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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/878

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VOL. MALICE


Sous cet aspect de malice multiple, il nous faut considérer la rapine ou brigandage et le vol sacrilège. Par la rapine, dit saint Thomas, non solum infertur alicui damnum in rébus, sed eliam vergit in quamdam personee ignominium sive injuriant. Et hoc præponderat fraudi vel dolo, quæ pertinent ad furlum, q. lxvi, a. 9. Dans le vol commis avec violence, à main armée, se trouvent donc deux malices spécifiques d’injustice, l’une objective d’injustice matérielle et l’autre circonstancielle d’injustice personnelle et corporelle. Le vol sacrilège, constitué par l’enlèvement injuste de biens d’Église, sacrés en raison de leur destination au culte divin, est tout à la fois une injustice réelle et un péché contre la religion ou une profanation, grave de sa nature. À ce propos, les auteurs se demandent si le vol d’une chose privée, commis dans un lieu saint, entraîne à cause de cette circonstance la malice du sacrilège. On sera en pleine sécurité en suivant Lugo, De justitia, disp. XVI, n. 19, qui dénie à cette circonstance le caractère de specicm mutans, bien qu’elle puisse être aggravante. Il en serait autrement si l’objet avait été officiellement confié à l’Église et que celle-ci en eût accepté la garde ; car alors la chose lui appartiendrait d’une certaine façon, et l’Église serait responsable de sa perte et du tort fait à son propriétaire.

II. Malice du vol.

Après l’exposé du principe nous essaierons de déterminer la quantité nécessaire pour la gravité du vol ; enfin nous nous arrêterons brièvement à la question assez compliquée des petits vols ou furtula.

1° Le vol est un péché contre la justice qui de sa nature est mortel. — C’est là le principe qu’il est aisé d’expliquer et de démontrer quant à deux [joints, l’espèce infime du péché et sa gravité.

1. L’analyse du concept de vol, si superficielle qu’elle soit, fournit sans peine une idée fort claire de sa malice spécifique, de la species infima, selon le terme théologique, à laquelle il faut l’attribuer. En allant de l’espèce générique d’injustice jusqu’à celle qui n’a au-dessous d’elle que des actes concrets nettement distincts d’autres péchés contre la même vertu de justice, le vol se présente tout d’abord comme opposé à la justice commutative par la violation des droits stricts d’une personne privée, puis, d’une manière plus déterminée, connue injustice qui fait tort à autrui en le privant indûment de la propriété d’un bien matériel, enfin comme danmilication injuste qui se complète par l’usurpation du bien. Nous arrivons ; iinsi à la détermination de la malice objective du vol, à laquelle la forme de la soustraction ne change rien, ainsi que saint Thomas le fait remarquer : detinere id quod alteri debetur eamdem rationem nocuinenti habit cum acceptions, IP-ID, q. lxvi, a. 3, ad 2um ; cf. a. 5, ad 2um ; et il est permis d’ajouter que l’acceplio comprend non seulement l’action de s’emparer mais aussi celle d’extorquer et d’escroquer.

Le point de vue auquel se place saint Thomas et qui lui fait établir une distinction spécifique entre le Mil et la rapine l’amène à voir dans le larcin une malice particulière d’opposition à la droiture : ratione doit seu fraudis iiimni fur cummillil occulte et quasi ex (nsidiis rem aliénant usurpando, q, lxvi, a. <>. Cette malice, nous la reconnaissons tout comme celle de la Violence personnelle contenue dans la rapine. Avec celle différence toutefois qu’étant légère, du moins généralement, la malice de dol et de fraude n’affecte pas considérablement la malice objective, comme le dii d’ailleurs saint Thomas : Occultatlo est simples otrcumslanlia peccati. Et sic diminua peccalum : tum quia est signant VerecunditB, lum quia lnllil scanda

luni. tbid.. a. 3, ail l"". Ainsi pratiquement on peut

n’en pas tenir compte, tandis que la violence, grave

de sa nature, fait de la rapine un vol qualifié qu’il est obligatoire d’accuser comme tel au confessionnal. Pourtant, il n’est pas impossible que la ruse, en elle-même ou socialement, pas seulement en tant que cause du tort injuste, soit gravement coupable et revête une malice spécifique mortelle plus grave que celle de l’injustice ; mais l’escroc n’en aura pas conscience et sera plutôt tenté de s’en glorifier.

Qu’en plus de l’espèce infime d’injustice le vol implique une violation de la charité et de la justice sociale, il n’est pas besoin d’y insister. D’accord avec saint Paul qui, expliquant la loi, conclut que l’observation en est contenue dans l’exercice de la charité et donc que la désobéissance au septième précepte est également un défaut d’amour fraternel, Rom., xiii, 9-10, saint Thomas déclare : Omne nocumentum alteri illatum ex se charitati répugnai, quæ movel ad volendum bonum alterius. Q. lix, a. 4. D’autre part, il n’hésite pas à affirmer que le vol blesse la justice sociale : Si passim homines sibi invicem jurarentur, periret humana socielas, q. lxvi, a. 6. Ces deux malices entrent certainement dans la nature spécifique du péché de vol ; mais elles en font tellement partie intégrante que la déclaration distincte au tribunal de la pénitence en est superflue, même si le voleur avait eu très explicitement cette double intention mauvaise.

2. Le vol est un péché mortel de sa nature, indépendamment des circonstances morales graves qui l’accompagneraient ; ou mieux, avec la précision théologique, il est mortel ex génère suo, pouvant être véniel en raison de la légèreté de matière.

a) Il est mortel, violant gravement l’ordre divin, détournant l’homme de sa fin suprême et entraînant pour lui la ruine de la vie spirituelle ainsi que la mort éternelle. C’est ce que prouvent la révélation et la raison, chacune dans la mesure de sa compétence.

Non jurtum faciès, Ex., xx, 15 : tel est le septième précepte promulgué par Moïse au Sinaï. Rien que cette origine montre que le vol est un grave désordre ; il est la violation de l’ordre divin, social et moral, dont le décalogue est l’expression. La loi évangélique en a confirmé l’interdiction. Au jeune homme désireux de la vie éternelle Jésus recommande tout d’abord l’observation des commandements parmi lesquels il cite expressément le septième : « Tu ne déroberas pas », Matth., xix, 18 ; la fidélité à ce précepte est donc condition de vie éternelle. Jésus enseigne en plus cpie la malice du vol, comme celle de l’homicide et de l’adultère, vient du cœur avant de se manifester dans le fait d’une usurpation frauduleuse ou violente. Matth., XV, 19. Saint Pierre proclame que la société chrétienne ne doit pas compter de voleurs qui donneraient scandale en subissant la peine de leur délit : Nemo autem vrstrum patiatur ut Itnmii nia. aul fur, aul maledtcus aut alienorum appetitor, I Pctr., iv, 15. S. Paul complète la doctrine en déclarant que, pas plus que les autres sortes de criminels, les voleurs et les rapaces n’hériteront du royaume des cieux, I Cor., vi, 9 et 10 ; eux et leurs pareils ne sont pas dignes d’être membres de l’Église, royaume de Dieu sur terre, et plus tard ils n’entreront pas en possession du royaume céleste. Texte qui enseigne clairement que le vol est un péché mortel excluant de la béatitude et méritant la damnation éternelle.

Sur ce point, la doctrine de l’Église a toujours été explicite, surtout aux époques où vols et rapines étaient pratiqués par les foules séditieuses et révoltées ou par les puissants de la terre. Qualifiant le Vp] comme mortel de sa nature, elle a aussi combaltu les doctrines subversives de la propriété privée cl Veillé i écarte ! de la théologie des opinions laxistes.