Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/918

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3365
3366
VOLONTÉ. DE DIEU, SALVIFIQUE UNIVERSELLE


chants ne périssent donc pas par impossibilité d’être bons, mais parce qu’ils n’ont pas voulu l’être et qu’ils sont, par leur faute, demeurés dans la masse de damnation par démérite originel ou même actuel. » Can. 3 : « Que certains aient été prédestinés au mal par la puissance divine, de telle sorte qu’ils ne puissent pas être autre chose [que méchants]…, comme le concile d’Orange, nous anathématisons avec horreur ceux… qui croient cette monstruosité. » Denz.-Bannw., n. 318, 319, 321, 322. — c) Au concile de Thuzey, qui régla définitivement le conflit doctrinal surgi entre les Pères de Quierzy et ceux de Valence, les évêques retiennent comme principe la doctrine de la volonté salvifique universelle : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ; après la chute, il leur laisse le libre arbitre et, par la grâce, les met à même de vouloir, de commencer, de continuer et d’achever le bien. Voir les textes, t.xii, col. 2930.

5. Tout en condamnant certains aspects du prédestinatianisme de Calvin (sess. vi, c.xii, can. 15, 17), le concile de Trente n’envisage pas directement la question de la volonté salvifique. Deux affirmations cependant s’y rapportent.

a) Universalité de la rédemption : « Bien que [le Christ] soit mort pour tous (II Cor., v, 15), tous néanmoins ne reçoivent pas le bénéfice de sa mort », ibid., c. iii, Denz.-Bannw., n. 795.

b) Possibilité pour tous de (aire leur salut. Le concile reprend la phrase de saint Augustin, De natura et gratia, n. 50, P. L., t.xLiv, col. 271 : « Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en les commandant il avertit l’homme de faire ce qui est en son pouvoir et de lui demander ce qui dépasse ce pouvoir. » C. vi, n. 804. Sans doute, le concile restreint ici sa considération à l’homme justifié, mais l’assertion augustinienne a une portée générale, qui entre bien, d’ailleurs, dans la pensée exprimée par le concile au c. ii, n. 794, le Christ étant venu racheter les juifs et les gentils.

6. La réprobation de certaines propositions jansénistes apporte enfin d’heureuses précisions sur l’universalité de la rédemption et la distribution de la grâce nécessaire au salut.

a) La cinquième proposition de Jansénius, condamnée par Innocent X : - Il est semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort ou qu’il a répandu son sang généralement pour tous les hommes », Denz.-Bannw., n. 109fi, est condamnée comme fausse, téméraire, scandaleuse ; et, entendue en ce sens que Jésus-Christ serait mort seulement pour le salut des prédestinés, elle est déclarée impie, blasphématoire, calomnieuse, injurieuse à la bonté de Dieu et hérétique. Voir ici t. viii, col. 493-494.

b) Quatrième et cinquième propositions condamnées par Alexandre VIII : « Jésus-Christ s’est offert à Dieu en sacrifice pour nous, non pour les seuls élus, mais pour tous les liildes et pour eux seuls. » — « Les païens, les juifs, les hérétiques et gens semblables ne reçoivent aucune influence de Jésus-Christ ; d’où vous conclurez fort bien que leur volonté est dénuée de tout recours et de toute grâce suffisante. » Denz.-Bannw. , n. 1294, 1295. Voir ici t. i, col. 753.

c) D’autres précisions se tirent de la condamnalion de plusieurs propositions de Qucsnel par Clément XI. Tout d’abord les prop. 26, 27, 28, 29 qui restreignent indûment l’influence « le la grâce nécessaire au salut. Ensuite les prop. 30, 31, 32 qui treignent aux seuls élus l’influence des mérites et de la rédemption du Christ. Denz.-Bannw., n. 13761382. Voir ci dessus t NIOBNITVI (Huile).

u. i.i. s nocTBtjri S’emparant

des données traditionnelles, la théologie l’eflon résoudre les deux difficultés inhérentes au problème de

la volonté salvifique universelle : 1° Comment concevoir en Dieu une volonté sincère de sauver tous les hommes, alors qu’un certain nombre d’entre eux manquent leur salut ; 2° Quelles exigences la volonté sincère de sauver tous les hommes comporte-t-elle relativement à la distribution de la grâce.

1° La volonté salvifique universelle est une volonté sincère. — Cette première assertion suppose la distinction théologique de la volonté antécédente et de la volonté conséquente, distinction qu’on trouve déjà chez certains Pères et que les scolastiques et notamment saint Thomas ont utilisée. Toutefois, l’enseignement de saint Thomas n’a pu empêcher ses commentateurs d’y faire entrer des conceptions assez divergentes.

1. Les Pères et la distinction des deux volontés.

La première formule est celle de Tertullien distinguant en Dieu la bonté qui a la priorité de nature et la sévérité s’exerçant postérieurement selon les motifs qui la provoquent : Bonilas Dei prior secundum naturam, severitas posterior secundum causam ; illa ingenita, hsec accidens ; illa propria, hsec accommodata ; illa édita, hsec adhibita. Adv. Marc, t. II, c. xi, P. L., t. ii, col. 298 B.

Commentant Eph., i, 5 (qui prædestinavit nos… secundum propositum voluntatis suæ, xoexà tvjv sùSoxîav toô 0£Xr)ji.aToç aÙToû), saint Jean Chrysostome explique le « propos » de Dieu dans le sens d’un « désir », e7n.60ji.ia. » Ce propos, ce désir est une volonté précédente, tô 0£À7](i.a t6 7tpor)yoûji.evov. Mais il y a une autre volonté, ea-n. yàp xod àXXo 6éXY)(j.a. La première est que ne périssent point ceux qui ont péché ; la seconde est que périssent ceux qui ont fait le mal. » In Eph., homil. i, n. 2, P. G., t. lxii, col. 14.

La formule définitive est due à saint Jean Damascène : « Il faut savoir que Dieu, par sa volonté première et antécédente (7rpor, YOup.évcoç OsXei) veut que tous soient sauvés et rendus participants de son royaume. Car il nous crée, non pour nous punir, mais parce qu’il est bon, pour nous faire participer à sa bonté. Mais il veut que les pécheurs soient punis parce qu’il est juste. Cette volonté première et antécédente, t6 u.èv irpwTOv 7rpoT)Yoùu.£vov QéXr^tx, est dite aussi bon plaisir, eùSoxia, et Dieu lui-même en est la cause ; la seconde, conséquente et permissive, a sa cause dans notre conduite, tô Se SeÙTepov éTc6u.£vov 6éXï]u.a xod roxpa/coprjaiç, kc, rjfxe-répaç al-rtaç… » De fide orth., t. II, c. xxix, P. G., t. xciv, col. 968. La terminologie est désormais consacrée. Cf. Dial. conl. manich., n. 79, ibid., col. 1577 BD.

2. Les scolastiques ; saint Thomas. — Avant saint Thomas, les scolastiques, sans s’embarrasser de préciser la nature de la volonté salvifique, admettent généralement qu’elle est universelle. À cet universalismc, certains auteurs semblent, plutôt dans les mots cpie dans la réalité, apporter quelques restrictions, p. ex. Alexandre de Halès, Sum. theol., I », q. xxxvi, memb. 2 (dans l’édition de Quaracchi, 1924, pars I s, inquis. 1, tract. VI, q. iii, tit. ii, memb. 1, t. i, p. 372 sq., n. 273) ; saint Albert le Grand, In 7° m Sent., dist. XI. VI, a. 1 ; saint Bonaventure, In I" m Sent., dist. XL I, a. 1, q. 1 (éd. de Quaracchi, t. i, p. 821 sq.). Saint Thomas, dans ses œuvres de jeunesse, enseigne très nettement une volonté salvifique universelle très sérieuse ; dans les œuvres de maturité et notamment dans la Somme (voir très spécialement t », (|. xix, a. 9 ; q. xxii, a. 2 ; q. xxiii. a. >. ad 3, , iii). certains textes sembleraient favoriser une Interprétation restrictive, telle que l’ont envisagée certains commentateurs, notamment Alvarez.

Quoiqu’il en soit, la distinction proposée par saint Jean Damascène est reprise par saint Thomas, à propos de l’efficacité de la divine volonté, l q, xix.a. <ï :