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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/992

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WARD. ANGLICAN


avait dès lors acquis la conviction qu’aucune forme de protestantisme ne pourrait se développer dans le catholicisme et il tirait la conclusion que les décrets de Trente faisaient autorité, que l’Église d’Angleterre devait mettre ses articles d’accord avec eux ou renoncer à se prétendre un rameau de l’Église catholique.

Dans la controverse qui suivit la publication du tract 90, Ward intervint non pas tant pour défendre et expliquer le tract que pour poser de nouvelles questions et en tirer les conséquences les plus extrêmes. C’est le sens de ses deux opuscules : À few words in défense of tract 90 et À few words more in défense of tract 90. Dans le tract, Newman avait un peu forcé l’interprétation des xxxix articles ; Ward veut que cette interprétation soit forcée et qu’on entende la doctrine des articles dans un sens qui n’est pas le sens naturel. Newman avait parlé avec réserve, Ward déchire le voile et insiste en montrant à Newman où conduisent ses prémisses. Il fait ressortir le caractère anticatholique des Réformateurs, que Newman avait épargnés par égard pour Pusey. Il établit surtout que c’est la même autorité qui a fixé les définitions anciennes, les décrets de Trente et le système pratique de Rome : c’est la foi catholique. Or, l’Église d’Angleterre est un rameau de l’Église catholique. C’est pourquoi l’Église d’Angleterre tient toute cette doctrine et, si les articles ne l’enseignent pas, tant pis pour les articles. On doit les signer, non dans leur sens littéral et grammatical, mais dans « un sens qui n’est pas le sens naturel ». Cf. F. Warre Cornish, A History of the English Church in the nineteenth Cenlury, t. i, p. 287 sq.

Ward a dès lors de fréquents entretiens à Littlemore avec Newman qui, plus prudent et plus délicat, est souvent mis dans l’embarras par sa logique impétueuse. Lors des visites qu’il fait au collège d’Oscott et à Saint-Edmond, il acquiert quelque expérience de la vie de l’Église romaine.

En même temps, la tendance de sa pensée se manifeste dans les articles Arnold’s Sermons, Whately’s Essays, Goode’s Divine Rule, St Athanasius againsl the Arians, qu’il publia de 1841 à 1843 dans le British Critic. Ces publications lui attirèrent une protestation de William Palmer, de Worcester, qui exposa, en 1843, dans A Narrative of events connecled ivith the publication « Tracts for the Times » wilh reflections on exisling tendencies to Romanism, les griefs des anciens tractariens qui ne voulaient pas suivre les dangereuses directives du British Critic. L’éditeur de ce périodique suspendit sa publication. Ward, qui n’avait plus d’organe pour répondre, publia, en 1844, The Idéal of a Christian Church considered in comparison tvith existing Practice.

Dans cet ouvrage d’une logique implacable, il n’y a qu’un « syllogisme dont la majeure est que ce qui est ordonné et pratiqué par Rome est seul vrai et Juste ; la mineure, que les cérémonies, méthodes et règles communes de l’Église d’Angleterre sont opposées à celles de Rome ; la conclusion suit : Rome a raison et tout autre a tort ». W. Cornish, op. cit., t. i, p. 290. De fait, il accepte le dogme romain en entier ; il considère le schisme du xvi c siècle, la désertion de l’Église romaine, enmme un grand péché », et tient que l’Église d’Angleterre doit se « repentir dans l’aflliction et l’amertume du cœur et implorer humblement aux pieds de Rome pardon et restauration : toutefois il souscrit aux articles de l’Église d’Angleterre, exerce le ministère dans ses églises, croit que la grâce sacramentelle se trouve dans cette Église en vertu de la succession apostolique il exprime son

plaisir de voir tout le cycle de la doctrine romaine » professé dans l’Église d’Angleterre et provoque ses

opposants à le contredire : « Trois années se sont écoulées depuis que j’ai dit ouvertement que, en souscrivant les articles, je ne renonçais à aucune doctrine romaine ; cependant je conserve mon grade de fellow que je tiens en raison de ma souscription, et je n’ai reçu aucune censure ecclésiastique d’aucune sorte. » Cité par W. Cornish, op. cit., t. i, p. 289.

La joie évidente avec laquelle il établit ses comparaisons entre l’Église romaine et les communions protestantes, pour faire ressortir la supériorité de la première, fut particulièrement odieuse aux anglicans de tous les partis. L’Idéal d’une Église chrétienne était un manifeste qui ne pouvait laisser l’opinion indifférente ; il va soulever une tempête qui aura pour conséquence la condamnation de Ward et son exclusion de l’Université et aussi sa conversion définitive à l’Église romaine.

h’Edinburg Review d’octobre 1844 stigmatisa le livre de Ward comme 1’ « illustration pratique des principes des tracts du genre le plus odieux ». En décembre, Gladstone, tractarien modéré, exhorta, dans Quaterly Review, Ward à l’humilité. Au début de 1845, Ward fut cité devant le vice-chancelier, nouvellement élu, D r Symons, Warden de Wadham, et devant Y Hebdomadal Board. On demanda à Ward de rétracter six des passages les plus alarmants de VIdeal. Sur son refus, on décida de proposer à la Convocation : 1° de condamner le livre et de censurer l’auteur pour manque de bonne foi ; 2° de le priver de ses grades de B. A. et de M. A. ; 3° d’imposer à l’avenir à tous les gradués un test définissant le sens dans lequel les articles devaient être signés. Mais la Convocation n’avait pas autorité suffisante. L’imposition d’un nouveau test s’annonçait pleine de difficultés ; sa rédaction ne pouvait que demeurer ambiguë. Le candidat devrait affirmer qu’il signait les articles « dans le sens dans lequel je crois sincèrement qu’ils furent originairement rédigés et qu’ils me sont maintenant proposés par l’Université ». Quel était le sens adopté par l’Université ? Toutes les opinions y étaient admises. Aussi la troisième proposition fut-elle retirée, le 23 janvier 1845 et remplacée par une autre censurant les modes d’interprétation invoqués par le tract 90. Tait, tout en attaquant Ward dans un pamphlet, s’éleva contre cette nouvelle rédaction qui aurait pour résultat « l’exclusion des hommes les meilleurs parce que les plus consciencieux ». W. Cornish, op. cit., t. i, p. 292.

La discussion eut lieu le 13 février devant la Convocation de l’Université, réunissant environ 1500 membres. La première résolution censurant certains passages de l’Idéal fut adoptée par une majorité de plus de 300 voix ; la deuxième, retirant à Ward ses grades académiques, par une cinquantaine de voix de majorité ; quand on en vint à la troisième résolution, condamnant le tract 90, les proctors Guillemard de Trinily et Church d’Oriel (plus tard doyen de Saint-Paul) se levèrent et prononcèrent les mots Nobis procuraloribus non placet, ce qui, comme dans le cas de Hampden, l’unique autre cas au cours du xixe siècle, suspendit le vote ipso facto. Cf. W. Cornish, op.’cit., t. i, p. 292 sq. ; Thureau-Dangin, op. cit., t. ii, p. 300 sq.

Le coup était dur qui censurait le livre et privait l’auteur de ses grades académiques. L’idéal Ward » le supporta, non pas avec légèreté, comme le dit Manning, alors archidiacre de C.hichester. mais avec sa

bonne humeur habituelle. H quitta Oxford, fellow un dcrgraduiite de Balliol. Six semaines plus tard, il étonnait et amusait le monde qui apprenait que lui, le grand admirateur des choses romaines, y compris le célibat des prêtres, épousait I’.-M. Winglield, tille

d’un prébendier de l’église cathédrale de Worcester.