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BAPTÊME DANS L’ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VHP SIECLE

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Labbe, Concil., t. viii, col. 916. Roland Bandinelli et Ognibene, Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, p. 210, disent qu’une seule immersion serait invalide dans le cas seulement où elle serait pratiquée pour introduire une erreur. Ils disent qu’une seule est suffisante et que le péché est ramis après la première. Saint Thomas ajoute que la triple ablution est requise pour la licéité du sacrement : Graviter peccaret aliter baptizans, quasi ritum Ecclesix non observons ; nihilominus tamen esset baptisnuis. Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 8. Scot, In IV Sent., 1. IV, dist. III, q. H, Opéra, 1894, t. xvi, p. 288, après Pierre Lombard, ibid., P. L., t. cxcii, col. 1092, dit que l’Église romaine permet une ou trois immersions et qu’il faut suivre la coutume des églises particulières.

IV. Forme.

La forme ou formule usitée dans l’Église laline est celle-ci : Ego te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Les scolastiques se posent à ce sujet quatre questions : 1° Le baptême serait-il valide, si l’on n’exprimait pas dans la formule l’action même de baptiser : Ego te baptizo" ? 2° Serait-il valide, si l’on ne mentionnait pas successivement le nom de chacune des trois personnes divines ? 3° Que faut-il penser du baptême conféré in nomine Jesu ? 4° Peut-on et doit-on quelquefois employer la forme conditionnelle ?

1° Les mots te baptizo (ou la formule équivalente des grecs) sont essentiels à la formule. — Au xii c siècle, en Auvergne, certains fidèles prirent l’habitude de baptiser les enfants en danger de mort, sans prononcer les mots Ego le baptizo. L’évêque de Clermont, nommé Ponce, consulta à ce sujet Maurice, évêque de Paris, et Etienne, abbé de Saint-Euverte d’Orléans, devenu plus tard évêque de Tournai : Ulrum istud (quod undeiare vocant) sit baptismus ? Le premier, invoquant d’une façon générale le témoignage des Pères, répondit que ce baptême était nul, à cause de l’importance essentielle des mots supprimés : Tanta est horum verborum vivacitas, ut nihil immutari, nihil innovari oporteat. P. L., t. ccxi, col. 313. Etienne soutint l’opinion contraire, en disant que les premiers mots de la formule sont de solemnilate ministerii, non de substantiel sacramenti. D’après lui, ni l’Écriture, ni les Pères, dont il cite plusieurs passages, ne présentent ces mots comme nécessaires ; et il faut se garder de damner les nombreux enfants qui ont été ondoyés par des laïques ignorants avec la formule suivante : En nome Patres, et Files, et Esperiles santés. Epist., v, P. L., t. ccxi, col. 314 sq. Les théologiens de l’époque intervinrent dans la question, sans pouvoir s’entendre davantage. Il fallut une décision de Rome pour trancher la controverse. Le pape Alexandre III déclara que le baptême était invalide, si l’on ne prononçait pas la première moitié de la formule : Si quis puerum ter in aqua immerserit in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, Amen, et non dixerit : Ego baptizo te in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, Amen, non est puer baptizatus. Denzinger, Enchiridion, n. 331. Voir t. i, col. 718. Cette décision du pape ne semble pas avoir été connue de tous les scolastiques avant le milieu du xiiie siècle, quand tut publiée sous Grégoire IX la première collection des décrétales. Albert le Grand n’en parle pas encore dans son Commentaire sur les Sentences. Aussi n’est-il pas très affirmatif sur la nécessité absolue des mots Te baptizo. Il regarde cette nécessité comme plus probable, mais il constate que l’opinion contraire est celle d’un grand nombre. Quoad institutionem Ecclesise dicunt multi quod verbum baptizo est de forma…, sed ego puto verius quod est de forma secundum necessitatem, itaquodsi dimittiturnon sit baptizatus qui baptizatur. In IV Sent., 1. IV, dist. III, a. 2, Opéra, 1651, t. xvi, p. 36. Mais Alexandre de Halès connaît la décrétale du pape et y conforme son enseignement. Summa, part. IV, q. viii, m. iii, a. 3, Venise, 1575, t. iv, fol. 73. Saint Tho DICT. DE THÉOL. CATHOL.

mas la cite à son tour, et en donne en même temps la raison théologique. Quiaablutio hominis inaquapropler multa fieri potest, oportet quod determinetur in verbis formsead quid fiât, quod quidem non fttper hoc quod dicitur : In nomine Patris…, quia omnia in tali nomine facere debemus, ut habetur, Col., m. Et ideo si non exprimatur actus baptismi velper modum nostrum vel per modum græcorum, non perficitur sacramentum. Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 5, ad2um. Saint Bonaventure connaît aussi la décision pontificale, et la justifie également. In IV Sent., 1. IV, dist. III, part. II, a 2, q. i. A partir de cette époque, tous les théologiens, deux ou trois exceptés, sont unanimes à enseigner cette doctrine. Le concile de Florence, Décret, ad Armen., lui donna une nouvelle force par la déclaration suivante : Si exprimitur actus qui per ipsum exercetur m inistrum, cum sanctse Trinitatis invocatione, perficitur sacramentum [baptismi]. Denzinger, n. 591. L’oratorien Jean Morin se montra néanmoins favorable à l’opinion contraire, dans son Commentarius historiens de disciplina in administratione sacramenti psenitentise, 1. VIII, c. xvi, n. 21 sq., Anvers, 1682, p. 564, 565. Elle fut même soutenue comme thèse à Louvain, le 21 avril 1677, par l’augustin François Farvacques. Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, Louvain, 1770, t. xviii, p. 92. Rome intervint de nouveau, et le pape Alexandre VIII condamna la proposition suivante : Valuit aliquando baptismus sub hac forma collatus : In nomine Patris, etc., prsetermissis illis : Ego le baptizo. Voir Alexandre VIII (Propositions condamnées par), t. i, col. 760. Il est donc absolument nécessaire, pour la validité du sacrement, que le ministre exprime dans la formule l’acte qu’il accomplit. Suarez regarde cette doctrine comme étant de foi. De sacramentis, disp. XXI, sect. ii, n. 1. Le 23 juin 1840, le Saint-Office a déclaré invalide la forme suivante : Ego volo ministrare tibi sacramentum baptismi peccatorum in nomine, etc. Acta sanctse sedis, t. xxv, p. 246. Cf. Collectanea S. C. de Propaganda jide, n. 525.

Mais l’action du ministre étant suffisamment exprimée par les mots Te baptizo, l’emploi du pronom ego n’est pas indispensable. Quod additur EGO in forma nostra non est de substantia formée, sed ponitur ad majorem expressionem intentionis. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 5, ad l um. Cependant, dans beaucoup de langues modernes, par exemple en français, le pronom je doit être exprimé ; autrement, la phrase n’aurait pas de sens ou serait équivoque. L’omission du mot qui indique le sujet, Te en latin ou Servus Dei N. chez les Grecs, rendrait le baptême invalide, d’après la doctrine commune, parce que la mention de la personnalité du sujet est nécessaire. Sans elle, la formule Ego baptizo n’aurait pas une signification suffisamment déterminée et pratique. Suarez, loc. cit., n. 6 ; Billuart, Summa, etc., De baptismo, diss. I, a. 4, § 4. La S. C. de la Propagande, consultée sur un cas de ce genre, a répondu, le Il septembre 1841, que l’omission du pronom Te entraînait la nullité du baptême. Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 526.

Les scolastiques se sont demandé à ce propos quelle était la valeur de la formule suivante employée par les Grecs : Le serviteur de Dieu N… est baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C’est bien à tort qu’on leur a attribué de baptiser avec la formule déprécatoire : Que le serviteur de Dieu N… soit baptisé, [iamiÇiabui. Il est reconnu aujourd’hui que leurs livres liturgiques ne l’ont jamais contenue. Kraus, Real-Encyclopàdie der christl. Altertùmer, Fribourg-en-Brisgau, 1886, t. il, p. 828. Mais la plupart des scolastiques du moyen âge, peu au courant de la langue et des usages grecs, ont cru qu’ils se servaient de cette formule déprécatoire. De là, sans doute, le peu de confiance qu’elle inspirait à quelques-uns d’entre eux. Albert le Grand,

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