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BENOIT XII

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téchrist et la seconde venue du Christ ; car ces idées subjectives ne sont nullement incompatibles avec ce qui fait le fond de celle conception commune, la croyance à l’entrée immédiate des âmes pures dans le royaume du Christ. Dans sa I" épître aux Corinthiens, c. v, saint Clément nous montre les apôtres Pierre et Paul passés, le premier au lieu de la gloire qui lui était dû, i ; tov ùipeO.<5|x, Evov tôitov t ? : SôÇïjî, le second au lieu saint, Et ; -ôv Syiov rôuov. Funk, Paires apostolici, 2° édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 105 sq. Même langage dans saint Polycarpe, au sujet de saint Ignace d’Antioche et autres martyrs ; il nonsies fait aussi contempler dans le lieu qui leur était du, mais en ajoutant : auprès du Seigneur, r.-xyj. tû Kupiû>, dont ils ont partagé la passion. Ad Phil., ix, 2, ibid., p. 306. Et de fait, on le voit par son épître aux Romains, v, 3, Ignace vole à la mort pour posséder Jésus-Christ, îva. T/)<700 Xpurroû imz&x<û. Ibid., p. 258. A son tour, saint Polycarpe nous est représenté dans son Martyrium, xvii, 1, comme couronné de la couronne de l’immortalité et sûrement en possession de la récompense, Èaisçaviouivov te tov Tr, : aç8apTc’a ; (rrlçavov y.ai ppaêeïov àvavTt’ppv ; TC ; v àirevrjveYuivov. Ibid., p. 331. Désir ci espoir familiers aux premiers martyrs, comme l’attestent leurs actes : jouissance de la vie éternelle avec le roi éternel ; obtention des promesses faites par le Christ : entrée dans le royaume céleste et la société des anges ; acquisition de la couronne immareescible et de la joie suprême, tout cela est style courant dans ce qu’on a justement appelé la théologie des martyrs, llurter, Sanclorum Patrum opusada selecta, Inspruck, 1871, t. xiii, p. 39 sq. ; Atzberger, op. cit., p. 163 sq., 619 sq. (théologie des catacombes). Cette croyance à la vie bienheureuse des martyrs avec le Christ était si fortement ancrée dans l’esprit des chrétiens, que même les partisans du délai de la béatitude ont fait exception pour les martyrs, par exemple S. Irénée, Cont. Itœr., 1. III, c. xvi, n. 4 ; 1. IV, c. xxxiii, n. 9, P. G., t. vil, col. 92’t, 1078 ; Tertullien, De resurreclione carnis, c. xliii : nemo enim peregrinalus a corpore, statim immoratur pênes Dominum, nisi ex prxrogativa martyrii. P. L., t. ii, col. 856.

Rien n’autorise cet exclusivisme. D’après saint Clément, ceux qui par la grâce de Dieu ont été consommés dans la charité, obtiennent la demeure des justes, ïyovavi /ûpov eJTeSàiv. 1 Cor., L, 3, loc. cil., p. 164. Dans la tour du Pasteur d’Hermas apparaissent couronnés ceux qui ont lutté contre le démon et qui l’ont vaincu ; c’est-à-dire, non seulement les martyrs, mais les saints et les justes, ceux qui ont gardé la pureté du cœur et observé les divins commandements. Simil., VIII, 3, 6 ; ix, 27, 3, op. cit., p. 563, 625. Pour Athénagore, ceux qui meurent purs de tout péché passent à la vie qui fait l’objet de noire attente. Légat., n. 12, P. G., t. vi, col. 913. Saint Grégoire le Thaumaturge nous montre le second Adam descendant aux limbes pour délivrer les âmes qui s’y trouvaient retenues ; désormais l’accès du ciel est libre. Sermo in omîtes sanctos, donné pour authentique par Mingarelli, /’. G., t. x, col. 1202 sq. Ailleurs, il montre saint Etienne passant de la mort à la vie du monde supérieur et couronné de l’éclat trois fois saint de la gloire divine. Sermo panegyricus in Stephanum, n. 2, publié par le cardinal Pitra, Analecta sacra, t. iv, p. 163. Saint Méthode de Tyr affirme nettement, en s’appuyanl sur les paroles de Notre-Seigneur, Luc, XVI, 19, qu’à la fin de cette vie passagère nos âmes auront auprès de Dieu la demeure qui leur est propre avant la résurrection. De resurrectione, P. G., t. xviii, col. 311. Sur quelques autres passages du même Père, voir Atzberger, "/< cit., p. 762 sq. Ainsi se trouve affirmée et maintenue, dans la période anténicéenno, l’entrée Immédiate au Ciel des.’unes saintes ; doctrine qui a pour pendant celle de la descente des âmes pécheresses en enfer. Origène donne, en effet, comme un point

indiscutable de la doctrine ecclésiastique que, quand l’âme quitte ce monde, elle est traitée selon ses mérites : ou elle reçoit l’héritage de la vie éternelle et de la béatitude, ou elle est livrée au feu éternel et aux supplices qui l’accompagnent. De princip., 1. I, préambule, n. 5, P. G., t. XI, col. 118.

Mais quelle est au juste la situation des âmes au ciel ? Les Pères anténicéens ne répondent pas tous à cette question ; chez plusieurs cependant, les saints nous apparaissent comme jouissant déjà de Dieu et béatifiés dans leurs âmes. Quand saint Ignace d’Antioche vole à la mort pour être avec le Christ, ce n’est pas à l’humanité du Sauveur qu’il borne ses aspirations ; c’est Dieu qu’il désire, tôv to-j 0eo3 Ûi/.ovra, Dieu que la dent des fauves lui permettra d’atteindre, St’cT.v s<mv 0sov èTctTU/eiv ; c’est la pure lumière qu’il veut contempler, atpsTÉ [/.s y.aOapbv çàiç Xaëeïv. Ad Boni., IV, 1 ; VI, 2, lue. cil., p. 256, 260. Clément d’Alexandrie ne parle pas seulement de la vraie vie et de la gloire que les martyrs reçoivent après leur mort, ni du repos éternel et de la lélicité dont jouissent après leur départ de cette vie ceux qui ont été consommés dans la charité, Slrom., 1. IV, c. vii, xviii ; 1. V, c. xiv, P. G., t. viii, col. 1255, 1322 ; t. ix, col. 182 ; il ne nous montre pas seulement la mort du juste comme un retour dans sa vraie demeure, tîjç eîç oîxov àvaxoixtSr, ?, ibid., 1. V, c. XI, P. G., t. IX, col. 488 ; il voit encore dans la vision intuitive le terme où parviennent ceux qui ont le cœur pur, quand ils auront acquis la dernière perfection ou se seront pleinement purifiés, ibid., 1. V, c. i ; 1. VII, c. x, P. G., t. ix, col. 18, 480 sq. ; il associe avec notre départ de ce monde l’accomplissement de la promesse contenue dans les paroles : Quod actdus non vidit, quoi ! auris non audivit, etc. Pœdag., 1. I, c. vii, /’. G., t. ix, col. 291. Origène lui-même, malgré sa théorie de la béatitude progressive et la façon personnelle dont il explique la purification des âmes, n’en affirme pas moins qu’une fois pleinement purifiée, l’âme vit au ciel dans la société de Jésus-Christ, fils de Dieu. De princip., 1. II, c. XI, n. 6, P. G., t. xi, col. 216. Ailleurs, il suppose expressément la vision de Dieu dans les âmes des saints. De oratione, n. 11, P. G., t. xi, col. 419. S’il dit également, comme on l’objecte, que personne, sans en excepter les apôtres, n’est encore en possession de sa joie, le contexte prouve à l’évidence qu’il ne s’agit pas simplement de la joie de l’âme bienheureuse, mais de la joie complète et consommée, plena Uvlitia, perfecta Ixtitia, qui n’aura lieu qu’après l’entrée au ciel de tous les élus. Homil., vil, in Lev., n. 2, P. G., t. XII, col. 480 sq. Saint Cyprien surtout nous dépeint en divers endroits tous les vrais disciples du Christ vivant et régnant avec leur chef, couronnés déjà et glorifiés, De murlalilale, c. xxvi ; Epist. ad Fortunalum, c. XII, P. L., t. iv, col. 601 sq., 674 ; passant de la mort même à l’immortalité, au paradis, au royaume des deux, pour y jouir d’un bonheur éternel en la présence de Dieu, Liber ad Demctrianum, c. xx, xxv, ibid., col. 559, 563 sq. ; enfin, ne fermant les yeux aux choses de ce monde que pour les rouvrir aussitôt, et voir Dieu et le Christ. Epist. ad Fortunaluni, c. xiii, ibid., col. 676.

2. Période poslnicéenne, jusqu’au schisme grec. — Depuis la moitié du ive siècle jusqu’à la fin du IXe, les témoignages favorables au dogme défini par Benoit XII se multiplient, mais il importe toujours de distinguer entre ce que ce dogme a de spécifique et la doctrine plus générale du passage immédiat, soit des âmes pures au ciel, soit des âmes pécheresses à l’enfer. Sous ce rapport, il est même nécessaire de partager les témoignages

en trois groupes, ceux qui ne dépassent pas la doctrine générale concernant l’état des âmes après la mort ; ceux, plus spéciaux, qui ; sans exprimer la possession immédiate de la béatitude céleste, la contiennent cependant implicitement ; ceux enfin qui sont explicites.