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CAUSE


ou d’un positivisme dont les principes sont erronés par ailleurs, et, en s’évanouissant, laissent s’écrouler l’édifice de négations construit sur eux. Qu’il y ait des causes efficientes, deux témoins l’attestent avec certitude.

1. C’est la conscience psychologique. Chacun de nous se voit le théâtre d’une série de phénomènes dont il est en même temps l’acteur et le spectateur. En moi se manifeste en ce moment l’idée de causalité, la volonté de l’expliquer et l’acte d’écrire le contenu de cette idée. Or je vois, j’ai conscience de cette idée, de ce vouloir, et de ce mouvement de la main qui écrit. Ces actes se passent en moi sous les yeux de ma conscience. Je perçois aussi nettement qu’il y a quelque chose "de plus : mon moi est plus qu’une scène où ces actes se déroulent, et plus qu’un spectateur qui les suit, je me sais leur auteur. L’idée de causalité n’est pas seulement pensée en moi et devant moi, elle est pensée par moi. De même c’est moi qui veux l’exprimer et qui l’exprime : je suis principe, énergie, cause qui produit en moi ces actes qui sont de moi et à moi. Il y a donc dans le premier fait de conscience et dans tout fait de conscience portant sur l’intelligence et la volonté une constatation certaine, infaillible, de la causalité du moi. Dans d’autres cas, je perçois clairement que je suis théâtre et spectateur, mais nullement acteur : les faits conscients se passent en moi, je les sens, je les sais, mais je sais aussi que je ne les produis pas, je voudrais les écarter, les supprimer, mais en vain. Je les subis donc : je subis les atteintes du froid, du chaud, le mouvement de la locomotive qui m’entraîne, du vent qui m’assaille. Ici, j’ai conscience d’une causalité étrangère qui s’exerce sur moi, dont je suis le bénéficiaire ou la victime, et encore le témoin irréfragable. J’atteins ainsi la causalité du dedans et celle du dehors.

2. Par une induction sûre, je puis pousser plus loin mes découvertes. D’autres hommes qui me ressemblent expriment aussi des idées par la parole et par la plume ; je puis, je dois dire que ce qui s’est passé en moi se reproduit en eux ; ils ont des idées, des volontés, des mouvements dont ils sont théâtres, acteurs et spectateurs, et il y a d’autres faits qu’ils subissent et qui sont causés en eux par des agents étrangers à eux et à moi, et je suis ainsi en possession de l’objectivité des causes efficientes.

Je pourrais pousser plus loin le raisonnement, montrer qu’il y a sous mes yeux des choses qui commencent, qui apparaissent pour la première fois, et dire qu’il y a là aussi une manifestation de causalité, puisque tout ce qui commence a une cause. Ce raisonnement serait ici superflu et pour le mener il faudrait être armé du principe de causalité qui sera établi plus loin.

La causalité finie a pour adversaires l’occasionnalisme qui la supprime, le mécanisme qui la mutile. Les deux erreurs ont leur source dans le cartésianisme qui, en donnant l’étendue pour essence à la matière, confère à celle-ci la pure passivité et lui enlève toute action. De né d’abord Voccasionnalisme.

1. Pour l’occasionnalisme et pour Malebranche qui en est le père, Dieu seul est cause efficiente : « Une cause véritable est une cause entre laquelle et son effet l’esprit .il nue liaison nécessaire : c’est ainsi que je l’entends. Or il n’y a que l’être infiniment parfait entre la volonté duquel et les effets l’esprit aperçoive une liaison saire. Il n’y a donc que Dieu qui soit véritable cause, et il semble même qu’il y ait contradiction à dire que les hommes puissent l’être. » Malebranche, De la recherche de lu vérité, t. VI, part. II, c. m. Vouloir admettre d’autres causes, c’est les diviniser et donc tomber dans l’idolâtrie : « rar si l’on vient à considérer attentivement l’idée que l’on a de cause ou de puissance d’agir, on ne peut douter que relie idée ne présente quelque chose lie divin. Car l’idée d’une puissance souveraine’l l’idée de la souveraine divinité et l’idée d’une puissance subalterne est l’idée d’une divinité inférieure, mais

DICT. DE TIIKOL. CATIIOL.

d’une véritable divinité selon la pensée des païens. » Malebranche, ibid. Donc les corps ne peuvent agir sur les corps : « Ils ne peuvent rien d’eux-mêmes. La force mouvante d’un corps n’est que l’efficace de la volonté de Dieu qui le conserve successivement en différents lieux, La matière n’a qu’une capacité passive de mouvement. » Entret. met., vii, xii. « L’esprit même n’agit pas autant qu’on se l’imagine… Je nie que ma volonté soit la cause véritable du mouvement de mon bras, des idées de mon esprit et des autres choses qui accompagnent mes volontés ; car je ne vois aucun rapport entre des choses si différentes. Je vois même très clairement qu’il ne peut y avoir de rapport entre la volonté que j’ai de remuer le bras et entre l’agitation des esprits animaux, c’est-à-dire de quelques petits corps dont je ne sais ni le mouvement ni la figure, lesquels vont choisir certains canaux des nerls entre un million d’autres que je ne connais pas, afin de causer en moi le mouvement que je souhaite par une infinité de mouvements que je ne souhaite pas. » Malebranche, Quinzième éclaircissement sur la recherche de la vérité. En résumé, « il n’y a qu’une vraie cause, parce qu’il n’y a qu’un vrai Dieu ; la nature ou la force de chaque chose n’est que la volonté de Dieu : toutes les causes naturelles ne sont point de véritables causes, mais seulement des causes occasionnelles, qui n’agissent que par la force et l’efficace de la volonté de Dieu. » Premier éclaircissement sur le traité de la nature et de la grâce. 2. Ce système mène au fatalisme, en général, et plus spécialement à la négation du vrai lien qui existe entre le corps et l’âme et qui a été affirmé par le concile de Vienne. Selon Malebranche, < l’âme et le corps sont également en Dieu, l’un dans sa raison, l’autre dans son immensité. S’il y a entre eux des rapports, objets de nos perceptions, c’est uniquement parce qu’ils sont ainsi tous les deux dans le Dieu qui les a créés et qui agit constamment sur eux. Ne parlons donc pas de véritable union, mais d’alliance ; et disons que cette alliance consiste dans une correspondance mutuelle des pensées de l’âme avec les traces du cerveau et des émotions de l’âme avec les mouvements des esprits animaux. » H. Joly. Malebranche, c. ii, ix, Paris, 1901, p. 115. — En outre l’occasionnalisme est directement atteint par les constatations faites plus haut. Ma conscience me révèle que j’agis moi-même, que d’autres agissent sur moi, que j’agis sur d’autres, que je suis réellement un principe et une cause non pas seulement de vouloir, mais d’action intellectuelle et de mouvement organique. De plus, à quoi bon cet organisme si riche et si varié des vivants, cette coordination si harmonieuse, cette subordination si docile des parties, si Dieu est le seul agent et le seul lien entre les fonctions des parties ? La psychologie et la biologie s’élèvent donc avec raison contre l’occasionnalisme. — La théologie ne lui est pas moins opposée. Elle y voit en effet une confusion certaine des deux ordres naturel et surnaturel : Dieu intervenant partout, chaque action devenant miracle, et tout fait de l’ordre surnaturel procédant de Dieu par les mêmes voies et moyens que les faits de l’ordre naturel. — Elle y voit encore un danger très grand pour le libre arbitre. En effet, bien que la liberté soit défendue par les occasionnalisles, elle est gravement compromise par l’occasionnalisme. Car elle exige que celui qui est libre soit l’auteur de ses actes, et la responsabilité humaine ne se conçoit pas dans des actes produits par Dieu seul. — La transcendance de la personnalité divine est elle-même en péril. Comment en effet sauvegarder une divinité personnelle distincte du monde quand elle est la source de (ouïes les activités du monde, quand c’est elle qui est la lumière de mon intelligence, le ressort de mon vouloir, la chaleur de mon affection, la vibration de mes nerfs, le mouvement des èires ci l’énergie des corps ? Nesera-t-on pas tenté d’identifier Dieu avec les natures finies dont il gère la v ie et détient les activités, et l’occasionnalisme court grand

II. - Ci