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BÉATE DE CUENZA (LA) — BÉATIFICATION


Elle prédit aussi qu’elle mourrait à Rome et que trois jours après sa mort elle monterait au cul en présence d’une foule nombreuse. Ses compatriotes la crurent inspirée et ses rêveries firent grand bruit dans toute la contrée. Bientôt le peuple crédule rendit à l’inspirée des honneurs religieux : on la conduisit en procession avec des cierges allumés. Plusieurs ecclésiastiques partageaient la croyance populaire. Le tribunal de l’inquisition de Cuenza convoqua la béate à sa barre. Elle soutint son rôle et ses prétendues révélations. L’inquisition condamna la visionnaire, l’empêcha de continuer ses rêveries extravagantes et arrêta la superstition populaire.

Bergier, Dictionnaire de théologie dogmatique, édit. Migne, Paris, " 1851’, t. i, col. 527 ; Glaire, Dictionnaire universel des sciences ecclésiastiques, Paris, 1868, t. I, p. 244.

E. Mangenot.

    1. BÉATIFICATION##


BÉATIFICATION. — I. Définition. II. Divisions. III. En quoi elle se distingue de la canonisation. IV. En prononçant des béatifications, le pape est-il infaillible ? Y. Effets.

I. Définition.

La béatification est l’acte par lequel l’Église permet que, dans certains lieux déterminés : dans un diocèse, une province, un royaume, ou de la part de certaines catégories de personnes, par exemple au sein de quelques communautés ou familles religieuses, un serviteur de Dieu, mort en odeur de sainteté, soit honoré d’un culte public avec le titre de bien-, heureux.

II. Divisions.

On distingue deux sortes de béatification : la béatification formelle et la béatification équipollente.

La première est une déclaration positive de l’Église, à la suite d’un procès régulier, instruit à l’effet d’examiner juridiquement, discuter et reconnaître l’héroïcité des vertus, ou, selon les cas, le martyre d’un serviteur de Dieu, et, en outre, de constater l’authenticité des miracles opérés par son intercession.

La béatification équipollente repose moins sur une déclaration positive de l’Eglise que sur son consentement tacite. L’Église sait que, dans plusieurs endroits, on rend un culte public à l’un de ses enfants, et qu’on l’invoque comme bienheureux : elle le sait, et laisse faire quand elle pourrait s’y opposer. Par son silence elle semble l’approuver implicitement, quoiqu’elle ne se soit jamais expliquée au sujet de ce culte. Assurément elle ne le tolérerait pas, si elle n’avait des raisons sérieuses de le supposer légitime. Son silence équivaut donc à une approbation ; et là encore, quoique ce soit en une matière des plus importantes, s’applique l’axiome du droit : qui lacet, consentire videtur.

Néanmoins, et c’est le sentiment de Benoît XIV, De servorum Dei beatificatione et bealarum canonizalione, 1. I, c. xlii, n. 1(1, le degré de certitude résultant d’une béatification formelle est bien supérieur à celui que présente une béatification équipollente. La raison en est manifeste. Dans la première, en effet, un jugement est intervenu, et, quoiqu’il ne soit pas définitif, il a été précédé par un long procès, pendant lequel toutes choses ont été pesées et mûrement examinées. Dans la béatification équipollente, c’est le peuple chrétien qui s’est prononcé, devançant ainsi la décision de l’Eglise. Il a été témoin des grandes vertus pratiquées par celui ou (elle qu’il honore, et il lui attribue des miracles. Cette vénération populaire, surtout si elle persiste et s’étend, n’est-elle pas, jusqu’à un certain point, une expression du jugement de Dieu, suivant l’adage 1 : ro.r populi, VOX

Dei ? D’autres lois, dans la béatification équipollente, il y a eu, à l’origine, une sentence juridique ; mais elle n’émane pas de l’autorité suprême ; elle a été portée, à une époque déjà lointaine, par un évéque, dans les limites du territoire soumis à sa juridiction. La réputation de sainteté dont a joui depuis le serviteur de Dieu dans ce diocèse, s’est propagée plus ou moins rapidement

dans les diocèses voisins. Elle s’est maintenue durant des siècles. Par suite de cet état de choses, l’Église s’est trouvée en présence d’un l’ait, au sujet duquel elle n’a pas cru opportun de statuer. Cependant il est de jurisprudence civile et canonique que d’un fait incontestable résulte toujours, si ce n’est une preuve péremptoire, du moins une forte présomption, qui. dans le doute, est toujours considérée comme favorable, car melior est conditio possidentis.

III. En quoi la béatification se distingue de la canonisation ? — Même formelle, la béatification diffère complètement de la canonisation. Elle n’est, en effet, qu’un acte préparatoire, par lequel l’Eglise déclare qu’il y a des motifs très sérieux de penser que le serviteur de Dieu, vu la sainteté de sa vie et les miracles opérés par son intercession, jouit dans le ciel de la béatitude éternelle. La canonisation, au contraire, est un acte définitif ; c’est la conclusion dernière d’un procès à l’issue duquel le souverain pontife, dans la plénitude de sa puissance apostolique, a promulgué une sentence qui oblige tous les chrétiens. Ce n’est donc plus une simple autorisation restreinte et circonscrite entre des frontières relativement étroites ; c’est un décret solennel définissant et notifiant urbi et orbi que le serviteur de Dieu doit être inscrit au catalogue des saints, et honoré comme tel par les fidèles du monde entier. Voir Canonisation.

Dans les premiers siècles, la béatification ne se distinguait de la canonisation que par les limites locales imposées aux manifestations du culte public. C’était une canonisation particulière, décrétée et ordonnée après enquête juridique par des évêques, juges de la foi dans leurs diocèses respectifs. Quand ce culte d’un bienheureux, se propageant de diocèse en diocèse, était devenu universel en s’étendant à l’Eglise entière, avec le consentement tacite ou exprès du souverain pontife, la béatification devenait ipso facto canonisation. Telle était l’antique discipline qui fut seule en vigueur, pendant près de mille ans. Cf. Mabillon, Acta Si>. ord. S. Bcncd., sa ?c. V, proefat., c. vi, n. 92. Paris, 1668, et Annales ord. S. Bened., Paris, 1703-1739, t. vi, p. 535, n. 28 ; Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. vi, n. 9 ; 1. ii, c. xxxix. n. 3 ; Acta sonctorum, julii t. i, Paris, 1867, p. 587 ; augusti t. iii, 1868, p. 257 sq.

Ce droit des évêques de béatifier les serviteurs de Dieu, c’est-à-dire de prononcer des canonisations particulières, sans même en référer au saint-siège, persévéra jusque vers la seconde moitié du XIIe siècle. Mais, peu avant cette époque, à la fin du xie siècle et au commencement du XIIe, afin d’obvier aux abus qui pouvaient se produire, et d’écarter les erreurs si préjudiciables dans des affaires de cette importance, les papes Urbain II, Calliste II et Eugène III exprimèrent la volonté que l’examen des vertus et des miracles de ceux qu’on se proposait d’élever sur les autels lut, de préférence, comme toute cause majeure, réservé aux conciles, surtout aux conciles généraux. Toutefois, comme la lenue de ces grandes assemblées est chose rare, et qu’une mesure de ce genre ne suffisait pas à atteindre le but, il fut statué, peu après, que le droit de prononcer des béatifications serait désormais réservé exclusivement au souverain pontife. Cela ressort d’une décrétale d’Alexandre III (1170), insérée dans le Corpus ju ris canonici, 1. III, tit. xi.v, De rrlii/uis et veneratUme sonctorum, et renouvelée par Innocent III, quarante ans plus tard.

Ces prescriptions, loin de s’affaiblir avec le temps, n’ont fait que se préciser de plus en plus, à tel point que, sans qu’il puisse ^ avoir la moindre controverse à ce sujet, le pouvoir de béatifiera été incontestablement

retiré à tous les prélats, quelle que soit leur (lignite’, et fussent-ils archevêques, patriarches, primats, ou légats