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BENOIT XII

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après la séparation des deux Églises, In situation change, non pas immédiatement ni complètement, mais à la longue et en partie. Il importe donc d'étudier à part la marche de la croyance chez les Latins et chez les Grecs.

o) En Occident. — Nulle hésitation désormais sur ce que nous avons appelé la question générale du passage immédiat des.'mies pures au ciel, et de la descente des âmes pécheresses en enfer. C’est un point acquis, dont l’affirmation se retrouve surtout, nette et catégorique, quand les auteurs de cette époque parlent des trois réceptacles des âmes au sortir de cette vie : le ciel pour les perfecti ou valde boni, l’enfer pour les impii ou valde malt, le purgatoire pour les purgandi ou mediocriter boni. Voir S. Pierre Damien, Serm., lix, P. L., t. cxliv, col. 837 sq. ; S. Anselme, Méditât., v, P. L., t. clviii, col. 731 sq. ; Honoré d’Autun, Elucidarium, 1. III. c. i sq., P. L., t. CL.xxii, col. 1157 sq. ; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis christianas fidei, part. XVI, c. iii, iv, P. L., t. clxxvi, col. 584, 586 ; S. Bernard, Serm., xi.ii, de diversis, n. 5, P. L., t. clxxxiii, col. 663 ; Errnangaud, Contra Itsereticos, c. xvii, P. L., t. cciv, col. 1268 ; Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XLV ; Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. XLV, XLVI ; S. Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist.XLV, a.i, q. n ; S. Thomas d’Aquin, Sum. theol., supplem., q. LXix, a. 2 ; Contragentes, 1. IV, c.xci, Quod animas, statim posl separationem acorpore, pœnamvel prasmium consequuntur. Dans le premier endroit, l’Ange de l'École conclut que l’assertion contraire doit être tenue pour hérétique. Clément IV ne fit donc que confirmer et sanctionner la croyance existante en insérant cette doctrine dans la formule de foi qu’il proposa, en 1267, à l’empereur Michel Paléologue et que celui-ci souscrivit et présenta, en 1274, au pape Grégoire X, dans le IIe concile œcuménique de Lyon. Denzinger, Enchiridion, n. 387.

L'état de la question ne change réellement pas, si nous passons à l’affirmation plus précise de l’obtention de la vision béatilique ou de l’endurance des peines infernales avant la résurrection des corps. Les mêmes auteurs, et d’autres encore, fournissent des témoignages précis. Saint Pierre Chrysologue nous dépeint saint Vital dans la société des anges et des bienheureux : citm lus omnibus stola indutus glorias ineffabili exsultatione tripudiat, et in conspeclu œterni Régis melodum Alléluia jucundissima suavitate décantât. Serm., xvii, P. L., t. CXLIV, col. 586. Dans la méditation déjà citée, saint Anselme représente l'âme juste placée par son ange devant le trône de la gloire divine, et l'âme pécheresse poussée par les démons aux supplices infernaux ; ailleurs, il dit des âmes pures : corporibus solutsejam assislunt conspeclui glorias Condiloris. Uom il., i, in Eccli., xxiv, 11, P. L., t. clviii, col. 594. Honoré d’Autun fait entrer l'ârne sainte au paradis, ubi ipsa divinitas, gualis est, facie ad faciem contuetur, loc.cit. Hugues de SaintVictor, dans l’endroit objecté par Jean XXII, parle, il est vrai, de la vision béatifique et du jugement dernier comme saint Augustin ; mais, pour se convaincre que cette manière de parler n’exclut nullement la préexistence de la vision béatifique dans les âmes séparées, on n’a qu'à lire ce qu’il dit auparavant, part. XVI : Omnes ergo qui in Domino moriuntur beati sunt, quia posl meritum virtutis, perveniunt ad prasmium beatitudinis, c. i ; de perfeele bonis (lithium non est i/uin egredienles statim ad gaudia transeant, c. iv ; qui jam in gaudio Donnai sut cl. in abscondilo faciei ejus, veri Iwminis illuslralione luslantur, c. xi, P. L., t. clxxvi, col. 580, 587, 596.

Sami Bernard est des plus affirmatifs en maint endroit. Serm., lxxxvii, de diversis, n. 4 : corpore eau ii, et in civlum translati, jam bibere dicuntur eadem qua prias comederanl, qttiu juin /icr spreieni conlempluiiliir mite labure, qua prias per (idem crediderant, dum in

corpore positi peregrinarenUtr a Domino, P. L., t. clxxxiii, col. 705 ; Liber de diligendo Deo, c. xi, n. 30 : Qttitl autem jam solutas corporibus (animas)? Immersas ex toto credimus immenso Mo pelago seterni luminis, et luminosse seternitatis, P. L., t. clxxxii, col. 993 ; Serm., ii, in nalali S. Victoris, n. 4 : rere nunc revelata facie spéculai ur gloriam Dei, P. L., t. clxxxiii, col. 375 ; Epis t., ccclxxiv, in transitu beati Malachise, n. 2 : nec jam in fide ambulas, sed in specie régnas, P. L., t. clxxxii, col. 579. Autres textes du même genre dans Muratori, op. cit., c. xix, p. 201 sq. Donc, quoi qu’il en soit du passage obscur et difficile qui a tant impressionne Jean XXII, la doctrine générale du docteur cistercien est indubitable, et elle se retrouve équivalemment dans ses fameux sermons pour la Toussaint. Il y célèbre en termes magnifiques la félicité dont jouissent au ciel les âmes saintes, Serm., ii, n. 6 ; Dieu leur a donné la première robe, le bonheur et le repos éternel, stola cium prima ipsa est, quant diximus, félicitas et requies animarum. Serm., iii, n. 1, P. i.., t. clxxxiii, col. 467, 469. Mais leur joie n’est pas complète, parce qu’elles n’ont pas encore reçu la seconde robe, c’est-à-dire l’immortalité et la gloire du corps, condition préalable de la béatitude consommée et de l’entrée dans le royaume de Dieu. Quand elles auront reçu ce complément, elles cesseront d'être sous l’autel, sous l’humanité du Christ, dans un état de glorification imparfaite et cachée ; elles paraîtront au grand jour dans un état de glorification totale et extérieure qui est propre aux élus du royaume divin. Serm., il, n. 8 ; Serm., ni, n. 1, ibid., col. 468. En tout ceci, saint Bernard s’inspire manifestement de saint Augustin ; les explications données au sujet du maître aideront à comprendre le disciple, elles aideront surtout à obtenir l’intelligence de cette phrase du Serm., iv, n. 2, la plus délicate de toutes : Quonam igitur modo super altare dixerim exallandos cos, qui nunc sub altare quiescunt ? Visione utique et contemplations, non prœlatione. La preuve qui suit immédiatement, est tirée de saint Augustin : Ostendet enim nobis Filius, ut pollicitus est, semetipsum (Joa., Xiv, 24), nonin formaservi, sed in forma Dei. Et tout le passage se termine par cette assertion : Transiens quippe ministrabit nobis, novas utique, et usque ad tempus illud penitus inexpertas delicias manifestas suas contemplationis. Cette filiation augustinienne des idées ne donne-t-elle pas le droit d’entendre par cette vision et cette contemplation que Bernard réserve aux saints ressuscites, non pas la substance même, mais la plénitude de la vision intuitive, considérée non seulement dans ses effets béatifiques, mais en elle-même, dans sa propre perfection ? Car le docteur cistercien soutient avec son illustre guide que l'âme séparée du corps ne peut pas parvenir à la plénitude de la vision béatifique. Serm., ni, n. 2 ; Serm., lxxxviii, de diversis, n. 4 ; Liber de diligendo Deo, c. xi, n. 30, 32, P. L., t. clxxxiii, col. 470, 705 ; t. clxxxii, col. 993 sq. Aussi Benoit XII répondait-il dans son grand traité, 1. II, c. xi : Uernardus vcro, licet afftrmcl animas post judicium diviuæ essentite visione potiluras, non tamen negat quin etiam ouïe eadem perfruantur. Voir dans Migne, la note G9, P.L., l. clxxxiii, col. 465 ; Bellarmin, op. cit., c. v.

Les témoignages continuent à la fin du xii° siècle et au commencement du XIII » . Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XLV, sanctis qui Deo assistunt petitiones nostrm innotescunt /v Vbrbo Dbj ; Hugues de Rouen, Dialogi, 1. V, interrog., xxii, xxiii, /'. /… t. cxcil, col. 1214 sq. ; Hugo Eterianus, Liber de anima corpore exuta, c. xi, xv, /'. /… t. ccii, col. 192, 201 ; Philippe de Harveng, Comment, in Cantica, I. ii, c. xxv, /'. /.., t. cciii, col. 213 ; Maître Bandin, Sent.. I. III, dist. XXV, sancti non dicuntur modo credere vel sperare futuram resurreclionem, quia eam perfectissime is VBRBO Dei in-