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CHARITE


sibilité de la perdre, toute la véritable essence de la charité persévère intégralement, l’union affective avec Dieu toujours terme immédiat des complaisances, de la bienveillance et des intimes jouissances de la volonté. Car de quelque connaissance qu’il provienne, c’est toujours le propre de l’amour de se porter directement Ters l’objet aimé. Ainsi même en cette vie, et malgré les obscurités de la foi, Dieu est le terme immédiat de la charité qui s’unit à lui et qui de lui se reporte sur les objets qu’elle aime à cause de lui. S. Thomas, Sum. theol., Il a II*, q. xxvii, a. 4. Puisque l’essence intégrale de la charité est dans la charité de cette vie, non moins que dans celle de l’éternelle patrie, il reste donc vrai qu’il n’y a du côté de notre charité qu’une imperfection simplement accidentelle. Or, raisonne justement saint Thomas, quando imperfectio alicujus rei non est de ratione speciei ejus, ni/til proliibet idem numéro quod prius fuit imperfeclum, poslea perfection esse, sicut homo per augmentum perjicitur, et albedo per intensionem ; caritas autem est amor de cajus ratione non est aligna imperfectio ; potest enini esse et habiti et non habiti, et visi et non visi ; unde caritas non. evæuatur per gloriee perfeelionem, sed eadem numéro manet. Hum. theol., I a IIe, q. lxvii, a. 0.

5. Ordre de dignité parmi les autres vertus. — a) Parmi les vertus théologales qui ont elles-mêmes préséance sur toutes les autres vertus, S. Thomas, Sum. theol., I a II æ, q. lxvi, a. 3, le premier rang appartient de droit à celle qui unit plus immédiatement à Dieu lui-même considéré dans sa perfection intime. Ce qui est en cette vie l’exclusif privilège de la charité. Tandis que la foi perçoit Dieu non point dans sa propre vie, nuis seulement dans les manifestations qu’il daigne nous en faire, tandis que l’espérance recherche surtout son propre bonheur par la possession de Dieu son bien suprême, la charité considère Dieu comme le bien en lui-même infini et s’unit ainsi à lui. D’où saint Thomas conclut avec raison qu’en cette vie du moins, l’amour que nous avons pour Dieu est incomparablement plus noble que la connaissance que nous en avons Car notre charité l’a pour terme immédiat, tandis que notre connaissance en cette vie ne perçoit que des manifestations naturelles ou surnaturelles de ses divins attributs. I a 11% q. lxvi, a. 6 ; II a II 1’, q. xxiii, a. 6.

b) A cette objection que la bienfaisance ou la miséricorde envers tous les nécessiteux l’emporte, au point de vue social, sur la charité envers Dieu, l’on peut répondre avec saint Thomas : Misericordia non est maxinia nisi Me qui Itabet sit maximus qui uullum supra se habeat sed omnes sub se ; ei enini qui supra se aliquem habet, nui/us est et melius conjungi superiori quam supplere defeclum inferioris, et ideo quantum ad liominem qui habet Deum superiorcm, caritas per quam Deo unitur est potior </i<a>a misericordia per quant de/ectus proximotum supplet ; sed inter omnes i irtutes quæ ad proximum pertinent, polissima est misericordia, sicut eliam est potioris aclus : nam supplere de/ectum allerius in quantum ejusmodi est sujierioris et melioris. Sum. theol., II a 11 1, q. xxx, a. 4. [tailleurs la charité envers Dieu n’est-elle point habituellement I.’meilleur principe et h’plus efficace soutien de la bienfaisante miséricorde à l’égard du prochain ? « t la charité’surnaturelle envers le prochain n’est-elle point une seule et même vertu avec la charité envers Dieu.’. ; Genèse, augmentation, perte ou diminution de lu

verlu.de charité. — I. Genèse. — a) Si quelques Ile tins ont admis, tout en l’expliquant d’une manière ite, que les vertus de foi et d’espérance peuvent, du moins à l’état imparfait et incomplet, exister parfois avant la possession de la grâce sanctifiante, /, De gratia, I. VIII, c. x.wiii ; Schiflini, Traclu tus de virtutibus infasis, Fribourg-en-Brisgau, 190V, p. 36 sq., contrairement à la doctrine de saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ex, a. 4 ; cf. q. lxii, a. 4 ; Ill a, q. lxxxv, a. 6, il n’est personne qui ait jamais affirmé l’existence séparée de la vertu de charité antérieurement à la justification. Outre cet argument général qu’il est de la nature de la vertu surnaturelle d’accompagner la grâce sanctifiante comme les puissances ou propriétés accompagnent l’essence, une raison toute spéciale exige que la vertu de charité soit une résultante de la grâce sanctifiante. La vertu de charité suppose l’amitié avec Dieu, S.Thomas, Sum. tlteol., l**, q. xxiii, a. 1, et cette amitié n’existe que par la grâce sanctifiante. Ia-IIæ, q. ex,

a. 1, 2. — b) La genèse de la grâce sanctifiante et de la vertu de charité chez les adultes peut être bien différente, suivant que l’acte de charité parfaite existe ou non comme disposition immédiatement préparatoire et que la grâce est produite par la réception d’un sacrement ou en dehors de cette réception. — a. Dans le cas de préexistence de l’acte de charité, la grâce sanctifiante et la vertu de charité, produites en dehors du sacrement par l’action immédiate de Dieu, ont une intensité proportionnée à celle de cette même charité actuelle. —

b. Dans la production sacramentelle, à l’intensité répondant à la disposition de charité se joint toute l’intensité de la production sacramentelle, toujours proportionnée aux dispositions actuellement existantes, dans une mesure que nous ne pouvons très exactement déterminer.

— c. Enfin, dans l’hypothèse de production sacramentelle avec la simple attrition efficace comme disposition préalable, il n’y a que l’intensité de grâce et de vertu de charité provenant de la causalité sacramentelle, intensité toujours proportionnée aux dispositions actuelles, dans une mesure qui ne nous est point exactement connue. Il est d’ailleurs évident que la vertu de charité ainsi produite dans l’âme n’y détruit point les répugnances ou les obstacles à la charité actuelle, bien que cette infusion de la vertu soit accompagnée de secours divins qui aident à produire parfaitement l’acte de charité. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxv, a. 3, ad 2um ; Qitsest. disp., De virtutibus in communi, a. 10, ad 14-16um ; De virtutibus cardinalibus, a.’2, ad 2 U ™.

2. Augmentation.

a) Possibilité indéfinie de cette augmentation pendant toute la durée de la vie d’< :)>reii ve.

— L’augmentation de la vertu de charité allant de pair avec celle de la grâce sanctifiante dont elle procède, la question se résout pratiquement en celle de la perfectibilité indéfinie de la grâce sanctifiante. — a. C’est une doctrine théologiqueinent certaine que toute grâce sanctifiante est indéfiniment perfectible pendant toute la durée de la vie d’épreuve. Conclusion nécessairement déduite de la nature même de la grâce sanctifiante, participation toujours finie à la vie divine, par conséquent toujours susceptible de recevoir une plus parfaite communication divine. Conclusion applicable même â la grâce possédée par la sainte humanité de Jésus-Christ, bien que de fait cette grâce atteignit toute la plénitude de perfection qui convenait à l’Homme-Dieu, rédempteur de toute l’humanité. S. Thomas, Sum. theol., lll a, q. vii, a. 12, ad 2’"" ; a.’.), ad 3° 1 " ; q. x, a. i, ad 3° ra ; Quxst. disp., De veritate, q. xix. a. 3, ad 3° m ; De potentia, q. i, a. 2, ad V"". D’ailleurs l’erreur des béghards affirmant la possibilité d’un état où l’âme en cette vie ne soit plus apte â augmenter en grâce, a été condamnée par le concile de Vienne. Voir Bi ::c ; hards, col. 532. — b. Cette conclusion s’applique spécialement â la vertu de charité. Union affective avec Dieu, produite par une faculté finie et avec une intensité nécessairement limitée, toute charité créée reste toujours incapable d’atteindre un maximum intensif absolu au delà duquel toute perfection ultérieure soit désormais impossible. S. Thomas, Sum. theol., Il a 11’, q. XXIV, a. i, 7.