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BARSUMAS


toute incursion.’Amr, p. 18. Il est vraisemblable que Barsumas profita de la faveur du roi pour propager le nestorianisme et pour augmenter sa situation personnelle. Il engagea la lutte contre le Catholicos (patriarche nestorien) Baboé (Babùi ou Babùiali), moins pour raison dogmatique que pour cause de prééminence ; car les droits de l’évêque de Séleucie-Ctésiphon, capitale de la Perse, au titre de patriarche de l’Orient, étaient très faibles et très vagues et beaucoup de métropolitains étaient en fait plus puissants que lui. Barsumas, d’après son propre aveu, excita de mauvais évêques contre le Catholique et ils tinrent un synode contre lui à Beit-Lapat, en avril 481. Dans ce synode, on attaqua Baboé, on proclama la foi nestorienne et on approuva les œuvres de Théodore de Mopsueste, on supprima officiellement, pour la première fois, le célibat des moines, des prêtres et des évêques. D’après Bar Hébroeus, Barsumas cohabitait avec une religieuse nommée Mamoé, Bibliotheca orient., t. iii, p. 67, qu’il appelait son épouse légitime. Il prêchait ouvertement qu’il valait mieux prendre une femme que brûler du feu de la concupiscence. Ce ne fut toutefois qu’au synode d’Acace, successeur de Baboé, que la loi du célibat fut abolie par le Catholicos nestorien qui reprit en son nom le canon de Barsumas. 0. Braun, Bas Buch der Synhados, Stuttgart, 1900, p. 69-72. « Dès maintenant, aucun évêque, dans le diocèse qu’il gouverne et dans l’Église qu’il sert, ne doit user de violence et de contrainte à l’égard de l’interdiction du mariage. En voilà assez des adultères et des fornications qui ont été attribués jusqu’ici à notre troupeau et dont le mal s’est étendu jusqu’à arriver aux oreilles des gens du dehors et à exciter contre nous la dérision de tous les peuples. Personne de nous ne doit imposer la contrainte de cette promesse à son clergé, ou aux prêtres des villages, ou aux religieux qui lui sont soumis. Que son enseignement soit conforme en cela à la sainte Écriture ; que l’on reconnaisse aussi par sa propre faiblesse la faiblesse des autres. » Suivent des citations et commentaires de Matth., xix, 11-12 ; I Cor., vu, 1-2, 8-9 ; I Tim., iii, 1-2, 12. « Pour guérir complètement, même malgré eux, les malades qui dépendent de nous, ceux qui, selon la parole de l’Apôtre, ont supprimé leur espérance, Eph., iv, 19, en se livrant, dans leur avidité, au plaisir et à l’impureté, ceux qui aiment la fornication et l’adultère, mais ne veulent pas se lier légitimement et procréer légitimement selon la volonté de Dieu, nous ordonnons par ce canon, que désormais aucun évêque n’élève au diaconat quelqu’un de sa ville ou d’un village qui dépend de lui, avant d’avoir recherché si sa conduite est bonne, s’il est digne de l’ordination, s’il vit dans des liens légaux en procréant des enfants, afin de faire disparaître complètement de l’Église du Christ l’orgueil et la jactance de ceux qui proclament mauvais le mariage et l’union légitime et qui assouvissent leurs désirs par l’adultère, la fornication et une mauvaise hypocrisie… Celui qui choisit librement l’éloignement du mariage, que celui-là demeure seul, pur et fort dans le recueillement d’un cloître… Si un prêtre qui n’a pas encore été marié veut contracter un mariage et engendrer des enfants, ou si sa première femme est morte et s’il veut en prendre une autre et garder avec elle la foi conjugale, son évêque ne l’en empêchera pas ; carie mariage légal est aussi beau et aussi agréable aux yeux de Dieu après le sacerdoce qu’avant… » Telle fut cette célèbre réforme, attachée au nom de Barsumas, qui en appelait à la raison et à l’Écriture sainte, et qui était destinée, d’après ses auteurs, à diminuer le nombre des adultères, des fornications, des péchés internes et des actes d’hypocrisie. Zacharie le Scolastique nous apprend encore que le roi de Perse considérait le célibat comme une cause de faiblesse pour son royaume et que Barsumas voulut ainsi fortifier l’empire perse. Nau, Vie de Sévère, ’patriarche d’Antioche, Paris, 1900, p. 80. Si l’on en

croit Bar Hébræus, cette loi eut bien les effets prolifiques attendus. Les enfants des chrétiens gisaient sur les fumiers, nous dit-il, et le Catholicos fut obligé de fonder une maison pour y élever les enfants abandonnés. Il nous semble exagéré cependant de voir là une cause efficiente des invasions des Perses dans l’empire grec, invasions successives et dès lors ininterrompues jusqu’à la prise de Jérusalem et de la sainte Croix sous Héraclius.

Barsumas continua sa lutte contre le Catholicos Baboé, dont il semble avoir convoité la succession. Après l’avoir fait condamner, au synode de Beit-Lapat, il trouva occasion de le déférer au bras séculier et de le faire mettre à mort. D’après Bar Hébroeus en effet, Baboé, réprimandé par les évêques occidentaux au sujet du nestorianisme et du concubinage des clercs, qui s’étendaient dans son patriarcat, leur répondit : « Nous vivons sous un roi inique, nous ne pouvons pas punir les coupables, aussi beaucoup d’abus s’introduisent malgré nous et contre les canons. » Barsumas intercepta cette lettre et la fit remettre au roi Péroz ; il accusa aussi Baboé d’être un espion des grecs. Le roi de Perse, irrité, fit pendre le patriarche par le doigt portant l’anneau qui lui avait servi à sceller cette lettre, et on le frappa jusqu’à la mort. D’après Jacques bar Salibi (ms. syr. de Paris, n. 201, fol. 183), les évêques occidentaux demandèrent à Baboé d’adhérer au concile d’Éphèse (réuni tout spécialement contre Nestorius) ; il envoya son adhésion et celle des évêques de l’Orient ; quand ses messagers arrivèrent près de Barsumas, celui-ci les trompa, leur prit les lettres, et, voyant que Baboé parlait « d’un pouvoir tyrannique et impie » , il porta ces lettres au roi Peroz et accusa le patriarche d’être un espion des grecs. Nous croyons volontiers que c’est pour un motif de foi et pour une phrase imprudente que Baboé fut ainsi déféré au roi de Perse. Cette version est la plus vraisemblable et rend compte de tous les détails des lettres de Barsumas relatifs au patriarche. Il nous semble moins probable que Baboé ait eu l’imprudence d’écrire à l’empereur de Constantinople pour lui demander d’agir auprès du roi de Perse en faveur des chrétiens persécutés. Cette version put être imaginée parles nestoriens pour faire de la mort de Baboé un acte purement politique ; d’ailleurs’Amr, qui nous l’a conservée, commet deux grossiers anachorismes en supposant que la lettre fut adressée à l’empereur Léon ({ 474)et qu’elle fut lue par le médecin Gabriel de Sigar (vie -vne siècle) ; nous ne pouvons donc accorder grand crédit à son récit.

Barsumas remontra au roi de Perse que les chrétiens de ses États lui seraient plus dévoués s’ils avaient une foi différente de celle des chrétiens grecs et devenaient ainsi les ennemis de ceux-ci ; il obtint donc plein pouvoir pour convertir par la force les chrétiens orientaux au nestorianisme. D’après Bar Hébrœus, il détruisit des monastères et mit à mort les évêques, les prêtres, les moines et les fidèles qui ne voulurent pas penser comme lui, en tout 7 700 personnes. Jacques bar Salibi, loc. cit., porte à 7800 le nombre des victimes de Barsumas et l’accuse en plus d’avoir fait couper la langue, puis la tête, à Baboé. Vers cette époque mourut Péroz (484), le protecteur de Barsumas, et son successeur Balas fit donner la charge de Catholicos à Acace, parent de Baboé (483). Barsumas, déçu dans ses espérances, dut faire amende honorable. Il fut contraint de venir au petit synode de Beit’Adri (août 485) et de souscrire aux conditions suivantes : 1° annulation des actes du procès de Baboé ; 2° reconnaissance d’Acace comme Catholicos ; 3° acceptation d’une pénitence ; 4° promesse de paraître à un grand synode à Séleucie-Ctésiphon. — Depuis lors Barsumas montre la plus grande déférence pour Acace et recourt même à son autorité quand il trouve des difficultés à Nisibe.