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BAPTÊME DANS L'ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIII SIÈCLE 274

tant du moins qu’elle concerne la forme du baptême, puisque celle-ci n'était pas mise en question par les Bul3. Ce qu’il dit sur ce point, il le dit comme docteur privé, et non comme pontife suprême, dont les décisions sont irréformables. — D’autres soutiennent que le pape ne parle aucunement de la lorme baptismale, mais de la foi du sujet. Le sens de la décision serait alors celui-ci : les personnes dont vous parlez ne doivent pas recevoir à nouveau le baptême, si elles l’ont reçu une première fois selon le rite catholique, c’est-àdire si elles ont proclamé, avant la cérémonie, leur loi en la sainte Trinité, ou simplement leur foi en Jésus-Christ, comme le fit autrefois l’eunuque de la reine Candace, car au fond c’est tout un, d’après saint Ambroise. Cette interprétation cadre bien, dit-on, avec le véritable sens du texte ambrosien ainsi qu’avec le contexte de la décision pontificale. Le pape, en effet, se réfère à l’autorité de saint Augustin, pour rappeler que le baptême est toujours administré avec les paroles de l'Évangile, verbis evangelicis consecratur, c’est-àdire avec la formule instituée par J.-C, Matth., xxviii, 19, et que la foi du ministre n’y est pour rien. Ce qui prouve encore, dit-on, que Nicolas I er ne songe pas ici à la formule baptismale, c’est que dans un autre passage de sa réponse générale aux Bulgares, qui le consultaient sur la validité du baptême conféré par un soi-disant prêtre grec, le pape s’exprime ainsi : Si in nomine, sumrnse ac individnse Trinttatis baptizali fnere, cliristiani profecto sunt, et eos… iterato baptizare non convenit. Resp. xv, dans Labbe, Concil., t. VIII, col. 523. Cette réponse, de l’aveu de tous, donne la formule baptismale, et ne dit pas que le sacrement pourrait être administré au nom de Jésus-Christ. Pourquoi en serait-il autrement dans le passage cité plus haut ? Voir Theol. Wirceburg., Paris, 1880, t. IX, p. 182. — D’après une troisième opinion, le pape ferait dépendre la validité du baptême de l’intention du juif qui l’a conféré. Si ce dernier a eu la volonté sincère de baptiser, c’est-à-dire de poser cet acte, non en son propre nom et de son autorité personnelle, mais au nom du Christ, le baptême est valide. Voilà pourquoi le pape recommande, avant toutes choses, de prendre des informations sur la personnedu juif qui avait baptisé les Bulgares, et de s’assurer s’il était converti à la religion chrétienne. Dans ce cas, il aurait certainement eu l’intention de conférer le baptême chrétien. Même dans l’hypothèse où il n’aurait pas eu la vraie foi, il a pu baptiser validement au nom des Irois personnes divines, puisque, d’après saint Augustin, le sacrement est indépendant de la foi du ministre. Chr. Pescli, Pr&lectiones dogmalicæ, Frihourg-en-Brisgau, 1900, t. vi, p. 162. — Enfin, quelques théplogiens soutiennent que le pape a proclamé l’identité de l’invocation in nomine Christi avec l’invocation in nomine Trinilalis, pour condamner ou du moins blâmer indirectement l’opinion de ceux qui y voient deux formules baptismales distinctes. Il n’y en a qu’une en réalité, d’après le p ; ipe ; mais on peut la désigner de deux manières, suivant que l’on considère l’auteur qui l’a établie, le Christ, ou la forme essentielle qui la constitue, l’invocation des trois personnes divines. Palmieri, De romano pontifi.ce, th. xxxiii, p. v, Rome, 1877, p. 638 sq.

4° l’eut-on et doit-on quelquefois employer la forme conditionnelle : ' — Il ne semble pas que la forme baptismale conditionnelle ait été en usage dans la haute antiquité chrétienne, el en particulier à l'époque des controverses africaines sur Le baptême des hérétiques,

où l’emploi de cette formule eût concilié si heureusement les différentes opinions. Un capitulaire de Charlemagne ordonne la collation pure et simple dans le cas d’un baptême douteux, Benoit, Collectio, I. III, 405, P. L., t. xcvii, col. 850. Mais il n’est pas vrai, d’autre part, que la forme conditionnelle ait été une innovation

du pape Alexandre III, en 1159. On en trouve déjà dèsexemples au viii l siècle, notamment dans les statuts de saint Boniface, qui semblent bien eux-mêmes être l’expression d’une législation plus ancienne. Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1870, t. vi, p. 490. Alexandre III n’a donc fait que confirmer par une décrétale un usage déjà établi, qui avait seulement besoin d'être accrédité davantage et étendu à toute l’Eglise. Sa décision est ainsi conçue : De quibus dubium est, an baptizati fuerint, baptizantur his verbis prœmissis : Si baptizatus es, non te baptizo : sed si nondum baptizatus es, ego te baptizo, etc. Denzinger, Enchiridion, n. 332. Voir t. I, col. 718. Cette décrétale ne fut elle-même bien connue dans les milieux théologiques qu’après son insertion au Corpus juris sous Grégoire IX. C’est ce qui explique comment certains théologiens, entre autres Pierre Lombard, ont pu désapprouver la forme conditionnelle. Mais, à partir du xiiie siècle, elle se propagea rapidement et devint peu à peu l’usage universel, quand on se trouva en présence d’un cas douteux. Voir pour les applications particulières, Génicot, Theologise moralis institut., 2e édit., Louvain, 1898, t. il, p. 153-154. Il va de soi qu’une raison graveest toujours nécessaire pour baptiser sous condition. Tandis que les synodes d’York (1195) et de Londres( ! 200) décident qu’il faut conférer le baptême à ceux dont le baptême n’est pas certain, un synode de Lambeth (1281) ordonne que dans ce cas le sacrement soit donné conditionnellement. Hefele, Conciliengeschichte, 2e édit., 1873-1890, t. v, p. 761, 796 ; t. vi, p. 197. Le rituel romain ordonne de baptiser sous condition les enfants exposés ou trouvés, lorsque après enquête on n’est pas certain qu’ils aient été baptisés. Cf. Benoit XIV, const. Postremo mense, du 28 février 1747, n. 31, rapportant une décision antérieure de la S. C. du Concile. Bullarium, Rome, 1761, t. ii, p. 96. En le faisant sans motif grave, on encourrait l’irrégularité. Cf. Instruction de la Propagande, en date du 23 juin 1830, qui cite diverses autorités sur ce point et qui réprouve la trop grande facilité à renouveler le baptême sous condition. Collectanea, n. 648, p. 255-256. Il importe, au surplus, de remarquer que l’emploi de la forme conditionnelle est un acte bien différent de la réitération du baptême. Car on n’est jamais censé réitérer ce qu’on ne sait pas, de science certaine, avoir été déjà fait. « L’Eglise ne réitère donc pas le sacrement à ceux dont le baptême est douteux ; elle le leur confère conditionnellement : c’est le seul moyen de concilier le respect du aux choses saintes avec les besoins spirituels des fidèles… Tout le monde convient aujourd’hui que la forme conditionnelle vaut mieux que la réitération pure et simple dont on usait généralement jadis, par là même qu’elle prévient les esprits inattentifs contre la supposition d’une réitération et qu’elle est plus respectueuse pour l’unité du sacrement. » Corblet, Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 295. Cf. Instruction du Saint-Office, du 30 janvier 1833. Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 650, p. 258 ; cf. n. 659, p. 263. Le doute peut provenir ou de la part du sujet qui n’est peut-être pas apte à recevoir le baptême, ou de l’existence d’un baptême précédent. Dans le premier cas, on formule la condition : Si vivis, si tu ex homo, si es capaax ; dans le second cas : si tu non es baptizatus. La condition : Si vis baptizari, quoique n’empêchant pas la validité du sacrement, est prohibée par le Saint-Office (12 juin IS50). Acta sanctæ sedis, t. xxv, p. 245 ; Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 527. La condition doit toujours être exprimée explicitement ; il ne suffit pas qu’elle soit mentale, lbid., n. 524 ; cf. n. 650, p. 257.

V. Nkokssitk.

Sous ce titre, nous étudierons seulement deux questions : 1° comment et pourquoi le baptême est-il nécessaire ? 2° depuis quand cette nécessité existe-t-elle ? On trouvera exposée ailleurs la question.