Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/879

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3287

VOL. MALICE

3288

Ainsi furent proscrites les propositions suivantes : Rem au/erre aliénant non esse peccutum mortule, etiam domino invita ; c’est l’erreur du chanoine Zaninus de Solcia condamnée par Pie II dans la lettre Cum sicut, 14 nov. 1459, n. 8, Denz.-Umberg, n. 717 h. Plus tard, Innocent XI rejeta plusieurs propositions de théologiens laxistes, dont nous nous contentons de citer la première : Permissum est furari, non solum in extrema necessitate, sed etiam in gravi. Décret. S. Off., 2 mars 1679, n. 36, Denz.-Bannw., 1186 ; cf. n. 37-39, Denz.-Bannw., n. 1187-1189.

La raison reconnaît pleinement la malice du vol. Si profond est le sentiment des droits de la propriété privée que, pour toutes les consciences, même les plus frustes et les moins éclairées, le vol après le meurtre est l’injustice par excellence ; l’idéal de ces natures inférieures est de n’avoir ni tué ni volé. La raison, nourrie de réflexion et basée sur la philosophie, n’a pas besoin d’en démontrer la malice à grand renfort d’arguments. Saint Thomas se contente des preuves les plus simples : propter contrarietalem ad justifiant quæ reddit unicuique quod suum est, I a -II », q. lxvi, a. 5 ; et il conclut que le vol est un péché mortel parce que contraire à la charité, q. lxvi, a. 6, qui exige que nous voulions et fassions du bien à notre prochain.

b) Tout vol pourtant n’est pas concrètement un péché mortel. Il ne l’est que si la matière est grave, mais il est véniel si la matière volée n’est pas considérable. Selon l’expression théologique, il est mortel ex génère suo, donc admettant légèreté de matière.

Pour le moment, laissons de côté la question ardue de la limite entre matière grave et matière légère. Bornons-nous à constater que le sentiment général s’accorde avec la théologie pour dire qu’il y a de petits vols, qui ne sont que des péchés véniels.

Saint Thomas en admet certes la légèreté de matière, mais on avouera que sur ce point il raisonne tout à l’opposé d’un casuiste. À l’article 6, il objecte : inconveniens videtur quod pro furto alicujus parvæ rei, puta unius acus vel unius pennæ, aliquis puniatur morte selerna. Il répond ad 3um, d’abord d’une manière générale : illud quod modicum est ratio apprehendit quasi nihil ; il faut que la chose volée soit de peu de valeur et puisse être tenue pour rien, c’est la première condition. Toutefois, il semble bien que le saint docteur réclame encore deux conditions : du côté du voleur, qu’il n’y ait pas intention de commettre une injustice, et du côté du volé qu’il n’y ait pas sentiment d’avoir subi un tort injuste : in his quæ minima sunt homo non reputat sibi nocumentum inferri ; et ille qui accipit potest præsumere hoc non esse contra voluntatem ejus cujus est res. En effet, il ajoute sans aucune obscurité : si tamen habeal animum jurandi et inferendi nocumentum proximo, etiam in talibus minimis potest esse peccatum morlale, sicut et in solo cogitatu per consensum. Q. lxvi, a. 6, ad 3um. La seconde condition pour que le vol soit péché véniel est donc qu’il n’y ait pas d’animus injustus, ce qui n’a lieu que si l’intention demeure dans les limites d’une matière peu considérable.

Suarez fait remarquer que le vol, tout en se rapportant à une matière grave, peut être véniel en raison d’une advertance imparfaite : Quidam enim, observet-il, ex consuetudine ita sunt propensi et veluti determinati ad furandum, ut rem auferant priusquam perfecte adverlant quid agant. Idem fieri potest ex vehementia tentationis, præsertim in festinatione, ubi non conceditur deliberatio. De justitia et jure, sectio ii, c.xii, dub. vi, 28. Il importe que cette observation n’échappe pas aux confesseurs, non seulement quant aux cleptomanes et aux voleurs de profession, mais aussi quant aux voleurs d’occasion ;

il est vrai que la question change d’aspect quand il s’agit du devoir de la restitution.

Détermination de ta matière grave.

Le vol étant

péché grave de sa nature et admettant légèreté de matière, il nous faut aborder le problème éminemment casuistique de la fixation de la matière du péché mortel. Deux points sont à examiner : les règles posées par les théologiens, et la justification de ces règles.

1. Règles posées par les théologiens.

Pour fixer les limites, en matière de vol, entre péché mortel et péché véniel, les théologiens se sont ingéniés, non sans difficulté, à déterminer la quantité de tort injuste nécessaire pour qu’il y ait péché grave. Or, comme le tort matériel non seulement va au détriment du propriétaire dépouillé, mais, à partir d’une certaine valeur, nuit encore à la société dont les membres souffrent solidairement chaque fois que l’ordre est profondément troublé, il s’ensuit tout d’abord que la frontière entre matière grave et matière légère varie selon que le tort est considéré exclusivement sous l’aspect privé ou encore sous l’aspect social. Ainsi, à la base du jugement sur la gravité du vol, interviendra parfois l’appréciation des deux intérêts, privé et public.

a) C’est de l’intérêt privé qu’avant tout il faut tenir compte. Mais la droite raison interdit de prendre une même mesure pour apprécier la gravité des torts causés à différentes personnes. En effet, le même tort matériel est très souvent inégalement ressenti par plusieurs victimes, gravement par l’un, plus légèrement par d’autres. Ce n’est donc pas la seule valeur marchande de l’objet volé ou la seule valeur d’achat des sommes monnayées qui sera le critère obligatoire de la gravité ou de la légèreté du péché. Ce critère n’est pas absolu, et le tort se mesure encore à d’autres échelles qui sont des circonstances générales de temps et de lieu, et surtout les circonstances de personnes en raison de leur situation économique et de leurs dispositions de propriétaires plus ou moins inviti.

L’état économique général du temps et du pays entre évidemment en considération, et comme il est soumis à d’incessantes variations ainsi que la valeur de l’argent, la gravité du tort sera fixé, selon les époques, à un taux plus ou moins élevé.

Aux époques de civilisation matérielle moins développée, la théologie déterminait comme matière grave une quantité qui nous paraît médiocre. Au xiiie siècle, la matière grave commençait à huit deniers, pouvant monter à douze, c’est-à-dire un sou, et saint Thomas lui-même, comme matière légère, ne cite que la valeur d’une aiguille ou d’une plume (penna). Suarez, à la fin du xvie siècle, établissait la limite entre un réal de vingt deniers et deux réaux. Pour la seconde moitié du xviii c, nous sommes mieux renseignés par saint Alphonse qui a minutieusement relevé les opinions de nombreux théologiens. Nous nous contentons de résumer cette page de sa Theologia moralis, t. III, n. 527 : selon la situation du volé, l’appréciation des théologiens commence à un demi-réal s’il s’agit de pauvres, monte à deux réaux pour les terrassiers, à cinq ou six pour les gens à l’aise, à un florin valant quatre à six réaux pour les riches, à un aureus ou à un ducat valant trois florins pour les magnats et les communautés opulentes. Au n. 528, le saint docteur donne son sentiment personnel qu’il exprime dans la monnaie napolitaine.

Toutes ces indications restent, pour nous, assez vagues, vu l’impossibilité de nous représenter exactement la valeur relative et le pouvoir d’achat de ces différentes monnaies. Nous y voyons un peu plus clair au xixe siècle durant lequel la situation économique fut suffisamment stable. En France, la