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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/917

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VOLONTÉ. DE DIEU, SALVIFIQUE UNIVERSELLE


col. 834, 840 — fait injure au génie du grand docteur et aux louanges que lui prodigue l’Église, précisément au sujet de la grâce. On a montré, 1. 1, col. 2408, à la lumière d’un texte de YEnchiridion, qu’Augustin, dans la controverse semi-pélagienne, envisage la volonté divine précisément en tant qu’elle n’est plus conditionnelle, mais efficace. C’est, en germe, la distinction de la volonté antécédente et de la volonté conséquente. Cf. Faure, In Encliirid. S. Augustini, c. ciii, Naples, 1847, p. 195 sq. On sait que Prosper d’Aquitaine, disciple de saint Augustin, a fortement adouci en ce sens les formules bien plus dures de l’évêque d’Hippone. Voir ici Prosper d’Aquitaine, t. xiii, col. 847-849. Cf. Lionel Palland, S. Prosperi Aquitani doctrina de prædestinatione et voluntate Dei suivi flca ; de ejus in Augustinismum influxii, Montréal, 1937.

Le P. Wang Tch’ang Tche, S. J., s’inspirant d’une pensée émise par le P. de Lubac, cf. Actes du IIe Congres de l’Union missionnaire du clergé de France, 1933, p. 40-41, reprend, en lui donnant une formule nouvelle, l’interprétation de la volonté salvifique restreinte aux prédestinés : « Le genre humain à travers le temps et l’espace constitue un tout physique avec ses multiples solidarités que les sciences modernes constatent de plus en plus. Mais ce tout physique, dans les desseins de son Créateur, n’est que la matière d’où s’élaborera un tout spirituel : le Christ total, chef et corps. Ce Christ total et parfait est prédestiné, chef et corps, par la même grâce et vit du même esprit… De ce point de vue du Christ total, l’interprétation de Y Enchiridion au sujet de la volonté salvifique n’apparaît plus comme une » restriction illégitime ». Elle prend une valeur véritable. Omnes homines, c’est pour Augustin tout le genre humain ramifié dans toutes ses particularités. Ut omnes hominum omne genus humanum intelligamus per quascumque differentias distributum. Enchir., ciii, t. XL, col. 280. Et le véritable genre humain qui correspond parfaitement à l’intention divine, qui réalise la finalité suprême de la nature humaine, se trouve dans les élus, ces membres vivants du Christ. Dire que Dieu veut sauver tous les hommes, c’est dire qu’il veut sauver tous les élus. » Saint Augustin et les vertus des païens, Paris, 1938, p. 169.

Sur la pensée de saint Augustin, on consultera : Petau, De Deo, t. X, c. vu ; Franzelin, De Deo uno, th. li-lii ; Faure, Enchiridion de Fide, Spe et Carilate S. Aurelii Augustini… notis et assertionibus theologicis illustratum, Naples, 1847, c. cm ; Hurter, De Deo, n. 118-121 ; Taxeront, Hist. des dogmes, t. ii, p. 498-511 ; L. Capéran, Le problème du salut des infidèles, essai historique, 2e éd., Toulouse, 1935, c. iv ; Odilon Rottmanner, O. S. B., Der Auguslinismus, Munich, 1892 ; Otto Pfitlf, S. J., Zur Pràdestinationslehre des M. Auguslinus, dans Zeitschrift fur kath. Theol., 1893, t. xvii, p. 485-495 ; Ph. Huppert, Der Augustinismus, dans Der Kalholik, 1893, t. i, p. 162-172 ; M. Jacquin, O. P., La question de la prédestination aux V et VIe siècles : S. Augustin, dans Rev. d’hist. ecel., 1904, t. v, p. 265-283, 725-754 ; A. d’Alès, art. Prédestination, dans Dict. apol., t. iv, col. 205-216.

5. Après saint Augustin.

Quelques noms méritent d’être encore relevés. Disciple fidèle d’Augustin, l’auteur du De vocatione gentium maintient le principe général de la volonté salvifique universelle. De voc, t. II, c. n ; cꝟ. t. I, c. ix-xiii, P. L., t. li, col. 687-688 ; 657 sq. Mais il introduit, dans la solution du problème, une heureuse distinction : les dona generalia accordés à tous ; les dona specialia, réservés aux privilégiés. L. II, c. xix, col. 706 CD.

Envisageant la réalisation pratique de la volonté salvifique universelle, saint Léon proclame que Dieu « n’a jamais refusé sa miséricorde au genre humain » et qu’ « il a pourvu au salut des hommes de diverses

manières et en des mesures variées. » Serm., lxxxii, c. n ; xxiv, c. i, P. L., t. liv, col. 423 A, 203 C.

Fauste de Riez réagit contre l’interprétation outrée du système augustinien ; contre Lucidus, il affirme qu’ « enseigner que le Christ ne s’est pas incarné pour le salut de tous et n’est pas mort pour tous, c’est un sentiment que l’Église a en horreur. » De gralia Dei et lib. arbitr., t. I, c. xvi, P. L., t. lviii, col. 808 D. Mais sa réaction dépasse les limites de l’orthodoxie. Voir ici t. v, col. 2104.

A l’inverse, saint Fulgence de Ruspe s’emprisonne dans les formules des dernières années d’Augustin et refuse de donner une portée universelle à I Tim., ii, 4. De veril. prædest., t. III, c. x, n. 15-21, P. L., t. lxv, col. 659-662 ; cf. Epist., xvii, seu de Incarn., t. II, n. 61, ibid., col. 489 B C ; voir ici, t. vi, col. 972. Mais Fulgence se refuse à souscrire aux erreurs prédestinatiennes qu’il réprouve explicitement.

Les documents du magistère.

On comprend

qu’en face des diverses interprétations de I Tim., ii, 4 qui se font jour depuis saint Augustin, l’Église, dans ses documents officiels, se soit montrée prudente. Elle se contentera d’affirmer le dogme, tel qu’il ressort de la tradition antérieure à saint Augustin.

1. Ce dogme a été suffisamment affirmé par l’article du symbole de Nicée-Constantinople : Qui proter nos homines et propter nostram salutem descendit de cœlis… ; cruciflxus etiam pro nobis. Denz.-Bannw., n. 86.

2. La controverse prédestinatienne, provoquée par le prêtre Lucidus, fut l’occasion, au concile d’Arles (475), d’une lettre signée de douze évêques, portant anathème à qui dira « que celui qui périt n’a pas reçu de quoi se sauver », can. 2 ; à qui dira « que le Christ n’est pas mort pour tous et ne veut pas que tous les hommes soient sauvés », can. 6. Mansi, Concil., t. vii, col. 1000. Voir ici l’art. Lucidus, t. ix, col. 1022-1023.

3. Le IIe concile d’Orange, qui termine la controverse semi-pélagienne, ne parle pas explicitement de la volonté salvifique universelle. Il ne fait toutefois aucune allusion au particularisme de l’élection au salut et de la grâce. S’il proclame la nécessité de la grâce, même avant Yinilium fidei (can. 5), il exclut formellement l’erreur qui enseigne la prédestination au mal. Voir la déclaration finale, Denz.-Bannw., n. 200.

4. Les controverses du ixe siècle provoquent deux déclarations conciliaires qui, sans avoir l’autorité suprême de définitions infaillibles, doivent cependant retenir notre attention : a) Le concile de Quierzy (853), contre Gottschalk, s’exprime ainsi : « Le Dieu tout-puissant veut que tous les hommes soient sauvés sans exception. Que certains se sauvent, c’est par le don de celui qui sauve, que certains périssent, c’est la faute de ceux qui périssent » (can. 3). « Il n’y a, il n’y eut, il n’y aura jamais aucun homme dont le Christ Jésus Notre-Seigneur n’ait assumé en soi la nature. De même, il n’y a, n’y eut, n’y aura jamais d’homme pour qui il n’ait souffert, bien que tous ne soient pas rachetés par le mystère de sa passion. Que tous ne soient pas rachetés par le mystère de sa passion, cela n’atteint aucunement la grandeur et l’abondance du prix, mais c’est uniquement le fait des infidèles et de ceux qui ne croient pas de cette foi qui agit par la charité. La coupe du salut humain, préparée pour notre infirmité par la vertu divine, contient de quoi être utile à tous, mais, si on ne la boit pas, elle ne guérit pas » (can. 4). Voir Prédestination, t.xii, col. 2921. — b) Le concile de Valence (855), contre Jean Scot Érigène, est plus prolixe. On indique ici seulement quelques assertions plus directes, le texte intégral ayant été donné t.xii, col. 2923-2925. Can. 2 : « Personne n’est condamné par un préjugé de Dieu, mais pour l’avoir mérité par sa propre iniquité. Les mé-