Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/993

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3515
3516
WARD. CATHOLIQUE


Il ne devait plus rester longtemps dans l’Église anglicane. Depuis plusieurs années, il était convaincu, il disait et répétait que l’Église romaine était la véritable Église. Mais il avait une telle confiance en Newman en qui il voyait « son pape », que, disait-il, « sans sa sanction, je ne puis remuer ». W. Ward, W.-G. Ward and the Oxford Movement, p. 241. Souvent aussi, il avait songé à une réunion en corps de l’Église anglicane à l’Église de Rome : dans une lettre écrite en collaboration avec Dalgairns et publiée dans l’Univers du 13 avril 1841, il avait exprimé ce désir d’union et engageait les catholiques du continent à ne plus songer aux conversions particulières, mais à leur présenter « ce que nous n’avons pas parmi nous, l’image d’une Église parfaite en discipline et en mœurs ». La réaction qui suivit la publication de son Idéal, blâmé aussi par les tractariens de la première heure, lui enleva sans doute ses dernières illusions sur la possibilité d’une telle réunion. L’autorité de l’Église, non moins que l’autorité de l’Université, s’était prononcée contre les principes du tract 90 qu’il avait ardemment soutenus. Il ne trouvait plus pour lui-même ou pour les autres dans les ordonnances de l’Église d’Angleterre cette grâce de soutien qu’il avait cru jadis qu’elle possédait.

Ce fut à la suite d’une intervention de sa femme qui, ayant reçu de lui la conviction que l’Église romaine était, la seule véritable Église, avait décidé de se faire recevoir dans cette Église, qu’il se résolut à son tour à faire le pas décisif : « Un peu plus tôt, un peu plus tard, dit-il à sa femme, cela ne fait pas de différence ; j’irai avec vous. » Le 13 août 1845, il annonçait sa décision à ses amis et, le 5 septembre, il était reçu dans l’Église catholique avec sa femme, dans la chapelle des jésuites, à Londres. Le 14 septembre, il était confirmé par Wiseman, à Oscott. Cf. J.-M. Rigg, W.-G. Ward, dans Dictionary of national Biography, t. lix, col. 346 ; W. Ward, W.-G. Ward and the Oxford Movement, p. 337-346.

II. Ward catholique (1845-1882). — 1° Ward professeur à Saint-Edmond (1851-1858). — Après sa conversion, Ward se retira à Old Hall à proximité du collège Saint-Edmond, qui servait de séminaire aux diocèses de Westminster et de Southwark. Il consacra son temps à l’étude de la théologie scolastique et des théologiens postérieurs au concile de Trente. Il publia un ouvrage serré sur les principes de la constitution de l’Église anglicane, démontrant qu’ils sont en contradiction, non seulement avec les principes de l’Église catholique actuelle, mais avec ceux de l’Église de tous les temps : The Anglican Church contrasted in every Principle of its Constitution wilh the Church of every Age, Londres, 1850.

En 1851, le cardinal Wiseman, qui avait à cœur d’utiliser les convertis de l’anglicanisme, le nomma lecturer de philosophie, puis professeur de théologie à Saint-Edmond. Beaucoup ne comprirent pas ce geste de l’archevêque confiant ce poste important dans le principal séminaire de l’Angleterre à un homme marié, récemment converti de l’anglicanisme au catholicisme. Des plaintes allèrent jusqu’à Rome. Pie IX répondit avec son humour accoutumé à un prélat qui lui signalait cette inconvenance : « L’objection est nouvelle ; on ne savait pas encore, Monseigneur, que le fait d’avoir reçu un sacrement de la sainte Église, que ni vous ni moi ne pouvons recevoir, dût empêcher quelqu’un de travailler à l’œuvre de Dieu. » Thureau-Dangin, op. cit., t. ii, p. 301. Pie IX, en 1854, lui conférait le diplôme de docteur en philosophie.

A cette œuvre de formation sacerdotale, Ward s’adonna tout entier, avec l’impétuosité parfois un peu intempérante de sa nature, aussi préoccupé de la

formation spirituelle et morale de ses élèves que de leur développement intellectuel. Il condensa une partie de ses enseignements dans The Relation of Intelleclual Power lo Man’s True Perfection considered in tivo Essays read before the English Académie of the Catholic Religion, Londres, 1858 (réimprimé dans Essays on Religion and Lilerature, 2e série, Londres, 1867). Sa science de la scolastique et sa piété se reflètent dans son ouvrage sur la nature de la grâce, publié deux ans après qu’il eut quitté sa charge de professeur : On Nature and Grâce, Londres, 1860. Quelques années plus tard, il publiait sur la question du Filioque une critique des vues de Ffaulkis : Strictures on M. Ffaulkis’s Letter to Archbishop Manning, Londres, 1869 (extrait de la Revue de Dublin).

Ward controversiste.

Ward avait dû quitter sa

chaire de théologie du séminaire-Saint-Edmond en 1858, sur l’intervention d’Errington, coadjuteur de Wiseman. Ses loisirs lui permirent de développer ses relations et de se lier d’amitié avec Fr. W. Faber et de se préparer aux polémiques qui rempliront le reste de sa vie. Il aura comme tribune la Revue de Dublin, fondée en 1836 par Wiseman et O’Connell. Ce fut Wiseman lui-même qui lui demanda cette collaboration, dans le but de contrebalancer le libéralisme du Rambler, libéralisme importé du continent, mais se rapprochant plus de celui de Dôllinger que de celui de Lacordaire et de Montalembert. Pleins d’idées généreuses et fécondes, les rédacteurs du Rambler ne surent pas éviter les exagérations et les témérités, adoptant comme de parti pris toutes les thèses opposées à la tradition, considérant ce qui venait de Rome comme démodé et vieilli.

Les idées du nouveau rédacteur de la Revue de Dublin étaient à l’opposé de celles de Richard Simpson, converti de 1845, et de lord Acton, catholique de naissance et disciple de Dôllinger, principaux rédacteurs du Rambler. Ward avait été attiré à l’Église romaine parce qu’il voyait en elle un puissant instrument d’autorité, qu’il opposait à l’anarchie doctrinale de l’anglicanisme. Aussi ne voyait-il de salut que dans la dictature spirituelle de l’Église catholique. Son tempérament le poussait à exagérer l’idée d’autorité, « il désirait que cette dictature s’exerçât à chaque moment pour résoudre d’autorité toutes les questions où se débattait la pensée moderne et il réduisait le rôle du croyant à attendre et à enregistrer docilement ces décisions toujours souveraines et infaillibles ». Thureau-Dangin, op. cit., t. ii, p. 323. « J’aimerais, disait-il, recevoir chaque matin à déjeuner, avec mon Times, une nouvelle bulle papale ». W. Ward, W.-G. Ward and the Catholic Revival, p. 14.

Bientôt la collaboration intermittente de Ward à la Revue de Dublin ne parut plus suffisante à Wiseman pour combattre efficacement les idées du Rambler, devenu en 1862 une revue trimestrielle sous le titre Rome and Foreign Review. Ward reçut du cardinal la pleine direction de la revue, sous l’autorité supérieure de Manning, alors prévôt de la cathédrale. Il conservera cette direction jusqu’en 1878. La revue, qui reçut de lui une nouvelle vigueur et l’empreinte de ses idées, devint un redoutable instrument de combat. Son but était la défense du Saint-Siège. Les polémiques de l’époque, à propos du Syllabus, du pouvoir temporel, du concile du Vatican, allaient fournir à Ward l’occasion de pousser à fond ses théories ultramontaines.

Après les congrès de Malines et de Munich (1863), il avait renoncé, sur l’intervention de Manning, à publier dans la Revue de Dublin un article contre les thèses soutenues à Malines par Montalembert sur