Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
533
534
BÉGHARDS, BÉGUINES HÉTÉRODOXES


virtutum est liominis imper Iccli, et perfecta anima licen tiat a se virtutes.

7. Quod mulieris OSCUlum,

cum ad hoc natura non incli net, est mortale peccatum ;

actus autem carnalis, cum ad

lu c natura inclinet, peccatum

non est, maxime cum tentatur

oxercens.

8. Quod, in elevatione corpo ris Jesu Christi.non debent as surgere, nec eidem reveren tiam exhibere, asserentes quod

esset imperfectionis eisdem

si a puritate et altitudine suae

contemplationis tantum descen dcrent quod circa ministerium

sou sacramentum eucharistiæ,

aut circa passioncm humanita tis Christi, aliqua cogitaient.

vertus est le propre de l’homme

imparfait, et une âme parfaite

se dispense de les pratiquer.

7. Embrasser une femme,

quand la nature n’y incline pas,

est un péché mortel ; mais un

acte charnel, quand la nature

y incline, n’est pas un péché,

surtout quand celui qui fait cet

acte est tenté.

8. Pendant l’élévation du

corps de Jésus-Christ, on ne

doit pas se lever ni lui donner

des marques de respect : ce

serait, affirment-ils, une im perfection de descendre de la

pureté et de la hauteur de sa

contemplation pour penser au

ministère ou au sacrement de

l’eucharistie, ou à la passion de

l’humanité du Christ. « Ces principes ne ressemblent pas mal au quiétisme de nos jours, » a observé J. Lenfant, Histoire de la guerre des hussites et du concile de Basle, Utrecht, 1731, t. i, p. 31. Cf., sur ce point, Noël Alexandre, Hist. eccles., Venise, 1778, t. viii, p. 526-556. Si le quiétisme a repris, sauf à les atténuer, les huit articles qui résument la doctrine des béghards, ces huit articles, à leur tour, dépendent de l’enseignement des frères du libre esprit, et peuvent être considérés comme une sorte de réduction des quatre-vingt-dix-sept propositions de la secte de l’esprit rapportées dans l’anonyme de Passau et qui avaient été dressées par Albert le Grand. Sur l’origine de ces propositions, cf. les belles études de V. Preger, Geschichte der deutschen Mystikim Mittelalter, Leipzig, 1874, t. i ; les 97 propositions se trouvent aussi dans I. von Dôllinger, Beitrâge zur Sektengeschichte des Miltelalters, Munich, 1890, t. il, p. 395402. Aucune des formules condamnées à Vienne ne contient l’affirmation directe de l’identité entre Dieu et l’homme, que l’on trouve dans la plupart des documents relatifs au béghardisme ; mais, du commencement à la fin, elle y est sous-entendue. L’idée fondamentale c’est, conformément à ce qu’on lit dans l’interrogatoire de Jean Hartmann, dans Dôllinger, Beitrâge zur Sektengeschichte des Mittclalters, t. ii, p. 384, que l’homme peut arriver à un état où units est cum Deo et Deus cum eo unus absque omni distinctione. Il en résulte, au point de vue spéculatif, que l’homme peut s’élever à une perfection telle qu’un progrès ultérieur lui est impossible (a. 1), car Dieu ne progresse pas ; que l’homme, dès à présent, peut jouir de la béatitude finale (a. 4), car il ne peut, dans l’autre vie, avoir mieux que l’identité avec Dieu ; que l’homme n’a pas besoin de la lumière de gloire pour voir Dieu et jouir de lui béatifiquement, puisque naturellement la créature intellectuelle est bienheureuse en elle-même (a. 5), par le fait qu’elle est Dieu. On ne peut devenir plus parfait que le Christ (a. 1) ; tous les béghards ne seront pas de cet avis et, par exemple, Jean Hartmann niera que le Christ ait eu la liberté de l’esprit, dans Dôllinger, ibid., p. 387. Mais, si le Christ a été’parfait, l’homme libre l’est autant que lui, et ce serait déchoir que d’abandonner les hauteurs de la contemplation pour arrêter sa pensée à la passion du Christ ou à l’eucharistie ; il ne faut pas témoigner du respect à l’hostie consacrée au moment de l’élévation (a. 8). Selon la juste remarque de Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculatif en Allemagne au xiv c siècle, p. 9’t-95, « ni l’ascétisme ni son contraire ne découlent nécessairement des principes panthéistes que la secte avait admis ; la liberté en Dieu peut être conçue aussi bien comme l’affranchissement de tout désir que comme le droit de laisser en le cœur affiner tout désir. » I.cs béghards hétérodoxes embrassèrent ce dernier parti, et conclurent de leur panthéisme

le droit et le devoir d’agir selon l’instinct et la passion. L’homme parfait est absolument impeccable (a. 1) ; comment ne le serait-il pas, dés lors que Dieu fait en lui toutes ses œuvres ? Il ne doit ni prier, ni jeûner, ni observer les commandements de l’Église ; il est délié de toute obéissance humaine, car où est l’esprit de Dieu là est la liberté ; la sensualité est tellement assujettie à l’esprit et à la raison qu’il peut accorder à son corps tout ce qui lui plait (a. 2, 3). Il n’y a donc pas de péché à commettre un acte charnel quand la nature y incline, quand la tentation y pousse ; au contraire, le mulieris osculum, moins grave en lui-même que l’acte charnel, serait un péché grave si la nature n’y inclinait pas (a. 7). C’est le fait d’un homme imparfait de s’adonner à la pratique des vertus (a. 6). On a prétendu que les béghards avaient d’autres erreurs, qui « semblent imaginées pour justifier leurs principes contre les difficultés qu’on leur opposait : telle est la proposition qui dit que l’âme n’est point essentiellement la forme du corps ; cette proposition paraît avoir été avancée pour expliquer l’impeccabilité, ou cette espèce d’impassibilité à laquelle les béghards tendaient ; de l’expliquer, dis-je, en supposant que l’âme pouvait se séparer du corps » . Pluquet, Dictionnaire des hérésies, Besançon, 1817, t. I, p. 6C0. Tout cela est inexact ; la Clémentine sur l’union de l’âme et du corps, Clementinarum, 1. I, tit. iii, De summa Trinitate et jide catholica, c. i, fut dirigée contre Pierre-Jean Olivi et motivée par les explications qu’il donnait en soutenant que le Christ n’était pas mort quand il reçut le coup de lance.

Loin de disparaître à la suite du concile de Vienne, les hérésies des béghards allèrent s’accentuant. L’édit de Jean de Dùrbheim, évêque de Strasbourg (1317), énumère un nombre considérable d’erreurs. La première, de laquelle toutes les autres procèdent, constate l’évêque, est un panthéisme, dont voici la formule : Dicunt se esse vel aliquos ex islis perfectos et sir unitos Deo quod sint realiter et veraciter ipseDeus, quia dicunt se esse illud idem et unum Esse quod est ipse Deus absque omni distinctione. Ex hoc articulo sequuntur mulli alii articuli. Cf. Dôllinger, Beitrâge zur Sektengeschichte des Miltelalters, t. ii, p. 389-390. Les blasphèmes contre le Christ et l’eucharistie abondent, l’existence de l’enfer et du purgatoire est niée, la bride est lâchée à l’instinct et à la passion, etc. Un demi-siècle plus tard, Berthold de Rohrback enseignait que l’homme libre n’a pas besoin de jeûnes et de prières ; qu’il mérite plus de créance que l’Évangile, que le Christ, dans sa passion, douta de son salut, maudit la sainte Vierge et la terre qui fut arrosée de son sang, etc. Cf. Raynaldi, Annal, eccl., an. 1353, n. 27. Mais ce qu’il importe de lire surtout, pour connaître les aberrations intellectuelles et morales des béghards, ce sont les interrogatoires de Jean de lîriînnetde Jean Hartmann, publiés par W. Wattenbach, dans Silzungsberichle der K. preussischen Akademie der Wissenchaften zu Berlin, 1887, et (le second) par Dôllinger, Beitrâge zur Sektengeschichte îles Mittclalters, t. ii, p. 381-389 ; il est impossible d’avoir des idées plus basses et d’agir plus vilainement. Kst-ce à dire que tous les béghards hétérodoxes tirèrent des prémisses qu’ils admettaient toutes ces conséquences théoriques et pratiques ? Non pas. Il y en eut certainement qui furent meilleurs que leurs principes. Mais, s’il n’est pas permis d’accueillir indistinctement tous les mauvais bruits qui circulèrent sur leur compte, si les accusations populaires dont ils étaient l’objet furent parfois aveugles et injustes, « des témoignages abondants et formels nous obligent à croire que, dans certains cas, du moins, les sectaires se laissaient aller â la plus grossière luxure. » Lea, Histoire </< l’Inquisition, trad, Reinach, t. ii, p. 428. L’extrême limite des débordements semble avoir été atteinte par la secte des turlupins, dans laquelle le pape Grégoire XI voit une variété de béghards. Cf.