Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

324.’!

VŒUX DE M KL M ; ION. ÉLÉMENTS

".L

teneatur ad omnia consilia ? Les trois objections, toutes prises de points de vue subjectifs, concéderont qu’un choix est possible ; et le corps de l’article montrera que ce choix est nécessaire. Restera à décider sur quels éléments portera le choix des vœux.

1o Le choix est possible.

Ce qui semble l’interdire c’est la totalité de perfection que comportent les fins mêmes de la vie parfaite, qu’on la considère
comme une aspiration de la charité, ad 2um,
comme un adieu au monde, ad 3um, ou
comme une donation religieuse, ad 1um.

1. Les exigences de la charité parfaite.

Le précepte absolu du Deutéronome, vi, 5, confirmé par le Sauveur, Matth., xxii, 40, comporte non seulement une totalité de l’amour, mais une totalité des œuvres que la charité doit entreprendre. Le mot de l’Ecclésiaste, ix, 40, avait été repris par saint Grégoire à l’adresse de « celui qui quitte le siècle : il doit faire tout le bien qu’il peut ». In Ezech., t. II, hom. viii, P. L., t. lxxvi, col. 1060. Ce qui revient à dire que le religieux est tenu d’accomplir tous les conseils. Réponse : « Tous, religieux et séculiers, sont tenus en quelque manière de faire tout le bien possible. » Pour cette « perfection de la charité commandée à tous, voir A. Lemonnyer, La vie humaine, p. 505556, et Quodlibet I, a. 14, sol. 2, 3. Pour le religieux, sur le plan de l’amour intérieur, il est tenu d’aimer et de désirer tous les conseils évangéliques, sous peine de « mépriser ce qu’il y a de mieux à faire, ce qui serait se raidir contre le progrès spirituel ; et il faut bien dire que, dans ce domaine, on ne voit pas ce qui pourrait limiter les inventions de la charité et les raffinements ascétiques des meilleures âmes. Mais sur le plan de l’action, « quand il s’agit de faire, le religieux doit faire ce qu’il peut selon que le requiert la condition de son état ». Op. cit., ad 2um. En matière d’œuvres de charité, comme en tout le reste, il faut que la prudence intervienne, ou comme l’appelle saint Benoît, la « discrétion, mère de toutes les vertus », Régula, c. 64 ; cf. c. 18, 20, 40, 49.

2. Les exigences de la vie contemplative.

De la part des anachorètes qui quittaient le monde, pareille attitude de surenchère n’était pas inouïe. Pourtant, à côté des exigences de la vie contemplative, qui s’accomoderait de vœux multipliés, il y a les exigences de la vie active et de la vie tout court : dès lors « il y a des conseils de choses, meilleures certes, mais plus spéciales, que l’on peut omettre sans que cette vie humaine se trouve pour cela engagée dans les embarras du siècle », ad 3um. Il y a une différence, que l’Évangile insinue, entre le conseil de la miséricorde et celui du jeûne, Matth., xxiii, 23 ; Luc., xi, 42. Cf. Cassien, Collat. Patrum, ii, 2-4.

3. Les exigences de la vie religieuse.

« Celui qui

fait profession d’un état n’est-il pas tenu à ce qui convient à son état ? Oui », mais, plus modeste en ses débuts et plus précis dans sa marche, « celui qui entre en religion ne fait point profession d’être parfait, mais de s’étudier à le devenir, tout juste comme celui qui entre à l’école ne fait pas profession d’être savant. Ami de la perfection, écolier perpétuel, le religieux ne manque pas à sa profession pour n’être pas parfait, mais seulement s’il dédaigne la perfection où il doit tendre », et d’abord la formation religieuse qu’il reçoit en ce but, ad 1um. Son choix fait, entre les instituts, de celui qui « présente les exercices les mieux adaptés à la fin », q. clxxxviii, a. 6, la faculté ne lui est plus laissée de choisir ses observances, puisque ledit institut a « disposé organiquement les éléments divers concourant à la perfection de la charité ». De caritate, a. 11, ad 12um. C’est l’organisation séculaire des ordres religieux qui imposera l’adoption des vœux de religion.

2o Entre conseils le choix est nécessaire.

La distinction de sens commun entre préceptes et conseils tient en ce que « les préceptes concernent les œuvres dont l’accomplissement est nécessaire pour parvenir à la fin dernière, les conseils ne concernant que les œuvres qui permettent d’atteindre mieux et plus facilement cette fin ». Ia— IIæ q. cviii, a. 4 ; cf. Cont. Gent., t. III, c. xxx. De là à dire que l’état de perfection consiste proprement dans les conseils, que c’est là que les vœux trouveront leur objet, la conclusion semble facile. Cependant la question n’est pas aussi simple ; et pour en saisir les nuances, avant d’en venir à la solution harmonieuse de saint Thomas, il faudrait rappeler les divergences apparentes des autorités religieuses.

1. Dans les religions étrangères. —

La distinction entre préceptes et conseils était impossible au sens où nous l’entendons : toutes les religions tant soit peu soucieuses des aspirations d’une élite étaient des codes de préceptes plus ou moins rigoureux, dominés par des principes assez élevés, dont le but était de former des parfaits ; mais les pratiques destinées à la masse des croyants étaient données par les fondateurs comme des atténuations des principes, des pis-aller qu’il fallait racheter par des purifications et des transmigrations… De là cette prolifération de pratiques ascétiques dans les religions dualistes du proche Orient et d’Asie Mineure. Il n’y avait point de vœux, a-t-on noté, chez ces ascètes : n’est-ce point précisément parce qu’ils étaient inutiles et impossibles ? leurs pratiques leur étant imposées par la lettre de leur loi religieuse.

Les Pères furent sans aucune indulgence pour ces

« offrandes surérogatoires », Hilaire, In Psalm., lxiv,

n. 3, P. L., t. ix, col. 414 ; cf. S. Jérôme, Cont. Jovin., I. II, n. 11-17, P. L., t. xxiii, col. 297 ; In Matth., I. III, c. xix, t. xxvi, col. 134 ; S. Chrysostome, In Johan., hom. xxvii, c. 2, P. G., t. lix, col. 164 ; S. Augustin, De continentia, c.xii, n. 26, P. L., t. xl, col. 362 ; De civ. Dei, t. VIII, c. ii, t. xli, col. 220. Sur la tentative du paganisme de déraciner l’idéal chrétien, et les réminiscences de l’ascétisme du désert, cf. P. Lagrange dans Revue biblique, 1927 ; I. Lévy, La légende de Pythagore, 1926 ; T. Lefort, dans Muséon, 1927, p. 65-74.

2. Dans la Loi mosaïque. —

Les Pères disent qu’elle ne contenait pas de conseils, quitte à reprendre en détail par l’allégorie ce qu’ils avaient abandonné en bloc. S. Ambroise, De Elia et jejunio, c. iv-vii, P. L., t. xiv, col. 697 ; S. Jérôme, Epist., xxii, ad Eustoch., n. 6 ; Epist., cvii, ad Lœtam, P. L., t. xxii, col. 370, 920 ; Cont. Jovin., I. II, n. 15, t. xxiii, col. 295 ; S. Basile, homil. i, P. G., t. xxxi, col. 167 ; S. Augustin, Confess., I. X, c. 31, P. L., t. xli, col. 310. Cependant, il ne faut pas oublier les suggestions du précepte de la charité, Deut., vi, 5 et Lev., xix, 8, et les mandata des prophètes. Cf. Ia-IIæ q. xcix, a. 5.

3. Dans le Nouveau Testament.

a) Préceptes et conseils.

Voir là-dessus, t. ii, col. 2321 sq., et t. iii, col. 1177-1178. Pour les principes, tout est clair : il y a, dans les Évangiles et les Épîtres, dominés par le grand commandement de la charité, un ensemble de préceptes secondaires et de conseils, qui sont donnés, les uns et les autres, comme des moyens d’assurer la charité envers Dieu et le prochain : les conseils, ex ipso modo loquendi, se donnent comme des moyens secondaires et facultatifs. Cf. Jean Chrys., In Matth., hom. lxiii, P. G., t. lviii, col. 604. Mais, entre ces deux extrêmes, que penser de ces œuvres héroïques de charité, comme le pardon tranquille et indéfini des injures, etc. Matth., v, 26, 39-42 ; vi, 25-34 ; Luc, xiv, 25-35. Cf. S. Thomas,