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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/455

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CHARITÉ


divines. Notre concept de l’inlinie perfection ne peut donc être vraiment objectif, s’il ne comprend toute la perfection ainsi envisagée. Salmantieenses, Cursus théologiens, De carilate, disp. ii, n. 14 sq., 23 sq., 29 sq. Toutefois indirectement la considération d’un seul attribut divin, comme la miséricorde divine, peut facilement disposer à la considération de l’intégrale perfection divine, objet de la charité surnaturelle. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxvii, a. 3.

Théologiquement, il paraît certain que la charité de cette vie, dans ce qui la constitue essentiellement, n’est point spécifiquement distincte de la charité béatifique. S. Thomas, Sum. theol., I a 11*, q. lxvii, a. G. Or la charité béatifique a pour objet Dieu lui-même dans toute la réalité de son infinie perfection, puisque la vision intuitive l’appréhende comme tel et que seule cette infinie réalité peut pleinement satisfaire toutes nos aspirations. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xii, a. 7. Donc, même dès cette vie, la charité a pour objet Dieu considéré dans toute l’inlinie réalité de ses perfections. Il n’est cependant point nécessaire que l’on ait une connaissance actuelle très explicite de toutes ces perfections. Il peut suffire que l’on connaisse par la foi surnaturelle la souveraine perfection divine considérée d’une manière générale, concept suffisamment contenu dans la croyance explicite aux dogmes de la trinilé et de l’incarnation, ou même à l’existence de Dieu, rémunérateur surnaturel.

c) Les objets créés que l’on aime par amour pour Dieu, sont-ils objets de la vertu de charité au moins d’une manière dépendante de l’inlinie perfection divine ? Puisque Dieu seul doit être souverainement aimé pour lui-même et qu’à lui doit être rapporté tout amour dans les créatures, son infinie perfection doit toujours rester l’objet principal de la vertu de charité, seul souverainement aimé pour lui-même. Cependant comme l’on ne peut ainsi aimer Dieu sans que cet amour se porte à tout ce que Dieu aime, S. Thomas, Quæst. disp., De carilate, a. 4, 7, tout ceci doit être, d’une manière plus ou moins explicite, objet, au moins secondaire, de la vertu de charité. Objet secondaire seulement, aimé non pour lui-même, mais dépendamment de Dieu auquel tout est finalement rapporté. S. Thomas, Sum. theol., II a II æ, q. xxiii, a. 5, ad ï um ; Quæst. disp., Decaritale, a. 4.

Dans cet objet secondaire nous devons, après nous-mêmes, S. Thomas, Sum. theol., II a II æ, q. xxv, a. 4, ranger tous les hommes qui nous sont tous très proches, quand même ils seraient nos ennemis. S. Thomas, loc. cit., a. 1, 6, 8. Tout être irrationnel peut même, en quelque manière, être l’objet de la vertu de charité. S. Thomas, loc. cit., a. 3 ; Quæst. disp., De carilate, a. 7. Tous ces élres créés, ainsi aimés pour Dieu, sont en réalité un objet matériellement distinct de lui. Mais il n’y a qu’un seul objet formel ou motif de la charité, l’infinie perfection que nous aimons en Dieu et pour laquelle nous aimons le prochain. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxiii, a. 5 ; Quæst. disp., De caritate, a. 4.

2. Motif.

a) Le motif de la vertu de charité n’est pas le bien que l’on a reçu ou que l’on attend de Dieu, [ui ne serait que l’amour de concupiscence, mais l’infinie perfection de Dieu, du moins comme motif Gnalement prédominant. — a. Cette doctrine est évidemment déduite de l’enseignement de l’Ecriture et de li tradition sur la charité strictement obligatoire envers Dieu. L’Écriture, dans l’énoncé de ce précepte, Dent., vi.."> ; x, 12 ; xi, 13 ; Matth., xxii, 37 ; Marc, XII, 30 ; Luc, x. J7, requiert que Dieu lui-même soit aimé et qu’il soit souverainement aimé comme fin dernière à qui l’on doit tout rapporter, s. Augustin, De doctrina liana, I. I, c. xxii, n. 21, P. L., t. xxxiv, col. 27 ; S Thomas, Sun*, theol., II » ll r. q. xliv, a.4, 5, Cequi n’est vraiment réalisé que par le motif de l’inlinie permet. DE T1ILOL. CATHOL.

fection de Dieu. C’est à cette condition seulement que l’on aime vraiment Dieu lui-même plus que les biens ou le bonheur que l’on attend de lui. C’est ainsi que la tradition chrétienne, dans l’enseignement des fidèles comme dans l’exposition théologique, a toujours compris la charité commandée par le précepte divin. S. Augustin, De doctrina christiana, t. III, c. x, n. 16, P. L., t. xxxiv, col. 72 ; Serin., xxi, n. 2, P. L., t. xxxviii, col. 143 ; S. Bernard, Liber de diligendo Deo, c. i sq., P. L., t. clxxxii, col. 975 sq. ; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, I. II, part. XIII, c. vi, viii, P. L., t. clxxvi, col. 529 sq., 531 sq. ; Pierre Lombard, Sent., t. III, dist. XXVII, n. 2 sq., P. L., t. cxcii, col. 812 sq. ; S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxvii, a. 3 ; q. xliv, a. 4, 5 ; S. Bonaventure, In III Sent., dist. XXIX, q. ii, Quaracchi, 1887, t. iii, p. 642 ; Durand, In III Sent., dist. XXIX, q. ii, m ; Suarez, De carilate, disp. I, sect. ii, n. 1 sq. Enseignement reproduit d’ailleurs par le catéchisme du concile de Trente, part. IV, c. x, Paris, 1878, p. 603.

b. L’enseignement scripturaire et traditionnel sur la nature de la charité envers Dieu n’exige cependant point que tout motif autre que l’infinie perfection divine soit positivement exclu. Il suffit que’cette infinie perfection soit le motif finalement prédominant, auquel d’autres motifs secondaires, comme l’espérance, la reconnaissance, ou la crainte salutaire, ont pu ou peuvent encore s’adjoindre, mais avec une entière subordination. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xix, a. 6 ; cf. q. xvii, a. 8 ; q. xxvii, a. 3. Pourvu même que le motif de la charité prédomine, il n’importe point que l’on n’y arrive que progressivement en s’y préparant sous l’action de la grâce, par des dispositions d’abord moins parfaites, comme l’espérance ou la reconnaissance provenant dés dons reçus ou espérés de Dieu. S. Thomas, loc. cit.

b) Conclusions. — l n conclusion, contre l’opinion de Bolgeni. — Suivant Bolgeni, voir col. 945, la seule charité qui nous soit réellement possible et par conséquent la seule obligatoire, c’est l’amour ayant uniquement pour objet la bonté de Dieu à notre égard. Bolgeni s’appuie sur ce raisonnement que, suivant les lois de notre nature, nous ne pouvons aimer que ce que nous percevons conforme à nos besoins ou à nos aspirations. Cette opinion se réclame aussi de saint Augustin, d’Hugues de SaintVictor, de saint Bernard, de saint Thomas et de saint Bonaventure. Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, 2e édit., Prato, 1892, t. ii, p. 96 sq. Si nous appliquons à cette opinion les principes précédemment énoncés, nous constatons tout d’abord qu’elle suppose une regrettable confusion entre le motif de l’acte de charité envers Dieu et une simple condition nécessaire pour son exercice. C’est assurément une loi universelle que tout être s’aime soi-même et se veut le bien convenable à sa nature. S. Thomas, Sum. theol., I a II æ, q. xxix, a. 4. Conséquemment même pour tout amour de bienveillance, c’est une condition nécessaire que l’objet ou le bien aimé soit préalablement perçu comme convenant à notre nature ou à nos aspirations. Cette loi de notre nature régit l’acte de charité envers Dieu, non seulement en cette vie, mais encore dans la céleste béatitude. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. ix, a. 5, ad 2°™ ; IIa-IIæ, q. xxvi, a. 13, ad 3°" Mais une fois réalisée cette condition exigée par notre nature, le motif de la charité est vraiment l’inlinie perfection aimée pour elle-même, où l’on se repose comme dans Sa fin dernière et à laquelle tout est pleinement subordonné. Billot, De virtutibtu infusis, Rome, 1901, p. 376. C’est d’ailleurs en ce sens seulement, que doivent s’entendre les témoignages sur lesquels on voudrait s’appuyer. Chez saint Augustin le désir ou la jouissance de la joie intime et du Ixmheur profond que l’on goûte dans la possession de Dieu en cette vie et surtout en

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