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253 BAPTÊME DANS L’ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE

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laudabilior. Sum. theol., lll*, q. LXVl, a.7.Saint Bonaventure dit (’gaiement qu’elle n’est pas de integritate baptismi, mais de eongruitate. In IV Sent., 1. IV, dist. III, part. II, a. -. q. i. il. Parmi les différents motifs qui légitiment ou exigent même l’emploi de l’infusion et de l’aspersion, saint Thomas en cite trois : le nombre considérable des personnes qu’il s’agit de baptiser ; la pénurie d’eau, qui rend l’immersion impossible ; la santé délicate de plusieurs personnes, que l’immersion ferait souffrir. Loc. cit. Ce n’est qu’au xiv siècle que l’Église a autorisé l’infusion au même titre que l’immersion. Un synode de Ravenne, tenu en 1311, dit qu’on doit baptiser sub trina aspersione vel imnu-rsiune, c. XI. Cependant un synode de Tarragone ordonnait encore en 1391 que, lorsqu’il y a danger de submersion, les enfants soient tenus par les parrains et ne soient que baignés, c. ni.

On s’est demandé pourquoi le rite de l’immersion avait été peu à peu abandonné dans l’Église latine, à partir du xiie siècle. Certains théologiens et liturgistes ont invoqué comme motif principal une question de pudeur, surtout relativement aux femmes, depuis la disparition des diaconesses. La vérité est que cette disparition a eu lieu aux Ve, VIe et VIIe siècles, selon les différents pays, tandis que l’immersion a disparu beaucoup plus tard. D’autres ont cru que l’abandon de ce rite avait été motivé par la diminution du nombre des diacres qui aidaient le prêtre à plonger les catéchumènes dans le baptistère. Mais c’est encore là un anachronisme, car cette diminution s’est produite longtemps avant les premiers baptêmes solennels administrés par infusion. La véritable cause de cette transformation rituelle est plutôt, selon M. Corblet, la crainte fondée « de compromettre la santé des enfants nouveau-nés en les plongeant dans l’eau froide. Ce danger n’existait guère, alors qu’on ne baptisait qu’aux vigiles de Pâques et de la Pentecôte, époque où le soleil commence à chauffer l’atmosphère de ses rayons ; d’ailleurs, sous ce régime liturgique, la plupart des enfants qu’on présentait aux fonts étaient âgés de quelques mois ou du moins de quelques semaines, et pouvaient plus facilement supporter l’impression d’un bain froid. Il n’en fut plus de même, quand on se mit à baptiser les enfants quelques jours après leur naissance, et à toutes les époques de l’année… Un second motif qui dut faire renoncer à l’immersion, c’est la contamination de l’eau par des maladies de peau qui pouvaient se gagner, et par ces souillures qui firent donner à Constantin IV le surnom de Copronyme. L’impression de l’eau sur les enfants nus devait rendre assez fréquents des accidents de ce genre, et les théologiens ont dû se demander en quel cas il fallait remplacer l’eau et procéder à une nouvelle bénédiction des fonts » . Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. 1, p. 240-241.

Au reste, quelles que soient les raisons qui aient déterminé ce changement dans la discipline sacramentelle du baptême, on ne peut pas en laire un grief à l’Église romaine, sous prétexte qu’elle aurait ainsi méconnu une tradition remontant aux apôtres. Le rite de l’immersion a été pratiqué, il est vrai, et enseigné par les apôtres, mais en tant que législateurs ecclésiastiques seulement, et non en tant que promulgateurs d’une institution divine ; en d’autres termes, ce n’est pas une tradition divino-apostolique, s’imposant telle quelle à l’Église, niais une tradition apostolique pure et simple, qu’elle avait le droit de modifier. Sur les plaintes du patriarche A ntli > me à ce sujet, voir Duchesne, Eglises séparées, Paris, 1890, p. 89-96 ; Toumébiie, L’Église grecqueorthodoxe et l’union, Paris, 1900, t. ii, p. 15-18. On a encore objecté que le baptême représentant, d’après saint l’aul, la mort et la sépulture du Christ, devait être conféré’par le ri le qui rappelle le mieux ce souvenir, c’est-à-dire par immersion..Mais ce n’est là qu’une raison de convenance, qui ne peu ! pas contrebalancer des mollis d’ordre supérieur. Au reste, le symbolisme du baptême apparaît suffisamment dans les autres modes d’ablution, d’après saint Thomas : Figura sepulturæ Christi… in aliis modis baptizandi reprsesentatur aliquo modo, licet non ita expresse ; nam quoeumque modo fiât ablutio, corpus hominis vel aliqua pars ejus aquse supponitur, sicut corpus Christi sub terra fuit positum. Sum. theol., lll a, q. lxvi, a. 7, ad 2um.

Que le baptême soit conféré par immersion, ou par infusion et aspersion, plusieurs points sont à noter. L’ablution doit se faire sur la tête, parce que, dit saint Thomas, « c’est la principale partie du corps, celle où fonctionnent tous les sens, internes et externes, celle où se manifeste le plus l’activité de l’âme. » Sum. theol., III a, q. LXVI, a. 7, ad 3um. Le baptême serait-il valide, si l’ablution était faite sur une autre partie notable du corps, par exemple la poitrine, le dos ou les épaules ? Communissima est sententia affirmativa, dit saint Alphonse de Liguori, Theol. moral., 1. VI, n. 107, Bassano, 1793, t. il, p. 189 ; et il invoque, entre autres, l’autorité de Suarez, qui dit à ce sujet : Si fiât ablutio in scapulis, aut in pectore, vel in humeris, cri ! satis cerla et indubitata maleria. De sacram., disp. XX, sect. II, n. 11. D’autres théologiens estiment que le baptême ainsi administré est douteux. Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, Prato, 1893, t. iv, p. 510-5’t4. Aussi, en pratique, tous les théologiens s’accordent à dire qu’il faut rebaptiser sous condition en pareil cas. C’est la recommandation expresse du rituel romain, quand une nécessité grave oblige à baptiser un enfant qui n’est pas encore complètement sorti du sein maternel. Si infans caput émisent et periculum mortis immineat, baplizetur in capite, nec postea, si vivus evaserit, erit iterum baplizandus. At si aliud membrum emiserit, quod vitalem indicet molum, in illo, si periculum impendeat, baptizetur, et tune, si natus vixerit, erit sub conditions baplizandus. Le 8 novembre 1770, le Saint-Office a autorisé des missionnaires à baptiser les enfants en faisant couler l’eau salteni per aliquod princeps corporis pueri membrum, quand on ne pouvait le faire per caput et dans le cas de nécessité seulement. Il ordonne de renouveler le baptême sous condition, lorsque les enfants ainsi baptisés survivent. Acla sanctse sedis, Rome, 1892-1893, t. xxv, p. 244-245. Le 27 mai 1671, il avait déjà pris cette décision : Si sit certum quod quis sic fuerit baptizatus ut aqua nullo modo partent corporis principalem, sed vestes tantum tetigerit, is est absolute baplizandus ; si vera sit dubiuni probabile quod tetigerit, est sub conditione iterum baplizandus. Ibid., p. 256. A plus forte raison, le baptême serait-il très douteux, si l’eau n’était versée que sur les doigts ou sur les cheveux de l’enfant. Pesch, Prælectiones dogmalicse, Fribourg-en-Brisgau, 1900, t. VI, De baptismo, p. 153-154. On demanda à Rome, il y a quelques années, ce qu’il fallait penser du baptême conféré per modum unctionis in fronte cum pollice in aqua baptismali madefacto, et comment il fallait agir pratiquement vis-à-vis des personnes ainsi baptisées. La S. C. du Saint-Oflice fit la réponse suivante (14 décembre 1898) : Curandum ut iterum baptûentur privatim sub ciindilione, adhibila sala maleria ctim forma, absque cseremoniis, et ad menteni. Canoniste contemporain, mai 1899, p. 299. La même Congrégation avait donné une réponse semblable le 25 août 1889. Millier, Theologia moralis, Vienne, 1895, t. iii, p. 169. — Quant au nombre des ablutions, les scolastiqucs enseignent, après les Pères, qu’il est indifférent pour la validité du baptême. Alcuin est peut-être le seul qui considère les trois immersions comme essentielles. /’. /.., t. c, col. 289, 342. Le concile de Wornis (808) trancha la question d’une manière définitive, en déclarant que le baptême était (’gaiement valide avec une OU trois immersions, les trois étant faites en considération des trois personnes divines, et l’unique étant faite à cause de l’unité de substance.