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BAPTÊME (SORT DES ENFANTS MORTS SANS)


accurate determinandos. Prælectiones theologicie, Paris, 1842, édit. Migne, t. i, p. 873. Voir encore dans le sens rigide Petau, Opus de theol. dogm., De Deo, 1. IX, c. x, n. 10 sq., Paris, 1867, t. ii, p. 115 sq. Mais cette opinion est .abandonnée depuis longtemps par tous les théologiens, qui enseignent que les enfants morts sans baptême n’endurent aucune souffrance physique. Hurter, Theol. dogm. compend., Inspruck, 1891, t. iii, p. 613.

Décisions des papes et des conciles.

Nous avons

vu plus haut ce qu’il fallait penser du canon attribué au IIe concile de Milève, qui rappelle sans doute la doctrine de saint Augustin, mais en diffère cependant sous certains rapports. Plus tard, au xiiie siècle, parut une décrétale importante du pape Innocent III, répondant officiellement à l’archevêque d’Arles au sujet du baptême. Dans sa réponse, le pape rappelle, entre autres choses, la distinction capitale qui existe entre le péché originel « qui est contracté sans consentement » et le péché .actuel « qui est commis avec consentement » . Il ajoute ensuite ces paroles : Pœna originalis peccati est carentia visionis Dei, aclualis vero j>œna peccati est gehennse perpétuée cruciatus. Denzinger, Enchiridion, n. 341. Dans la pensée du pape, il est clair que les peines s’opposent comme les péchés eux-mêmes, et que, par conséquent, la peine du péché originel n’est pas le supplice de la géhenne éternelle ; en d’autres termes, que les enfants morts sans baptême ne seront pas tourmentés dans l’enfer des démons et des damnés. Cette déclaration du pape Innocent III, dit M. le chanoine.1. Didiot, « n’est pas seulement un indubitable monument de la croyance de l’Église romaine, elle est très certainement, surtout depuis son insertion, en 1230, au Corpus juris ou code officiel des lois pontificales, un enseignement formel et authentique de la papauté. » Morts sans baptême, Lille, 1896, p. 23.

On ne peut pas objecter contre cette doctrine la profession de foi qui fut proposée par le pape Clément IV, en 1267, à la signature de l’empereur Paléologue, acceptée ensuite par celui-ci au IIe concile œcuménique -de Lyon (1274), et textuellement reproduite plus tard au -concile général de Florence, pour l’union des Grecs et des Latins (1439). Cette profession de foi semble bien, à première vue, un peu sévère pour les enfants morts sans baptême. On y lit en effet ces paroles : Illorum autem animas, qui in mortali peccato vel cum solo originali decedunt, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas. Denzinger, n. 387, 588. C’est dire, semble-t-il, que l’enfer est le séjour commun de ceux qui meurent en état de péché mortel, et de ceux qui meurent avec le seul péché originel. N’est-ce pas assimiler, dès lors, avec une légère différence, le sort des enfants morts sans baptême à celui des damnés ? Les théologiens rigides du xviie siècle n’ont pas manqué de tirer cette conclusion du texte conciliaire. Et pourtant elle n’est pas fondée, comme nous allons le voir. D’abord, la disparité des peines que signale le concile en termes formels ne s’explique pas suffisamment dans le système rigoriste. Cette disparité concerne tout aussi bien les innombrables péchés mortels qui sont punis en enter. Pourquoi donc le concile a-t-il voulu l’appliquer d’une façon spéciale à deux catégories distinctes de péché, l’actuel et l’originel, si ce n’est précisément parce qu’il y avait, dans sa pensée, une différence d’espèce, et non seulement de degré, entre les peines qu’ils subissent ? Il n’a pas mentionné la disparité des châtiments qui punissent les damnés proprement dits, parce que -cette disparité est trop évidente ; mais il a pris soin de signaler l’autre, parce que la question était moins claire, et pour éviter des confusions fâcheuses. Palmieri, De Deo créante et élevante, Rome, 1878, th. lxxxi, p. 651.

D’autre part, l’expression in infernum descendere ne suppose pas nécessairement une communauté de séjour pour les enfants morts sans baptême et les damnés pro prement dits. Le mot inferi ou infernum a souvent dans la langue chrétienne, par exemple dans le symbole des apôtres, un sens collectif, désignant trois lieux plus ou moins rapprochés peut-être, mais très différents en réalité, auxquels est attachée l’idée commune d’opposition au ciel et de situation inférieure par rapport à nous : d’où vient précisément le mot inferi ou infernum, lieu inférieur en général. Ces trois lieux sont plus connus sous le nom de « limbes des Pères » , limbus Patrum, « limbe des enfants, » Urubus puerorum, et enfin l’enfer des damnés. Voir Abraham (Sein d’), t. i, col. 1Il sq., et Limbes. Or, « quand les souverains pontifes, depuis Clément IV jusqu’à Benoit XIV, exigent que l’on croie à la descente immédiate des âmes dépourvues de grâce sanctifiante dans Y infernum, où elles seront inégalement punies, ils visent manifestement la signification collective du mot, et ils placent les enfants morts sans baptême dans un autre infernum que les adultes surpris par la mort en état de péché grave. Les peines sont inégales, et le lieu pénal est différent, quoique plus ou moins rapproché : aux uns le limbe des enfants, aux autres l’enfer des démons. » Didiot, Morts sans baptême, Lille, 1896, p. 30. Il faut donc éviter de traduire Yinfernum du concile de Florence par le mot singulier « enfer » ; car c’est exposer les fidèles à des confusions très fâcheuses. La vraie traduction est « un lieu inférieur » .

Une nouvelle décision pontificale vint faire connaître au xviiie siècle la vraie doctrine de l’Église sur le sort éternel des enfants non baptisés. Les jansénistes, au synode de Pistoie, avaient traité de « fable pélagienne » , l’existence de « ce lieu inférieur que les fidèles désignent ordinairement sous le nom de limbes des enfants, et dans lequel les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel sont punies de la peine du dam, mais non de la peine du feu » . Une telle opinion, disaient-ils, remettait en honneur « la fable pélagienne d’après laquelle il y aurait un lieu et un état intermédiaires, exempts de faute et de peine, entre le royaume de Dieu et la damnation éternelle » . Cette doctrine fut condamnée par le pape Pie VI dans sa bulle Auctorem fidei, dont le 26e article était ainsi conçu : Doctrina, quw relut fabulant pelagianam explodil locum illum inferoruni quem limbi puerorum nomine fidèles passim designant), in quo animée decedenlium cum sola originali culpa pœna damni citra pœnam ignis puniantur, perinde ac si hoc ipso quod qui pœnam ignis removent, inducerent locum illum et stalum médium expertem culpse et pœnse inter regnum Dei et damnationem eclernam, qualem Jabulabantur pelagiani, falsa, temeraria, in scholas calliolicas injuriosa. Denzinger, Encliiridion, n. 1389. D’où il faut conclure que l’existence du limbe des entants, tel que les catholiques le conçoivent en général, c’est-à-dire exempt de la peine du feu, n’est pas une invention mensongère, mais une croyance parfaitement orthodoxe. Aussi, dans le schéma de la constitution dogmatique sur la doctrine catholique qui devait être discutée au concile du Vatican, il était dit que ceux qui meurent avec le seul péché originel seront privés pour toujours de la vision béatifique, tandis que ceux qui meurent avec un péché actuel grave souffriront en outre les tourments de l’enfer. Acta et décréta concil. Vaticani, dans 1 la Collectio Lacencis, t. vii, p. 565.

III. Les enfants morts sans baptême jouissent-ils d’un bonheur naturel ?— i.sens de la question. — Il ne s’agit pas de savoir si ces enfants sont heureux au sens pélagien, comme n’ayant pas participé à la souillure originelle. Aucun théologien catholique n’a jamais revendiqué pour eux un pareil bonheur. Il ne s’agit pas davantage de savoir si ces enfants atteignent une fin naturelle proprement dite, d’où résulterait pour eux un bonheur complet du même ordre. Car Dieu n’a pas assigné deux fins à ses créatures : une fin surnatu-