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BAPTÊME (SORT DES ENFANTS MORTS SANS)


relie pour les adultes, et une fin naturelle pour les enfants « i ui meurent sans baptême. Tous les hommes, adultes ou entants, n’ont qu’une seule et même fin, d’ordre surnaturel, qui est la vision intuitive. Les enfants morts sans baptême manquent donc leur fin, autrement dit leur salut éternel. Ils sont dès lors dans un état anormal, qui ne devait pas être le leur, et qui dillère formellement de celui qui aurait existé dans une économie différente, si l’homme n’avait pas été appelé à une fin surnaturelle. L’économie de pure nature, comme on l’appelle, aurait comporté, en efiet, une fin naturelle et un bonheur complet du même ordre. Mais les enfants morts sans baptême ne sauraient y prétendre, puisqu’ils ont une destination toute différente et qu’ils manquent leur fin. Tous les théologiens catholiques sont d’accord sur ce point. Le cardinal Slondrate semblerait cependant pencher vers l’opinion contraire, quand il dit : Fatendum tamen, quia nunquam parvulis ante baptismum sublatis Dcus xlernam vitam volait, istos ad alium finem classemquc providentiee pertinere. Nodits prœdestinationis dissolutus, Rome, 1687, p. 46. Mais cette opinion isolée du savant théologien paraît difficile à concilier avec l’enseignement du concile du Vatican dans sa constitution Dei Filius, c. ii, De reveîatione. Voir pourtant un essai de conciliation dans la Revue du clergé français, 15 août 1895, p. 527. On peut se demander en tout cas si les enfants morts sans baptême parviennent du moins à obtenir les mêmes éléments de bonheur naturel qu’on aurait eus dans l’état de pure nature, après la mort ; en d’autres termes, s’ils jouissent, non du bonheur pur et simple, beatitudo simplicité)* et formaits, réservé à ceux qui atteignent leur fin proprement dite, mais d’un bonheur accidentel et secondaire, bealiludo secundum quid, et malerialis.

il. solutions. — Le problème ainsi posé a reçu deux solutions différentes, données principalement par Bellarmin et saint Thomas.

1° Opinion de Bellarmin.— Le savant cardinal soutient que les enfants morts sans baptême éprouvent une réelle tristesse d’être privés de la vision béatifique. Il admet d’ailleurs que cette tristesse est très légère, soit parce que ces enfants, ayant conscience de n’avoir pas perdu ce bonheur par leur propre faute, ne sauraient en éprouver un remords quelconque ; soit parce que n’ayant lait aucune expérience du bonheur, ils supportent plus facilement la perte d’une chose qu’ils ignorent, et pour laquelle ils n’ont d’ailleurs qu’une aptitude éloignée ; soit enfin parce que voyant le sort épouvantable des damnés, ils sont plutôt disposés à se féliciter eux-mêmes d’avoir échappé à ce malheur possible par une mort prématurée. Cuntrov., De amiss.grat., 1. VI, c. vi, Milan, 1721, t. iv, p. 359. Ces réserves faites, Bellarmin et quelques autres théologiens croient devoir affirmer que les enfants morts sans baptême souffriront intérieurement d’être exclus de la vision intuitive. D’après eux, en effet, ces enfants connaissent ou connaîtront nécessairement l’existence du ciel, puisqu’ils assisteront au jugement général avec tous les hommes, et y entendront la sentence du bonheur éternel. Comment, dit-on, ne feraient-ils pas une comparaison pleine de tristesse entre leur propre soit et celui des bienheureux ? Trois réponses ont été données à cette objection. Rien ne prouve, disent quelques-uns, que les enfants morts sans baptême assistent au jugement général. La description évangélique de cette scène semblerait plutôt indiquer le contraire, puisque le texte sacré ne parle que (les récompenses et des châtiments mérités par les œuvres personnelles, lionnes un mauvaises, de ceux qui seront la. Les enfants morts sans baptême n’ont rien à voir à ce jugement, et rien ne motive leur présence à ces assises solennelles. N’assistant pas à ce spectacle, ils ne connaîtront pas [e bonheur des (’lus. et n’auront par conséquent aucun regret à éprouver : Ignoti nulla cupido.

— D’autres estiment qu’ils connaîtront ce bonheur, mais que cette connaissance ne produira en eux aucune tristesse, parce que leur volonté sera pleinement conforme à celle de Dieu, et que leur intelligence non seulement n’aura aucune peine à s’incliner devant les desseins les plus mystérieux de la providence, mais en saisira comme il faut la sagesse, la justice et la bonté.

— D’autres enfin déclarent, avec saint Thomas, De malo, q. V, a. 2, que les enlants morts sans baptême n’arriveront jamais, faute d’une révélation spéciale qui leur serait indispensable, à connaître l’existence de la vision béatifique. Quant à leur présence au jugement général, s’ils s’y trouvent, elle ne leur apprendrait rien sous ce rapport, par suite d’une très sage disposition de la providence. Ils n’auront donc aucun regret de ce bonheur inconnu. Suarez, De peccat. et vitiis, disp. IX, sect. vi.

Bellarmin, non content d’exposer son sentiment sur les peines intérieures que souffrent les enfants non baptisés, attaque vivement l’opinion des théologiens qui leuraccordent un bonheur naturel dans le sens que nous avons dit, et va jusqu’à la traiter d’hérétique. Fide catholica tenendum est parvulos sine baplismate decedentes esse damnatos, et non solum cxlesti, sed etiani naturali bealitudine perpetuo carituros. Controv., De amiss. gral., 1. VI, c. ii, Milan. 1721, t. iv. p. 340. La première partie de cette proposition, sans doute, est de toi ; mais la seconde, celle qui concerne le bonheur naturel des enfants en question, ne l’est pas, tant s’en faut. Palmieri, De Deo créante et élevante, Rome, 1878, p. 653 sq., montre combien l’assertion de Bellarmin est exagérée et injuste, et réfute en détail les arguments du docte cardinal. Les théologiens contemporains sont à peu près unanimes à rejeter cette opinion, qui leur parait mal fondée en raison, et qui n’offre pas, d’autre part, les mêmes ressources que la doctrine de saint Thomas, au point de vue apologétique. A ma connaissance, il n’y a guère qu’un théologien allemand, François Schmid, qui l’ait reprise, en accentuant même la sévérité qui la caractérise. D’après lui, en effet, le sort des enfants morts sans baptême est plutôt misérable qu’heureux : Potius misera quam felix dicenda est. Quæstiones selectse ex theologia dogmalica, Paderborn, 1891, p. 278. Et il enseigne comme une chose tirs certaine, que ces enfants sont dans une situation inférieure, sous tous rapports, à celle qui aurait existé dans la pure nature. Certis’simum est statum parvulorum sine baptismo defunctorum non solum formaliter sed etiam materialiter a statu finalis felicitatis naturalis, sive ab ea co)idilione quse in statu natures purée hominibus sine reatu culpw gravis decedentibus pra’parala fuisset, Itaud leviter differre. lbid., p. 255. L’auteur invoque surtout l’autorité de saint Augustin pour appuyer sa théorie. Il prétend que la doctrine augustinienne est très précise et très constante sur ce point, tandis que l’enseignement de saint Thomas serait, d’après lui, incertain et hésitant. Nous ne voulons pas entreprendre ici la rélutation de ce système. Elle résulte suffisamment, croyons-nous, de l’article tout entier. Chr. Pesch, Prselectiones dogmalicse, Fribourg-en-Brisgau, 1899, t. m. p. I5.V156.

2° Opinion tir s, mit Thomas.— Le docteur angélique enseigne que les enfants morts sans baptême jouiront, corps et âme, d’un réel bonheur. En effet, dit-il, bien que séparés de Dieu par la privation des biens surnaturels, ces enfants restent unis à lui par les biens naturels qu’ils possèdent, ce qui suffit pour jouir de Dieu parla connaissance et l’amour naturels. Quamvis puer* non baptiïati sint scjiarati a Dca, quantum ad illam conjunclionem quse. est per gloriam, non tante » ab eo penitus separati sirnt. lmo ipsi conjunguntur per participationem naturalium bonorum : et ita etiani tir ipso gamlere)>t>trru>tt, )ialuralicognitioneet dilectione7n/VScn<., l.II, dist.XXX, q.H, a.2, ad5 » "’.Cf.Dewiotoi.