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CAUSE


forme sur la matière s’accuse encore davantage au degré supérieur qui est celui de la vie sensible et qui renferme les animaux. Ici, l’activité vitale commence à s’affranchir de la matière et fait subir aux objets qu’elle saisit une sorte d’immatérialisation, de dépouillement de leur écorce matérielle, qui, selon saint Thomas, mérite à la connaissance sensible le nom d’opération « en quelque manière spirituelle ». Passons immédiatement au degré supérieur. La vie humaine présente les qualités des degrés inférieurs et leur ajoute cette élévation au-dessus de la matière qui fait que l’âme de l’homme est intermédiaire entre cette catégorie et celle des esprits purs ; qu’elle appartient à l’une par son union à un corps, et à l’autre par son être spirituel et subsistant. Corps inorganiques, végétaux, animaux, hommes, voilà donc la composition de la dernière catégorie des substances. Dans les degrés inférieurs, la matière domine ; aux degrés supérieurs, l’âme l’emporte ; la différence de proportion entre le principe actif, âme ou simple forme substantielle, et le principe passif, matière première, crée la distinction des degrés et leurs rapports. Il y a encore ce que la philosophie appelle les formes subsistantes, et ce que la théologie nomme les anges. En ces substances, pas de matière, mais une forme simple, spirituelle, immortelle, mêlée cependant de puissance et d’acte. Enfin, tout au-dessus, « Dieu, le premier des êtres, est acte pur sans mélange de puissance, parce qu’il ne peut pas ne pas être ; substance sans accidents, parce que ses perfections ne sont autres que lui-même. Dieu, esprit au-dessus de tous les esprits, est aussi la forme par excellence ; on l’appelle parfois la forme des (ormes. » Mo r de la Bouillerie, L’homme, Paris, 1879, p. 10.

i La forme est cause. La forme subsistante est cause interne constitutive à elle seule de l’être substantiel, elle lui donne l’acte premier et la détermination spécifique. La forme substantielle corporelle s’unit à la matière ; en s’ajoutant à elle, constitue le composé ; du même coup elle cause celui-ci et permet à la matière première d’exister. De même que la matière première exerce sa causalité sur la forme et le composé, à son tour la forme exerce sa causalité à elle sur la matière et le composé. Dans le composé, la matière première est principe de multiplicité. Grâce à elle l’espèce peut compter plusieurs individus, et l’individu plusieurs pailies. La forme est source d’unité, elle donne à la multiplicité des parties le lien qui les soude en l’unité individuelle, elle donne aux multiples individus la ressemblance el l’unité spécifique. A cette théorie peut se ramener cette affirmation de saint Thomas que la matière et la forme, considérées séparément sont infinies, unies l’une à l’autre se limitent réciproquement. Cf. Chollet, De la notion d’ordre, p. 52.

5° L’hérésie, qui s’insinue partout, a faussé la notion de matière et de forme par le panthéisme incomplet de I de Dinant et d’Amaurj de lime. Voir ces mois. Pour le premier, une matière identique se trouve au fond di - i tn. et elle est Dieu. S. Thomas, Sum. theol., I », q. ni, a. 8. Pour le second, Dieu est la forme et nce de toute créature et l’être de toute chose. Les deux furent condamnés par le concile de Paris de 1210. Ainaury fut encore anathématisé par le IV concile de La-Iran en 1215 Denzinger, Enchiridion, a. 359. Cf. M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, I. III, n. 2 : 17, Louvain, Paris, Bruxelles, 1900, p. 224-225.

6 I n.i pn mière n’est objet direct ni d’imagi " "i d intelligence. L’imagination conserve ou combine 1 1 des objets perçus par les sens. La

matière première n’étant jamais isolée, ni penne en elle-même par les sens, ne saurait être contenue dans aucune image. L’intelligence humaine a pour objet direct mmédial la nature des choses corporelles, c’est-à-dire des composés de matière et de forme ; en outre,

comme toute faculté, elle ne peut être impressionnée et informée que par des choses en acte. La matière première qui est essentiellement puissance, qui n’est pas le composé substantiel, ne peut donc être objet direct de l’intelligence. Afin de la comprendre et d’en disserter, l’imagination doit recourir au procédé d’analogie. Elle se base sur les rapports de la matière seconde avec les formes accidentelles pour déterminer les relations de la matière première avec la forme substantielle ; l’intelligence, qui ne saisit que les choses en acte, utilise le moyen des négations et, suivant le précepte d’Aristote, Met., VII, 3, définit la matière : nec quid, née quantum, nec ullum eorum quitus ens determinatur. Aiyut S’viXtjv, f, xa6 "a-JTT)v p-rjTE t’t |i^T6 710<7Ôv [JL^TE a).).o |xr, 8èv).éyenet olç (âpiarai tô’ôv. La forme substantielle elle-même n’est pas saisie immédiatement parles sens, ni par l’imagination. Cela est évident pour les formes séparées, entièrement immatérielles. Cela est certain pour les formes corporelles, parce que, ainsi que nous l’avons dit, les sens et l’imagination ne perçoivent que le composé, et encore seulement le composé qui agit sur eux ; par conséquent ils perçoivent l’action, non la nature du composé. L’intelligence qui façonne ses idées par une abstraction exercée sur les objets sensibles, n’arrive que par le raisonnement à déduire des propriétés des corps leur nature et l’existence de la forme substantielle. C’est la nécessité et la difficulté de cette déduction qui ont, suivant saint Thomas, empêché les premiers philosophes grecs de s’élever jusqu’à la connaissance de la spiritualité de l’âme et des formes séparées.

III. NATURE DE LA CAUSE EFFICIENTE.

i » La Cause

efficiente est un principe qui, par son action réelle et physique, produit un être distinct de lui. Tandis que la cause matérielle et la cause formelle constituent, par leur présence intime et leur union, la cause efficiente produit au dehors d’elle et par son action. Cette action est réelle et physique, et non pas un attrait ou une lumière à la façon de la cause finale ou de la cause exemplaire. La cause efficiente s’appelle aussi agent, précisément parce que sa causalité se manifeste par l’action.

2° La cause efficiente se divise de diverses façons, suivant les multiples aspects sous lesquels on la considère. — 1. Elle est cause première ou cause seconde. Les créatures, en effet, sont incapables d’agir seules, elles ne peuvent se conduire elles-mêmes de l’état de pure possibilité à l’état d’existence, ce qui n’est pas ne peut se donner l’être. Quand, une fois, elles ont été créées, elles sont douées, par le fait de la création et par l’exigence de leur nature, de facultés ou pouvoirs d’agir, de propriétés ou forces actives. Celles-ci sont bien des pouvoirs ; elles peuvent agir, mais pour les faire passer à l’exercice de ce pouvoir, il leur faut une excitation, une motion. Tout être créé appelle donc un moteur qui le produise et qui l’actionne, et comme il ne peut être question de remonter à l’infini du mobile à un moteur mû à son tour par un autre moteur, il faut s’arrêter définitivement à un moteur premier non mù et donc immobile, qui meut toute la série des êtres et qui n’est mû par personne. Ce premier moteur s’appelle la cause première ; les créatures qui ont toujours la collaboration de la cause première mêlée à leur action s’appellent causes secondes. Nulla res per seipsam movet vel agit, nisi sit movens non motuni… Et quia natura inferior agens non agit nisi mola… et hoc non cessât quomque perveniatur ail Deum, sequitur de necessitate quod Deus sit causa actionis cujuslibet rei naturalis, ut movens et applicansvirtutem ad agendum, S. Thomas, De potentia, q. 111, a. 7. Dieu est donc le principe de toute action, parce qu’à tout agent il donne par la création le pouvoir d’agir, qu’il le lui conserve, qu’il l’applique à l’action et collabore avec lui à la façon dont la cause principale collabore avec la cause