Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

283 BAPTÊME DANS L’ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE

284

User, malgré leurs parents, les enfants juifs ou infidèles de ses sujets. Cette question, qui appartient depuis longtemps au domaine de la pure théorie, a été résolue par Duns Scot dans le sens affirmatif, avec une condition toutefois, modo provideat [princeps] ne majora mala inde sequantur. In IV Sent., 1. IV, q. IX, Opéra, 1639, t. viii, p. 276. C’est l’opinion de l’école scotiste en général. Frassen, Scotus academicus, Paris, 1677, t. IV, p. 163 sq. Les autres théologiens rejettent absolument cette doctrine. Saint Thomas, examinant la question, commence par poser en principe que l’autorité de l’Eglise est supérieure à celle d’un docteur quelconque, et qu’elle fait loi en conséquence. Or, ajoute-t-il, la coutume de l’Eglise s’est toujours prononcée contre le baptême des enfants juifs, quand leurs parents s’y opposent : Ecclesise usus nunquam habuit quod judseorutn filii, invitis parentibus, baptizarentur ; quamvis fuerint relroactis temporibus multi catholici principes potentissimi, ut Constantinus et Theodosius, quibus famiiiares fuerunt sanctissimi episcopi, ut Sylrester Constantino, et Ambrosius Theodosio, qui nullo modo prætermisissent ab eis impetrare, si hoc esset consonum ralioni. Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 12. Une bulle du pape Jules III, qui était encore en vigueur en 1638, frappait d’une amende de mille ducats et de peines canoniques celui qui baptisait un enfant juif malgré ses parents. Corblet, Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 396. La doctrine de saint Thomas a été confirmée d’ailleurs par une décision du pape Benoit XIV. Denzinger, Encltiridion, n. 1334. Et elle est suivie depuis longtemps par tous les théologiens. Suarez, De sacramentis, disp. XXV, sect. iii, n. 3. D’après la plupart d’entre eux, la défense de baptiser les enfants juifs contre la volonté de leurs parents serait même de droit naturel. Chr. Pesch, Prselecliones dogmatiese, Fribourg-en-Brisgau, 1900, t. vi, p. 192.

Baptême des enfants in utero.

Peuton baptifser

validement les enfants qui sont encore in utero matris ? Presque tous les anciens scolastiques répondent d’une manière négative. Ainsi, par exemple saint Thomas : Pueri inmaternis ateris existentes nondum prodierunt in lucem, ut cum aliis liominibus vitam ducant ; unde non possunt subjici actioni humanse, ut per eorum ministerium sacramenta recipiant ad saluiem. Sum. theol., III a, q. lxviii, a. 11, ad l um. Mais il importe de noter la raison principale qu’ils font valoir pour motiver leur opinion. Corpus infantis, antequam nascatur ex utero, non potest aliquo modo ablui aqua ; nisi forte dicatur quod ablutio baptismalis, qua corpus matris lavatur, ad fûiuni in ventre existentem perveniat. Sed hoc esse non potest. S. Thomas, loc. cit., in corp. D’ailleurs, ajoutent-ils, une seconde naissance supposant logiquement une première, on ne voit pas comment on pourrait conférer le sacrement de la régénération à des enfants qui ne sont pas encore nés. Cf. Roland Bandinelli, Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, p. 199-200. — Ce dernier raisonnement serait probant, si la naissance proprement dite du nouveau-né était le véhicule incontestable du péché originel, que la régénération baptismale a précisément pour objet d’effacer. Mais il n’en est rien. C’est au moment de sa conception, et non au moment de sa naissance, que l’enfant contracte le péché originel. Quant au premier motif invoqué par saint Thomas, il n’a plus guère de valeur, depuis que les progrès de la médecine moderne ont démontré que l’eau baptismale peut atteindre l’enfant dans le sein de sa mère. Aussi, bien que la rubrique du rituel romain : Nemo in utero matris clausus baptizari débet, ait été maintenue, les théologiens enseignent, depuis longtemps, qu’on peut baptiser validement les enfants in utero, et qu’on doit le faire en cas de péril urgent. Quacumque ratione fieri possit ut abhtatur [puer], id satis erit ad valorem baptismi, eliamsi propria nativilas

humana non præcedat, quia substantia sacramenti consista in ablutione sub débita forma verborum. Suarez, In 7/2 am, q. lxviii, a. 11, comment., n. 2. C’est la doctrine unanime, on peut le dire, des théologiens actuels. Pesch, Prælect. dogmat., Fribourg-en-Brisgau, 1900, t. vi, p. 190. Mais il faut ajouter qu’en pratique on peut avoir des doutes assez fréquents sur la validité du baptême ainsi conféré, faute de savoir avec certitude si l’eau a pu être versée sur la tête de l’enfant dans les conditions voulues. C’est ce qui explique la décision donnée par la S. C. du Concile le 12 juillet 1794, et exigeant en pareil cas la réitération du baptême sous condition. De nos jours, on a posé de nouveau la question à Rome, en faisant observer que la science actuelle disposait de moyens beaucoup plus parfaits pour atteindre sûrement la tête de l’enfant in utero. La S. C. du Concile a répondu, le 16 mars 1897 : Servetur decretum S. C. Conciliidiei 12 julii 1794. Canoniste contemporain, mai 1897, p. 338.

VIL Ministre. — Sous ce titre, nous avons à examiner la question de savoir quels sont ceux qui peuvent administrer le sacrement : 1° d’une manière valide ; 2° d’une manière licite. Nous étudierons ensuite deux autres cas : celui de plusieurs personnes baptisant ensemble, et celui d’une personne qui essaie de se baptiser elle-même.

1° Qui peut conférer validement le baptême 1 ? — Tous sans exception, pourvu qu’ils aient l’intention de faire ce que fait l’Église en baptisant. C’est l’enseignement unanime des théologiens, confirmé par plusieurs définitions de l’Église. Voir t. I, col. 761. Il n’y a eu qu’un point qui ait provoqué des hésitations, analogues à celles de certains Pères : c’est la validité du baptême conféré par les païens. Au viiie et au IXe siècle, la question n’était pas encore résolue d’une manière uniforme. C’est ainsi, par exemple, que ce baptême est regardé comme invalide dans les capitulaires de Charlemagne : Præcijmnus ut qui apaganis baptizati sunt, denuo a Christi sacerdotibus innomine sanctse Trinitatis baptizentur…, quia aliter nec christiani nec dici nec esse possunt. Benoit, Collectio, 1. III, n. 401, P. L., . xcvii, col. 849. Bien plus, on y affirme que si un prêtre non baptisé est reconnu comme tel, on doit le baptiser, lui et tous ceux qu’il aurait baptisés. Si quis presbyter ordinatus deprehenderit se non esse baptizatum, baptizetur et ordinetur iterum, et omîtes quos prius baptizavit. Ibid., 1. II, n. 94, col. 760. D’autre part, le concile de Compiègne, tenu en 757, déclare, dans son canon 12e, que « si quelqu’un a été baptisé par une personne non elle-même baptisée, et si ce baptême a été conféré au nom de la sainte Trinité, il est valide, conformément à la décision du pape Sergius » . Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, § 378. Quelques années plus tard, le pape Nicolas 1 er, dans sa réponse aux Bulgares, donnait la même décision. Voir plus haut ce qui est dit de la forme du baptême. En 1094, Urbain II reconnut la validité d’un baptême administré par une femme, dans un cas de nécessité. Ces divergences d’opinions sont-elles plus apparentes que réelles ? Plusieurs le croient, l’abbé Corblet entre autres, dans son Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 353. Les partisans de la validité du baptême conféré par les païens, envisageant la question au seul point de vue des principes, auraient voulu rappeler cette vérité, que c’est Jésus-Christ qui baptise réellement, et que le rôle du ministre, étant analogue à celui d’un simple instrument, peut être rempli par tout le monde. Les partisans de la nullité, se plaçant uniquement au point de vue pratique, auraient soutenu, non sans quelque raison, qu’un juif et un païen peuvent difficilement avoir l’intention de faire ce que fait l’Église. Le désaccord dont nous avons parlé n’aurait donc aucun caractère doctrinal. Quoi qu’il en soit, on peut s’étonner, avec