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BÉRENGER DE TOURS


ger et Eusèbe Brunon, au lieu de leur accorder de se laire entendre par un concile, Henri I er convoqua un synode national à Paris, pour juger Eusèbe et son archidiacre ; les deux inculpés s’abstinrent d’y venir, et furent condamnés. La réconciliation du comte d’Anjou avec le pape Léon IX enleva à Bérenger de son assurance, llildebrand. le lutur Grégoire VII, étant venu à Tours et ayant présidé un concile, Bérenger signa une formule de foi eucharistique. Peu après (1055 ou 1063), le synode de Bouen dressa une formule de foi, qui était la contradiction explicite de la thèse bérengarienne. En 1059, au concile de Borne, Bérenger accepta une nouvelle profession de foi eucharistique. Dès qu’il se sentit libre, il attaqua le concile, dans le premier livre, aujourd’hui p rdu, du De sacra cœna (nous en avons toutefois des fragments dans le De corpore et sanguine Domini adv 'i sus Berengarium Turonenseni, que Lanfranc rédigea entre 1063 et 1070). Une assemblée, qui se réunit (1062) à Angers, dans la chapelle de la comtesse Hildegarde, mère de Geoffroy Martel, et qui eut à sa tête l’archevêque de Besançon, fut défavorable à Bérenger. Sur ces entrefaites, Eusèbe Brunon se détacha de lui, et le lui signifia, dans une lettre fort nette (d’après W. Brocking, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, Gotha, 1892, t. xiii, p. 175, cettelettreneseraitque de 1079) pendantqueGeolfroy le Barbu, qui avait succédé à Geoffroy Martel (1060), poursuivait le novateur de son hostilité et l’empêchait de remplir ses fonctions d’archidiacre. Bérenger implora la protection du pape : Alexandre II intervint en sa laveur par des lettres pleines de bienveillance et qui ne contiennentaucune réserve sur son orthodoxie. Bérenger pourtant n'était pas transformé ; au rapport d’un contemporain, Bernold de Constance, De Beringerii hseresiarchse damnatione multiplici, c. vii, P. L., t. cxlviii, col. 1456, Alexandre II dut l’avertir de renoncer définitivement à son erreur et de ne plus scandaliser la sainte Église ; mais Bérenger notifia au pontife romain son intention de demeurer inébranlable. Vers la même date, il répondit au traité de Lanfranc par le De sacra cœna adversus Lanfrancum liber posterior.

Les condamnations contre Bérenger se renouvellent aux conciles de Poitiers (1074 ou 1075) et de SaintMaixent (1075 ou 1076) ; au premier, il manqua être massacré, peut-être pour avoir accusé 'd’hérésie saint llilaire. Cf. la chronique de Saint-Maixent dans Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d’Anjou, Paris, 1869, p. 406, et en rapprocher la Le lettre de Lanfranc, P. L., t. cl, col. 543-545. En 1078, il est à Borne, au concile de Saint-Jean-de-Latran, convoqué par Grégoire VII ; il y signe une formule de foi laquelle, après coup ne semble pas assez explicite. L’année suivante, s’ouvre encore un concile au Latran ; Bérenger est contraint de signer une formule plus précise, destinée à supprimer toutes les échappatoires. Le pape Grégoire VII, toujours doux envers Bérenger — ce qui lui vaudra d'être accusé, par le pseudo-synode de Brixen (1080), d’avoir pactisé avec l’hérésiarque, et par des historiens modernes, par exemple W. Martens, Gregor VII, sein Leben und Wirken, 2e édit., Leipzig, 1894, t. i, p. 269, d’avoir montré une condescendance excessive à l'égard de Bérenger et de ses doctrines — croit à la sincérité' de son repentir, et défend de l’inquiéter dans sa personne ou dans ses biens et de l’appeler hérétique. A peine de retour en France, infidèle à ses serments, Bérenger écrit contre lu formule qu’il a souscrite en dernier lieu à Rome. Le concile de Bordeaux (1080) obtient de lui une dernière rétractation. A partir de ce moment, le bruit fait autour dr ses doctrines s’apaise.

Bérenger mourut dans l’Ile de Saint-Cosme, près de Tours, où il passa ses dernières années, probablement en 1088, le 6 janvier. Larroque, Histoire de l’eucharistie, Amsterdam, 1669, p. 139 ; Oudin, Commentarim de scriplcribus Ecclesiæ antiquis, Leipzig, 1722, t. ii,

col. 635, etc., ont soutenu que Bérenger n’abandonna point les idées qu’il avait patronnées si longtemps et à travers tant d’obstacles ; ils se basent principalement sur Bernold de Constance, Chronicon, P. L., t. cxlviii, col. 1383, d’après lequel Bérenger ad vomitum suum canino more non expavit redire, nam et, in romana sinodo canonice convictus, heresim suam… anathcuiatizavlt, nec tamen postea dimisit. Mais il ne semble pas que cette atlirmation puisse tenir contre les textes qui la contredisent. Les épitaphes fort louangeuses de Bérenger, dues à Baudri de Bourgueil et à Hildebert de Lavardin, seraient inexplicables dans l’hypothèse de son impénitence finale, la dernière surtout, dans laquelle Hildebert ne souhaite pas un sort meilleur que celui de son maître,

Nec flat melior sors rnea sorte sua.

P. L., t. clxxi, col. 1397. Clarius écrit, dans la chronique de Saint-Pierre-le-Vil de Sens, cf. d’Achéry, Spicilegium, Paris, 1657, t. ii, p. 749 : Anno 1083, Berengarius, Turonensis magistcr et admirabilis philosophus, amator pauperum, effloruit… Post hsec fidelis et vere catholicus vitam finivit. La chronique de Saint-Martin de Tours place la mort de Bérenger en 1088, et l’appelle également fidelis et vere catholicus. Cf. Bouquet, Becueil des historiens des Gaules et de la France, 2e édit., Paris, 1877, t. xii, p. 465. Le nom de Bérenger figurait dans le nécrologe de l'église cathédrale d’Angers, ce qui n’aurait certainement pas eu lieu si Bérenger n’avait pas fini dans la communion catholique ; il se lisait également au martyrologe de SaintMariin de Tours. Ci". Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, Paris, 1872, t. i, p. 243. Sa conversion tut considérée comme si authentique et partaite qu’avec le temps on en vint à le tenir pour un saint. Cf. Guillaume de Malmesbury, Gcsla regum Anglorum, 1. III, § 284, P. L., t. clxxix, col. 1257 ; Mathieu Paris, Historia major, édit. VVats, Londres, 1684, p. 10. Guillaume de Malmesbury, ibid., § 285, col. 1258, prête ce mot à Bérenger mourant et qui gémissait au souvenir des disciples qu’il avait entraînés dans l’hérésie : Hodie, in die apparitionis suw, apparebit mihi Dominus meus Jésus Christus, propter pœnitentiam, ut spero, ad gloriam, vel, propter alios, ut timeo, ad pœnam. L’anonyme de Melk, De scriptoribus ecclesiasticis, c. i.xxxviii, P. L., t. ccxiii, col. 979, dit qu’on lui attribuait ce distique :

Constat in altari carnem île pane creari ;

Ipsa caro Deus est ; qui negat hoc reus est.

Voir encore Jean d’Ypres, Chronicon sancti Bertini, c. xxxvii, dans Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iii, col. 578.

IL Doctrines. — I. questions diverses. — Le nom de Bérenger est resté attaché à l’histoire du dogme eucharistique. Sur d’autres points encore il a émis ou on lui a attribué des opinions contraires à l’enseignement de l’Eglise, mais moins retentissantes.

Dans la dispute de Chartres ( 1050), le prévôt Guillaume lui reprocha d’avoir dit que la crosse de l'évoque n'était pas le signe de la juridiction spirituelle. Au moment où la question des investitures, déjà posée, allait ouvrir la grande lutte du sacerdoce et de l’empire, on voit l’importance de cette déclaration. Nous avons une lettre de Bérenger, adressée à l’un des témoins du débat, Asceliu, son ancien condisciple de Chartres ; il affirme qu’il y protesta et qu’il continue à protester contre cette théorie sur la crosse épiscopale. P. L., t. cl, col. 6(5.

Vis-à-vis du saint-siège, Bérenger manqua ; ul double

devoir du respect et de l’obéissance, cité devant le concile de Verceil, il prétendait n'être pas obligé de s’y rendre, « parce que, selon le droil ecclésiastique, nul ne doil 'lie forcé à comparaître devant un tribunal hors de sa province, t De sacra cœna, p, 41. Le pape, à l’entendre, est un sacrilège, et le concile de Verceil une