éditions et 22 traductions au xvie siècle, 23 éditions et 12 traductions au xviie, 12 éditions et 12 traductions au xviii, 15 éditions et 21 traductions au XIXe. Maintenant encore l’intérêt de l’ouvrage n’est pas épuisé. Historiens et théologiens discutent toujours sur sa valeur et sur sa véritable portée.

Le Commonitorium se présente à nous sous la forme d’un résumé, qui doit permettre de discerner sans peine la vérité et l’erreur. Contre des hérésies multiformes et sans cesse renaissantes, l’auteur veut proposer un critère à la fois simple et assuré. Ce critère s’exprime dans la formule bien connue : In ipsa item catholica Ecclesia magnopere cwandum est, ut id leneamus quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est. n. L’universalité, l’antiquité, l’unanimité d’une croyance, voilà quelles sont les garanties de sa valeur. Vincent illustre cette règle par des exemples ; puis n explique comment des hommes, éminents d’ailleurs par leur science et par leur vertu, tels qu’Origène et Tertullien, ont pu enseigner des

nouveautés dangereuses. Il ajoute que, malgré tout, l’Église ne se contente pas de répéter Indéfiniment la même Chose et que le progrès religieux n’est pas