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r.AIiPfiCHATE

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supérieur où elle est née, et dont elle garde an souvenir plus ou moins net ; elle n’est <)u<- d dans le corps, où elle est emprisonnée, on ne sait pour quel motif, nuia d’où elle doit sortir, son épreuve achevée, pour réinfa gn r son centre d’origine. Or, pour se soustraire .1 la tyrannie des anges et rompre victorieusement les liens qui l’enchaînent, l’âme n’a qu i imiter, qu’à 1er l’âme de Jésus, en faisant revivre en « lie le souvenir on état primitif et en affichant comme Jésus pour la loi mosaïque le plus souverain mépris, son triomphe et sa grandeur se mesurant exactement à ce mépris. Philosophumena, VII, v, 32, p. 38<i. C’est en cela que consiste la yvû<ri< |iova8tXT), la science libératrice salut, qui ne met aucune différence entre ce que l’on appelle le bien et le mal, le juste et l’injuste. Car, comme l’enseigne Epiphane, la justice n’est qu’une xotvuvfa u.£t’Îcto7T]to ;, c’est-à-dire un droit égal pour chaque homme de participer à tous les biens, non seulement à la lumière du jour, mais encore et surtout au nécessaire exercice des rapports sexuels. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 2, P. G., t. viii, col. 1105-1108. En conséquence, sur la terre, l’âme, omnium facinorum debitrix, selon l’énergique expression de Tertullien, De anima, 35, P. L., t. il, col. 711, doit, pour faire œuvre de salut, violer toutes les lois, parce que les lois sont l’œuvre des anges démiurges. Son devoir consiste à satisfaire toutes ses passions, à jouir de tous les plaisirs, à épuiser toute la série des crimes possibles, faute de quoi elle est condamnée, après la mort, à être réincorporée plusieurs fois s’il le faut jusqu’à ce qu’elle ait pleinement rempli cette condilion indispensable. C’est ainsi que Carpocrate entendait le donec exsolvat novissimum quadrantem de l’Évangile. S. Irénée, Cont. hær., i, 25, n. 4, P. G., t. vii, col. 682-683 ; Tertullien, De anima, 35, P. L., t. il, col. 710 ; Philosophumena, p. 387.

Comme on le voit, la doctrine de Carpocrate emprunte à Platon la théorie de la préexistence des âmes et de la réminiscence ; elle défigure complètement l’économie du dogme chrétien de la rédemption ; elle nie la divinité de Jésus et aboutit à un antinomisme qui a pour point de départ une haine farouche pour tout ce qui louche à la loi de Moïse. De p.lus, elle y greffe la métempsycose avec un sens particulier ; car ce n’est pas celle de Pythagore, qui condamnait l’âme, en punition de ses fautes, à passer par le corps de divers animaux, selon la nature ou le degré de sa culpabilité ; c’est plutôt celle de Simon le Magicien, avec cette différence pourtant que Simon prétendait délivrer l’âme déchue d’Hélène, tandis que Carpocrate n’admettait pas de déchéance au sens ordinaire du mot, ou plutôt en faisait la condition absolue du salut. On se demande comment, pour légitimer une telle théorie de la métempsycose, on pouvait invoquer l’exemple d’Klie revivant dans saint Jean-Baptiste. Tertullien, De anima, 35, P. L., t. ii, col. 711. Toujours est-il que, dans un pareil système, l’âme devait un jour ou l’autre épuiser la série de ses épreuves, c’est-à-dire achever de parcourir le cycle des crimes, et finalement retourner à son centre supérieur. Dans de semblables conditions il ne pouvait y avoir ni damnés ni enfer ; l’âme Unirait par remonter au ciel, abandonnant le corps à la terre, le corps ne devant pas ressusciter. Pseudo-Tertullien, Præscr., 48, P. L., t. ii, col. 67.

Morale.

Les conséquences d’une pareille doctrine se devinent aisément. Les œuvres ne servent de rien, observe saint Irénée ; tout est indifférent ; il n’y a ni bien ni mal. Cont. hær., 1, 25, n. 5, P. G., t. vil, col. 683. Toute loi étant regardée comme l’oeuvre des anges démiurges, et la haine de toute loi constituant essentiellement le salut, c’est l’immoralité érigée en Bystème, l’instinct débridé, le vice consacre, la pratique du mal proclamée un acte de vertu, l’ordre social renversé en même temps que l’ordre moral. L’âme, par un mépris résolu île tout législateur et de toute législation, se libère d une tjran ni.. s’affranchit de toute religion positive et devient

digne de Dieu, dont le but était uniquement de i le pouvoir despotique des anges. A quoi bon dés lors le mariage et la continence ! On s’explique ainsi que l’on ait fait de la Communauté- des femmes un droit et une règle parmi les parti-ans d.- Carpocrate. Cli ment d’Alexandre-, Strom., iii, .’. P. G., t. viii, col. 1112. En tout cas, c’est dans un sens d’une impudeur révoltante que Carpocr.it>- et son fils interprétaient le irotvrt *’-’. m Sfôou. Luc vi. 30. Clément, Strom., iii, 6, P.’. t. viii, col. 1157.

III. DISCIPLES.

A part Epiphane, on ne connaît pas d’autre personnage marquant parmi les partisans de Carpocrate. Ceux-ci, du reste, ne devaient guère se n-cruter que dans les bas-fonds de la société, surtout en Egypte et à Céphalénie. Rome, cependant, reçut, sous le pontificat d’Anicet. la visite d’une carpocratienne du nom de Marcellina, qui prêcha les abominations de la secte et fit de nombreuses victimes. S. Irénée, Cont. hxr., i, 25, n. 6. P. G., t. viii, col. 685. Les sources ne disent pas si les carpocratiens pratiquaient l’ésotérisme et s’entouraient de mystère ; mais il est très probable qu’ils durent imiter leurs contemporains et piquer la curiosité par l’attrait de l’inconnu. On sait du moins qu’ils faisaient usage de procédés magiques, d’incantations, de philtres, de charrues et d’invocations aux esprits qui procurent les songes. S. Irénée, Cont. hær., i, 25, n. 3, P. G., t. vu. col. 682 ; Pliilosophumena, loc. cit., p. 386, 387 ; Eusèbe, II. E., iv, 7, P. G., t. xx, col. 317. Lrs initiés se reconnaissaient à un signe distinctil qu’ils portaient à l’oreille droite. lisse réunissaient devant des peintures ou des sculptures représentant ceux qu’ils appelaient les ancêtres de la gnose, les vrais émancipés, Pythagore, Platon, Aristote ; ils prétendaient même posséder un portrait de Jésus fait par Pilate. S. Irénée. Cont. hxr., i, 25, n. 6, P. G., t. vii, col. 685 ; Philosophumena, loc. cit., p. 388. A un moment donné, pendant les réunions nocturnes, ils éteignaient les flambeaux, et se livraient à la débauche, ce qu’ils appelaient sacrilègenunt leur agape. Clément d’Alexandrie. Strom., III, 2, P. G., t. viii, col. 1112. L’ennemi du salut, dit saint Irénée, inventa cette doctrine pour diffamer le christianisme, exciter contre lui l’indignation des païens et arrêter les progrès de l’Évangile. Il est de fait qu’on reprocha aux chrétiens les ignobles excès, Eusèbe. H. E., iv, 7, P. G., t. xx. col. 320, trop réellement pratiqués par les carpocratiens, les adamites, les ophites et autres sectes aussi misérables. Les apologistes durent montrer l’invraisemblance de pareilles accusations, sans empêcher la rumeur publique de colporter ces calomnies, sans empêcher même certains esprits cultivés de s’en faire le trop complaisant écho. La secte carpocratienne ne paraît pas avoir longtemps survécu à ses fondateurs ; dès le IIIe siècle, il n’en est plus question. Et quand, au commencement du rv*, Eusèbe en parle, c’est à titre de souvenir historique et comme d’une chose passée. Son succès éphémère s’explique beaucoup moins par l’originalité du système que par l’attrait de ses conséquences immorales.

S. Irénée, Cont. hxr.. i, 25, P. G., t. vii, col. 680 sq. : Philorophumena, VII. îv. 32, edit. Cruice, Paris. 1860, p. 385 sq. : Pseudo-Tertullien. Prœscript., 48, Pt., t. n. cl. 66-67 ; Tertullien, De anima, 35, P. L.. t. ii, col. 710. 711 ; Clament d’Alexandrie. Strom., m. -. P. G., t. viii. col. 1104sq. ; Eusèbe, H. P.. IV, 7, P. G., t. xx, col. 317 sq. ; S. Epiphane. Hmr., xxvii. p. G t xi i, col. 364 sq. ; PhilastrHis. Hxr.. 3T>. P. L.. t. xii, col. 1151 ; S. Augustin. Hxr.. 7. P. /… t. xui. cil. 27 ; PrædestinalUB, 7, P. L.. t. i m. col. 590 ; Théodoret, llxrct. fab., i, 5. P. G., t. lxxxiii,

D Massuet, Dissrrtationes. diss. I, dans P. G., t. vu ; Tillemont, Mémoires, Paris. 1701-1709, t. II. p. 253 -.u De relus christianis ante Constant., Helmsladt, 1753. p. 363 sq. ; Kuldner. De carpocratianis, Leipzig, 1824 ; Llpslus. Zur QusOmt kritikderEpiphanios, ienne, ISiô ; Smith ot Wace, Inclionary of Christian Biography, Londres.

Jida., ErUMurg-en-Brisgau, I^h » ; Duchesnc - (final