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BENOIT XII

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a) Témoignages généraux. — Le nombre en est considérable, comme on peut le voir par un ouvrage remarquable que Muratori composa contre le livre de l’anglican Burnel, sous ce titre : De 2wadiso regnique cselestis gloria non exspectata corporum resurrectione juslis a Beo conlata, in-4°, Vérone, 1738. Qu’il suffise de signaler deux points de doctrine, d’une importance et d’une portée plus grandes. Souvent les Pères témoignent de leur croyance en parlant de la descente de Jésus-Christ aux enfers, et de son ascension au ciel en compagnie des unies qu’il avait délivrées ; après saint Paul, ils voient là une preuve que le ciel n’est plus terme comme autrefois. « Dieu a ouvert les portes du ciel, et par Notre-Seigneur il a rendu la voie libre, pour que nous puissions y monter. » S. Athanase, Epist. lieortast., v, n. 3, P. G., t. xxvi, col. 1380. & Ceux que le diable tenait captifs sous une servitude de mort, le Christ à son tour les captiva, mais pour les rendre à la vie et les placer à notre tête dans les cieux. » S. Jérôme, Inepist. ad Eph., iv, 8, P. L., t. xxx, col. 832. « Avant Jésus-Christ la mort conduisait aux enfers, sîç tôv a3ï|V, maintenant elle nous envoie vers le Christ, Ttpb ; xôv Xpi ?-ôv 7rapa7ré[j17r=t. » S. Jean Chrysostome, Homil. de sanctis niartyribus Bernice et Prosdoce, n. 3, P. G., t. l, col. 633. Cf. Pseudo-Athanase, <Juæstiones ad Antiochum, q. xix, P. G., t. xxviii, col. 610 ; S. Grégoire de Nazianze, Oral., xxxix, n. 20, P. G., t. xxxvi, col. 102 ; Rufin, Comment, in symbol. apost., n. 31, P. L., t. xxi, col. 367 ; S. Pierre Chrysologue, Serm., lxvi, P. L., t. lii, col. 388 sq. ; Gennade, Be eccles. dogmat., c. lxxviii, P. L., t. lviii, col. 998 ; Priinasius d’Adrumette, Comment, in epist. ad Heb., îx, 8, P. L., t. lxviii, col. 740 ; S. Grégoire, Moral., 1. IV, c. xxix ; 1. XII, c. ix, xliii, P. L., t. xevi, col. 666, 992, 1038 ; S. Julien de Tolède, Prognosticon, 1. II, c. xii, P. L., t. xevi, col. 480 ; S. Jean Damascène, Be jide orthodoxa, 1. III, c. xxix, P. G., t. xciv, col. 1102.

Nouvelle preuve, et plus complète, dans la doctrine des Pères sur les deux termes de la destinée des âmes aussitôt après la mort : l’entrée au ciel ou la descente en enfer. Émise ou supposée très fréquemment, cette doctrine est particulièrement frappante dans les passages où les deux termes sont mis en opposition et pleinement affirmés. Exemples : S. Hilaire, Tract, in Ps. ii, n. 48, P. L., t. ix, col. 290 ; S. Éphrem, Necrosima, lv, lix, Opéra syriace, Rome, 1743, t. iii, p. 320, 325 ; S. Augustin, Serm., cclxxx, c. v, P. L., t. xxxviii, col. 1283 ; S. Jean Chrysostome, Homil., lii, inMatth., n. 3, P. G., t. lviii, col. 522 ; Cassien, Collât., 1, c. xiv, P. L., t. xlix, col. 500 sq. ; Gennade, loc. cit. ; S. Grégoire, Bialog., 1. IV, c. xxv, xxviii, P. L., t. lxxvii, col. 357, 365 ; S. Dorothée, Expositiones et doctrines diversæ, xii, n. 2, 3, P. G., t. lxxxviii, col. 1751 ; S. Isidore de Séville, Sententiæ, 1. III, c. lxii, n. 5 sq., P. L., t. lxxxii, col. 737 sq. ; S. Julien de Tolède, loc. cit., c. xin. Un peut juger de la certitude attribuée à cette doctrine dans l’Église latine au vme siècle, par le traité anonyme Utrum animse de humanis corporibus exeuntes mox deducantur ad gloriam vel ad pœnam, an expectent diem judicii sine gloria et pœna, P. L., t. xevi, col. 1379 sq. ; l’auteur établit par l’Écriture et les Pères l’entrée des âmes au ciel ou en enfer avant le jugement dernier, et traite l’assertion opposée de méchante hérésie, pravsv hsêreseos dogma. Au début même du IXe siècle, Alcuin signale aussi, dans une lettre au patriarche d’Aquilée Paulin, certains doutes clandestins, inquibusdam clancida dubitalio, relativement à l’entrée des âmes saintes dans le royaume céleste avant le jour du jugement ; c’est là une atteinte portée à la croyance universelle, une erreur perfide qu’il engage Paulin à réprimer sans retard. Epist., cxiii, P. L., t. c, col. 342.

b) lémoignages implicites en faveur de la vision

béatifique immédiate. — Si le pape Jean XXII, tout en reconnaissant que les âmes saintes sont au ciel, hésitait à leur attribuer dès maintenant la vision béatifique, c’est que, d’après la foi catholique, cette vision forme l’élément principal et essentiel de la béatitude suprême, de la vie éternelle, du royaume préparé pour les élus de toute éternité, de la couronne de gloire et des biens inénarrables qui leur ont été promis ; croyant la possession de tous ces avantages réservée au jour du jugement, le pontife devait nécessairement différer la vision béatifique. Mais l’argument se retourne contre son auteur ; car nombreux sont les témoignagnes des Pères grecs ou latins qui, du ive au IXe siècle, nous présentent les saints non seulement reçus au ciel et vivant avec le Christ, mais couronnés déjà, récompensés, jouissant des biens ineffables que Dieu a réservés aux élus, glorifiés enfin et béatifiés dans leurs âmes. Deux sortes d’écrits, les éloges funèbres ou panégyriques des saints et leurs biographies, fournissent surtout les éléments de cette preuve,

Eusèbe se représente l’âme de Constantin souverainement heureuse auprès de Dieu, entourée comme d’un vêtement de lumière éblouissante, en possession de la couronne immarcescible, de la vie immortelle et de la bienheureuse éternité. Vita Conslantini, 1. 1, c. ii, P. G., t. xx, col. 912 sq. Saint Arnbroise voit saint Pierre au ciel parmi les chœurs des anges, In Luc, 1. X, n. 92, P. L., t. xv, col. 1827 ; il nous y fait voir les empereurs Valentinien et Théodose, couronnés l’un et l’autre, jouissant de la vie et de la félicité éternelles, de l’héritage promis, de la vraie gloire, du royaume et de la béatitude suprême, de la récompense divine. Be obitu V alenliniani, n. 70, 77 ; Be obitu Tlwodosii, n. 28, 31, 32, P. L., t. xvi, col. 1379, 1381, 1394 sq. Saint Basile célèbre les martyrs transférés à la vie bienheureuse, ornés de la couronne de justice. Homil., xviii, xix, P. G., t. xxxi, col. 505, 525. Saint Éphrem, dans ses Necrosima ou canons funèbres, épuise en quelque sorte tous les termes, pour exprimer la félicité des âmes saintes au ciel ; rerues dans ce bienheureux royaume, elles sont enchâssées comme autant de perles précieuses dans le diadème du Christ roi ; elles vivent dans la plénitude d’une joie sans fin ; elles habitent cette sublime demeure où tous les biens rassemblés concourent à rendre heureux ; pour récompense de leurs travaux, elles ont obtenu la couronne de gloire, le royaume éternel, la béatitude du céleste paradis ; agrégées aux chœurs des anges, elles jouissent avec eux de la joie qui ne change point. Can., vii, ix, x, xlix, lui, lxxxiii, Opéra syriace, t. iii, p. 234, 237, 240, 303, 311, 357. Saint Jérôme, pour consoler Marcella de la mort de sa fille. Léa, la lui montre reçue parmi les chœurs des anges, plongée dans l’éternelle félicité et disant : Tout ce dont nous avions entendu parler, nous l’avons vu dans la demeure de notre Dieu. Epist., xxiii, n. 3, P. L., t. xxii, col. 426. Aussi, quelle indignation dans le rude docteur, quand il parle de cette sorte de réclusion où Vigilantius plaçait les âmes jusqu’au jour du jugement ! Contra Vigilatitium, n.6, P. L., t. xxiii, col. 344. Même doctrine dans saint Augustin : les saints, reçus en triomphe par les anges, entrent en possession des divines promesses ; ils sont bienheureux, beati sunt ; ils jouissent dès maintenant dans leurs âmes de la vie éternelle, du suprême repos, ut habeat intérim secundum spiritum vitam œternam in requie. Serm., cclxxx, n. 4 ; cccxxviii, n. 6 ; Tract., XXVI, in Joa., n. 16, P. L., t. xxxviii, col. 1283, 1453 ; t. xxxv, col. 1614.

Les témoignages de ce genre vont se multipliant dans les temps qui suivent. Muratori, op. cit., c. xxii, xxiii. La béatitude promise, les récompenses et les joies éternelles, la gloire céleste, la couronne et le prix du vainqueur, la participation au festin des anges, telles sont les prérogatives des âmes bienheureuses qui forment