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BAPTÊME DANS L'ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIII* SIÈCLE


de savoir si le baptême d’eau peut être suppléé en certains cas par le baptême de sang et le baptême de désir. "Voir Martyre, Justification, Contrition.

1° Comment et pourquoi le baptême est-il nécessaire ? — Malgré les affirmations très nettes de l'Écriture et de la tradition sur la nécessité du baptême pour être sauvé, les cathares et les albigeois remplacèrent ce sacrement par le consolamentum ou baptême du Saint-Esprit, sous prétexte que le baptême catholique était une institution du dieu mauvais. Voir Albigeois, t. I, col. 677 sq. Quelques-uns d’entre eux, qui reconnaissaient pour chef l’italien Gundulphe, soutenaient que le baptême était inutile, parce que celui qui le donne est souvent lui-même en état de péché, et que ceux qui sont baptisés tombent ensuite dans des fautes nombreuses. Gérard, évêque de Cambrai, les fit comparaître devant lui au synode d’Arras (1025) et réfuta leurs objections dans un long discours, où il démontre avec éloquence la nécessité du baptême. Voir t. i, col. 199. Hefele, Hist. des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907 sq., t. iv, § 533. Ces différentes erreurs semblent également visées par un décret du pape Lucius III au concile de Vérone (1184), et par les décrets du concile œcuménique de Latran (1215). Voir Albigeois, t. i, col. 682-683. Le concile général de Florence proclame aussi la nécessité de la régénération baptismale. Cum per primum hominem mors introierit in universos, nisi ex aqua et Spiritu renascimur, non possumus, ut inquit Veritas in regnum cselorum introire. Denzinger, Enchiridion, n. 591. Les scolastiques, de leur côté, démontrent ou plutôt rappellent dans leurs écrits que le baptême est nécessaire, puisque le Sauveur a dit : Nisi quis renatus fuerit, etc. Joa., ni, 3. Personne, dit saint Thomas, ne peut être sauvé sans Jésus-Christ. Or, ajoute-t-il, ad hoc datur baptismus ut aliquis per ipsum regeneratus incorporctur Christo, factus membrum ejus…, unde manifestum est quod omnes ad baptismum tenentur, et sine eo non potest esse salus hominibus. Sum. theol., III a, q. lxviii, a. I. Le docteur angélique distingue d’ailleurs une double nécessité : celle d’une réception réelle du sacrement, sacramentum in re, et celle d’une réception en désir, sacramentum in voto. Celle-ci peut suffire dans certains cas. lbid., a. 2. Les scolastiques postérieurs distinguent plutôt la nécessité de moyen, et la nécessité de précepte, relativement au salut. Or, disent-ils, le cas du martyre excepté, le baptême est nécessaire de nécessité de moyen absolu pour les enfants ; c’est-à-dire que la simple privation du sacrement, quelle qu’en soit la cause, entraîne pour eux la perte de leur fin dernière, parce que le sacrement ne peut être suppléé pour eux en aucune laçon. Cajetan et Gerson ont prétendu que, dans le cas d’impossibilité absolue du baptême, les prières des parents pouvaient remplacer le sacrement ; mais c’est là une hypothèse gratuite, rejetée par tous les théologiens. Voir Baptême (Sort des enfants morts sans). Relativement aux adultes, la nécessité du baptême est double : comme moyen et comme précepte. En effet, pour eux aussi bien que pour les entants, le baptême est régulièrement le moyen indispensable du salut ; et ceux qui, en connaissance de cause, négligeraient de le recevoir, quand ils le peuvent, ne seraient pas sauvés. Toutefois, ce moyen n’est pas tellement nécessaire pour eux, qu’il ne puisse être suppléé en aucune façon et dans aucun cas. Le martyre et le désir du baptême en sont des équivalents, et justifient le pécheur, positis ponendis, quand celui-ci ne peut pas recevoir le sacrement. Voir Martyre, Contrition. — Nécessaire de nécessité de moyen, dans le sens que nous venons d’indiquer, le baptême est par suite nécessaire de nécessité de précepte, pour les adultes. Ce précepte résulte en même temps de la loi naturelle, de la loi divine et de la loi ecclésiastique. La loi naturelle oblige rigoureusement .chacun de nous à prendre les moyens nécessaires pour

atteindre notre fin, et par conséquent, dans l’espèce, à recevoir le baptême. La loi divine crée la même obligation, puisque Jésus-Christ, non seulement a subordonné le salut éternel à la réception positive du sacrement, Joa., iii, 3, mais a intimé en outre à ses apôtres l’ordre formel de l’administrer à tous les hommes, Malth., XXVIII, 19, ce qui suppose l’obligation correspondante de le recevoir. La loi ecclésiastique confirme ce précepte divin, témoin les décisions des conciles que nous avons rapportées ou signalées plus haut. Theol. Wirceburg., Paris, 1880, t. IX, p. 187.

Le baptême étant si nécessaire, est-il permis de le différer ? Charlemagne qui défend de baptiser en dehors de Pâques et de la Pentecôte, excepto infirmo, ordonnait cependant, sous peine d’amende, de baptiser tous les enfants infra annum. P. L., t. xcvii, col. 147, 276. Roland Bandinelli, Die Sentenzen Rolands, édit. Giell, p. 210-211, déclare que le baptême solennel ne doit être donné qu’aux deux veilles de Pâques et de la Pentecôte, il ajoute toutefois que dans le cas de nécessité pressante le baptême peut être conféré en tout temps et à toute heure. D’après saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxviii, a. 3, il faut établir une distinction entre les enfants et les adultes. Si enim pucri sint baptizandi, non est differendum baptisma : primo quidem, quia non exspectatur in eis major instructio, aut etiam plenior conversio ; secundo, propter periculum mortis, quia non potest eis alio remédia subveniri, nisi per sacramentum baptisyni. Mais la question est différente, pour les adultes. Adultis, non statim, cum convertuutur, est sacramentum baptismi conferendum, sed oportet diffcrre usque ad aliquod certum tempus. Il y a trois raisons, dit saint Thomas, qui conseillent un délai : d’abord, l’intérêt même de l'Église, qui oblige celle-ci à prendre des précautions vis-à-vis des néophytes, et à ne conférer le baptême qu’aux bien disposés ; en second lieu, l’intérêt des baptisés : quia aliijuo temporis spatio indigent, ad hoc quod plene instruantur de fide et exercitentur in lits quse pertinent ad vilain christianam ; enfin, l’intérêt du sacrement luimême, c’est-à-dire le respect qu’il mérite, demande qu’on l’administre de préférence aux fêtes les plus solennelles, par exemple Pâques et la Pentecôte. Toutefois, ajoute le docteur angélique, il y a deux cas où le baptême ne doit pas être différé -.Primo quidem, quartdo illi qui sunt baptizandi apparent perfecti in fide et ad baptismum idonei… Secundo propter infirmitatem aut aliquod periculum mortis.

Les théologiens se sont demandé s’il y a, pour la présentation des enfants au baptême, un délai ou limite qu’on ne saurait dépasser sans faute grave. Historiquement, la question n’a pas toujours été résolue de la même manière. « Pendant longtemps. l'Église n’a formulé aucune loi qui déterminât l'époque à laquelle on devait donner le baptême aux enfants, hors les cas de nécessité… Du viiie au Xe siècle, en Occident, on baptisait les enfants ayant un peu plus ou un peu moins d’un an, et parfois à l'âge de quelques mois et même de quelques jours, quand ils étaient nés peu de temps avant les solennités de Pâques ou de la Pentecôte. A partir du XIe et surtout du xiie siècle, l’usage s’introduisit de régénérer les enfants peu de temps après leur naissance. Mais il y eut toujours à cet égard, dans la chrétienté, de nombreuses exceptions et des coutumes locales particulières. » Corblet, Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 493. Quamprimum baplizentur, c’est la formule employée par « un certain nombre de conciles provinciaux, de synodes, de rituels et de théologiens. Mais l’interprétation varie sur l’extension qu’on peut donner à ce terme un peu vague. Tandis que divers casuistes voient un péché grave dans un retard de cinq ou six jours, d’autres n’en trouvent que dans un délai d’un mois, ou de dix à onze jours. Ce