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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/798

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> r, — VITOHIA (FRANÇOIS DE)


revit et lui donnât son visa ; Martin de Ledesma, toujours dépendant de la parole du professeur de prime, rassembla avec sollicitude non seulement les idées qu’à l’occasion il exposait dans ses conversations privées, mais surtout le texte de ses lectures et de ses rélections, pour répéter ailleurs ce qu’il avait ouï à Salamanque de lèvres si autorisées. Tous devaient garder un souvenir reconnaissant de ces séances intimes et des leçons de la salle de cours. Ceux qui furent appliqués à l’enseignement, formés comme maîtres à la manière d’un guide si expert, adoptèrent ses méthodes et répandirent ses idées, se faisant l’écho des doctrines vitoriennes, comme nous pouvons aujourd’hui le vérifier à maintes reprises, en confrontant les leçons des élèves manuscrites ou imprimées avec celles que nous trouvons dans le professeur. C’est avec raison que Menendez Pelayo a écrit que « ses cours, amoureusement copiés et pieusement conservés par ceux qui purent les entendre, ont constitué une sorte de fond commun dont se servirent en abondance ceux qui sont venus depuis ».

II. Production littéraire.

Réagissant contre la tendance des humanistes et des nominalistes de son temps, à lancer dans le public leurs écrits avant d’être en saison de le faire, Vitoria, de son vivant, n’a rien publié de son crû, si ce n’est les prologues déjà signalés ci-dessus, col. 3119, à la Secunda-Secundæ de saint Thomas, aux sermons de Covarrubias, aux œuvres de saint Antonin et de Berchorio. Mais son activité comme professeur l’obligeait sans cesse à prendre la plume et à confier au papier ses très érudits commentaires sur la Somme théologique ou ses dissertations originales sur des sujets d’actualité. Rassemblés par ses disciples, plusieurs ont ainsi paru à la lumière. — Publiées ou inédites, ses productions peuvent se classer en trois groupes : les lectures, les relecliones et les écrits variés.,

Les lectures.

Dans la langue académique espagnole,

ce nom se donnait d’abord à la matière indiquée pour le cours, et par extension au cahier préparé par le professeur pour son usage personnel au cours, puis à l’exposition orale qu’il en faisait, enfin aux notes prises par les élèves. La « lecture » s’appliquait donc à un large processus, qui souvent faisait perdre de vue le texte original. Les originaux de ces « lectures » ont disparu. Seules subsistent les lectures des étudiants, plus ou moins complètes, et c’est par ces notes de cours que nous devons reconstruire l’ensemble de la doctrine de Vitoria.

Celui-ci préparait ses leçons avec le plus grand soin. Comme il abordait chaque jour la chaire après une profonde méditation, il signalait pour lui-même la complexité des questions et rédigeait ce qu’il avait à dire sans se fier à ces vues synthétiques, bonnes pour aider la mémoire, mais Insuffisantes pour réaliser une ceuvre solide et complète. Considérant l’enseignement comme un apostolat, il y mettait le plus grand zèle. Et quoique, saturé comme il l’était de doctrine, il eût pu se contenter de moindres efforts, nous ne devons pas nous le représenter regardant tranquillement ses auditeurs, comme s’il était sans inquiétude sur la responsabilité qu’il encourait. Lui qui, parfois, censurai ! dans les autres une témérité qui les faisait arriver au cours avec une lecture supcrli > telle du texte, sans l’avoir digéré, et se hâtaient après cela de confier à l’imprimerie leurs spéculations, sans les avoir d’abord ruminées — sicut moderni (les nominalistes), qui omnia transferunt ex libro in libron n’allait pas s’exposer à la même

faute. Après vingt-six années d’enseignement, recommençant pour la quatrième fois l’exposition de la Somme, il avertissait ses élèves qu’ils se préparassent

à prendre des notes ; ils ne devaient pas croire qu’il leur suffisait d’utiliser celles que d’autres avaient prises dans les cycles antérieurs, comme s’il allait reprendre lui-même la même chanson, chose que ni son caractère, ni sa profession ne lui permettaient. « Au contraire, il devait expliquer, il voulait s’expliquer dans un nouveau style, avec une nouvelle diligence, pour autant que ses forces le lui permettraient, ce qu’il avait autrefois mis dans ses leçons.

A ces qualités pédagogiques, il en associait une autre, plus essentielle pour l’intérêt et le profit de ses disciples. La coutume académique avait réglé que le professeur, la leçon terminée, devait se tenir quelque temps à la porte de la salle pour répondre aux questions éventuelles des élèves. Par là se resserraient les liens entre le maître et ses auditeurs. Vitoria s’y prêtait très volontiers. Dans ses leçons, il s’ingéniait à éviter l’aridité et la monotonie du style scolastique. La grâce et l’élégance de la forme et une manière toute personnelle de penser faisaient trouver brève l’heure et demie qu’elle durait. Omnia jucunditatis plena, comme disait Clenardo des papiers de Vitoria. Il se répandait dans l’auditoire un tel amour pour la science théologique, un tel enthousiasme pour pénétrer ses secrets, que, par là seulement, s’explique le très pénible travail que s’imposaient les élèves pour consigner en leurs notes sinon tout du moins l’essentiel du cours.

Cette rédaction des leçons de Vitoria par une partie de ses élèves commença, quoique d’abord d’une manière assez restreinte, dès le début de son enseignement à Salamanque. Probablement le ms. Otlobonianus latin. 1015, qui contient l’exposition de la II a -II ! r, correspond-il aux années scolaires 15261527 et suivantes. Plus tard, la coutume se généralise, atteignant son maximum l’année 1539-1540, la dernière où Vitoria parut régulièrement dans sa chaire.

Les leçons d’élèves, pendant même la vie du maître, étaient fort recherchées. Passant de main en main, elles entrèrent pour une bonne part dans les bibliothèques des monastères et des collèges. Ces établissements ayant été détruits ou dépouillés d’abord durant l’invasion napoléonienne, puis à la suite de la malheureuse sécularisation de 1835, c’est à peine si l’on a sauvé une minime partie de ce trésor académique. Le même sort a fait disparaître les leçons originales elles-mêmes, de valeur Incomparablement plus grande, étant la rédaction même de Vitoria. Lu 1548, l’université de Salamanque avait convoqué une réunion au couvent pour traiter de l’impression de quelques écrits donnés oralement par Vitoria. Par là, on entendait tant les leçons originales que les relectiones, le tout conservé au couvent de Saint-Étienne. Nous soulignons le mot originales parce que le texte parle d’écrits « faits » par le maître, ce qui ne peut s’appliquer aux cours relevés par les étudiants. Le couvent nomma une commission, qui examinerait ces écrits et ferait copier ceux qui conviendraient pour l’impression. Mais les commissaires, distraits par d’autres occupations, se préoccupèrent assez peu de cette motion. Vingt-sept ans plus tard, devant l’abandon où était laissé l’héritage littéraire d’un maître si remarquable, au chapitre provincial de Palëncia, une voix énergique s’éleva, celle de lianeL, qui était l’un des quatre déflniteurs, suppliant que l’on réparât cette négligence. I.e chapitre ordonna, en vertu de la sainte obéissance, que « tous ceux qui trouveraient des notes Idéologiques, écrites ou dictées par les très savants maîtres, François de Vitoria, Dominique de Soto et Melchior C.ano, le feraient savoir au père provincial, à charge pour celui-ci, pro communi bono et gloria nostri ordinis, de contler les écrits en question