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VŒUX DE RELIGION. ELEMENTS

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De perfect. vit. spirit., c. 10. Pour le précepte de l’amour des ennemis, cf. Ia -IIæ, q. cviii, a. 3, ad 4um. Pour le Discours sur la montagne, cf. Christus, p. 970. Du moins comprend-on que les docteurs de l’Église aient pu hésiter d’abord à faire le départ entre les conseils et les commandements.

b) Exemples du Christ.

L’Évangile est autre chose qu’un code de préceptes ; c’est une histoire présentée comme un appel à l’imitation. I Pet., ii, 21. Beaucoup de Pères grecs ont vu dans l’imitation du Sauveur une obligation pour tous, Athanase, Epist. ad Marcellinum, c. xiii, P. G., t. xxvii, col. 30, du moins

« pour qu’on s’y efforce », S. Chrysostome,

Cont. oppugn. vit. monast., serm. iii, c. 16, P. G., t. xlvii, col. 366, comme au « but le plus haut du renoncement parfait », donc des religieux, Grandes règles, c. vu et xliii, P. G., t. xxxi, col. 1028. Imitons-la, du moins, dans ses plus humbles aspects, S. Nil., De exercit. monast., c. 4 ; De paupertate, c. 42.

Les Pères latins distinguent avec plus de soin ce qui est « règle des mœurs », S. Augustin, De vera relig. , c. xvi, n. 31, P. L., t. xxxiv, col. 135, le quod agendum et le quo nitendum amore, De spiritu et littera, c. iii, n. 5 ; In Johan., hom. xv, n. 2 ; hom. xxiv, n. 2, P. L., t. xxxv, col. 1593. Au Moyen Age, position curieuse de saint Bonaventure, Apolog. paup., c. ii, n. 12 ; de saint Thomas, Ia -IIæ q. cvi, a. 1, ad 1um. Pour l’École française, cf. Olier, 'Introd. à la vie et aux vertus chrétiennes, c. 4, p. 47 ; Pourrat, La spiritualité chrétienne, t. iii, p. 482-567.

c) La vie apostolique. —

Il y avait encore autre chose dans le Nouveau Testament : les exemples des Apôtres et les recommandations que Jésus leur avait faites, Matth., x et loc. parall. Ce programme d’apostolat n’était-il pas un programme d’action pour les moines ? Chrysostome, Cont. opp., iii, c. 14 ; en sens contraire, In Matth., c. x. S. Augustin y voit des concessions temporaires, des privilèges des ministres de l’Évangile, De consensu Evang., I. II, c. xxx, P. L., t. xxxiv, col. 1120. Ce n’est qu’au XIIIe siècle que la « vie apostolique » fut érigée par saint François d’Assise en sa règle, et par saint Bonaventure, Apol. paup., c. vii, n. 5, 9-16 ; c. xii, n. 22, en régime de vie parfaite, non sans susciter des conflits de doctrine. IA-IIæ q. cviii, a. 4, ad 4um.

4. Chez les Pères.

Ils trouvaient dans la tradition la plus ancienne deux expressions paraboliques pour mettre en valeur la voie des conseils sans déprécier la vie chrétienne ordinaire. La voie du bien comporte des adoucissements, Didachè, iii ; mais il y a une voie angélique et supérieure : la virginité, S. Athanase, Epist, ad Amund. Et puis la parabole du semeur avec son fruit au centuple était appliquée à la vie ascétique déjà par Origène et saint Cyprien. Mais il allait voir les choses de plus près : en face de cette vie chrétienne unique en ses aspirations vers l’amour de Dieu, et variée dans ses voies, les Pères ont mis l’accent tantôt sur l’unicité de but et des moyens essentiels : les préceptes, tantôt sur la variété des moyens secondaires, opposant préceptes et conseils.

La première attitude fut celle des Pères grecs en général, de saint Jean Chrysostome en particulier, en une œuvre de jeunesse. Contra oppugn. vit. monast., I. III, n. 14, et même, quoique avec des nuances. In Matth., hom. vii, n. 7 ; hom. lv, n. 6 ; hom. lxiii sur Matth., xvi, 24, P. G., t. lviii, col. 604 : « Tous sont tenus à tout. » C’est encore le cas de saint Basile, avec plus de réserve, Ascetica, Du renoncement au monde, P. G., t. xxxi, col. 627, et des théoriciens de la vie monastique, Théodoret. In Ps., cxviii, ꝟ. 108 ; Nil, De monast. exercit. c. 1 ; De vol. paupert., c. 42. : Saint Basile exalte bien les « fruits de l’amour de Dieu demandé à tous », loc cit., col. 826, 907-918, et sait que « les préceptes exigent déjà la sainteté parfaite », col. 626 ; mais ce sont les « passionnés de l’idéal » qui prendront sur eux « la dette rigoureuse de l’amour de Dieu », et de l’amour du prochain, col. 916, 1200, et puis les conseils, loc. cit., col. 627 : voilà « l’Évangile intégral », Grandes règles, prol., loc. cit., col. 892 ; cf. col. 924. Les conseils sont l’appoint presque indispensable des préceptes, col. 919, 920, 934, 1168. La vie monastique, qui est « l’école des préceptes divins, cultive en nous l’amour qu’on apprend sans maître (dans le monde), et le conduit méthodiquement à sa perfection » par le renoncement total des conseils. Loc. cit., col. 907. Cf. saint Benoît, Regula, prologue, voir encore c. iv, v, vii, lxx, fin. Cf. A. Harnack, Das Mönchtum, seine Ideale, p. 7-8.

Les Pères latins, au lieu de considérer le programme unifié de l’Évangile où tout est pour tous, opposent volontiers la diversité des voies et moyens et superposent état à état. Ambroise, De officiis minist., I. I, c. xi, n. 36, P. L., t. xvi, col. 80 ; Jérôme, Adv. Jovin., I. II, n. 6 et 17 ; Adv. Vigilantium, n. 14, P. L., t. xxiii, col. 293, 315, 350 ; Epist., cxx, ad Hedibiam, n. 1, P. L., t. xxii, col. 993 ; Ambrosiaster, In I Cor., vii, 29, P. L., t. xvii, col. 180 ; Pelage, Epist. ad Demelriadem, i, c. 9, P. L., t. xxiii, col. 1105 ; Augustin lui-même voit des dona majora gratiœ dans les états de perfection, De bono conjugali, n. Il et 12 ; De sancta virgin., n. 13-18, 19-21, P. L., t. xl, col. 380, 383, 406. On parle dès lors en Occident de

« voie meilleure », IVe conc. Tolède, de « vie parfaite ». Cf. Salvien, Ad Ecclesiam, n. 15 ; S. Grégoire,

In Evang., hom. xii, n. 3 ; hom. xxxiv, n. 15, P. L., t. lxxvi, col. 1256. Cette doctrine simpliste avait donné au temps de la scolastique l’expression « état de perfection », que saint Bonaventure essaie d’annexer telle quelle, Apolog. pauper., c. iii, n. 4 ; voir pourtant c. i, n. 9-10 ; c. ii, n. 6, 15. Pour préciser ces nuances, il faudrait pouvoir donner autre chose que ces quelques références.

5. Synthèse de saint Thomas.

C’est à la question clxxxvi, a. 2, dans le corps de l’article, qu’il montre que le religieux doit faire un choix « de certaines choses déterminées, à quoi il s’oblige » par ses vœux. Sed contra. En quelle région trouvera-t-il cette matière première de ses vœux de religion ? Dans la zone des conseils, conclut-il selon la tradition latine ; mais il fait droit aux vues des Pères grecs sur les préceptes et aux rappels de saint Basile et de saint Augustin en faveur du devoir fondamental de charité.

« Une chose appartient à la perfection à trois

titres divers : ou essentiellement, ou à titre de conséquence, ou à titre de moyen. Essentiellement, et c’est le cas de la parfaite observance des (deux) préceptes de la charité. Ou à titre de conséquence, et c’est le cas des œuvres insignes qui se présentent comme la suite normale de la charité parfaite, par exemple bénir qui nous maudit, Luc, vi, 28, et autres choses semblables : ces œuvres-là, bien que le précepte demande que l’âme y soit préparée, à savoir qu’on les accomplisse quand la nécessité le requiert » d’une charité même élémentaire, « une charité surabondante va plus loin : elle s’y porte à l’occasion en dehors même du cas de nécessite », non plus sous l’injonction du précepte, mais par l’inclination de l’amour. « A titre de moyen et de disposition préalable d’autres éléments se rattachent à la perfection, tels que la pauvreté, la continence, l’abstinence, etc. », a. 2.

On devine tout de suite que nos vœux, comme l’état dit de perfection lui-même, prennent place uniquement parmi les moyens pour la perfection intérieure. Qu’on ait bien présente à l’esprit la distinction classique entre la perfection comme état de l’âme et la perfection comme état de vie. Étant