Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
739
740
BERENGER DE TOURS


puis à Cluny, le bienheureux Wolphelme de Brauweilcr. Nous avons mentionné plus haut la lettre de Gozechin, et celle par laquelle Eusèbe Rrunon notifia à Bérenger qu’ils n'étaient plus d’accord. Deux traités qui ne nous sont point parvenus avaient pour auteur, l’un Jotsauld de Cluny ; cf. Mabillon, Acta sanct. ordinis S.Bcnedicti, sæc.Vl, part. I, p. 032, l’autre Albéric du Mont-Cassin. Cl. Pierre Diacre, Chronicon Casinense, 1. III, c. xxxv ; De viris illustribus Casinensis cœnobii, c. xxi, P. L., t. clxxiii, col. 766, 1033. Ruthard, abbé de Corvey, aurait écrit contre Bérenger, à ce qu’affirment plusieurs historiens : qitod mihi valde suspectum est, dit Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, t. IV, p. 567.

Après la mort de Bérenger, ses doctrines furent attaquées par Alger de Liège, Guibert de Nogent, Grégoire de Bergame, Guillaume de Saint-Thierry, qui le désignent par son nom, et par d’autres écrivains qui, sans le nommer, s’en prennent à ses théories : tels l’abbé Abbaudus, Hugues Métel, Geoffroy de Vendôme, Honorius d’Autun. Presque tous les défenseurs du dogme eucharistique, dans la controverse bérengarienne, appartinrent à l’ordre bénédictin. Cf. Furcy Clément, dans Analccta juris ponti/icii, Paris, 1882, t. xxi, p. 550-582 ; L. Biginelli, 1 Benedetlinïe glï studi eucaristici nel medio evo, Turin, 189.">.

/II. les résultats de la CONTROVERSE. — Le premier et le principal résultat de la controverse bérengarienne fut un progrès notable de l’exposition du dogme eucharistique. On n’atteint pas encore la précision et la fermeté du traité de l’eucharistie de saint Thomas, mais on prépare les matériaux qui serviront à le composer. Guillaume de Saint-Thierry, De sacramento altaris, c. Xi, P. L., t. clxxx, col. 359, observe que les Pères n’avaient pas parlé ex professo de l’eucharistie, parce qu’ils se contentaient de défendre ce qui était attaqué, et que, ne s'étant pas trouvés en face des questions soulevées par Bérenger, ils n’avaient pas eu à se préoccuper ! de mettre dans leur langage des nuances qui répondraient aux besoins du XIe siècle ; de là tam dubise sententiæ, et tam scrupulosæ, et qvm etiam sibi invicem nonnunquam contrariée videantur ; de là des passages vraiment difficiles, et des expressions justes, mais qui, présentées en dehors de leur contexte, peuvent sonner mal aux oreilles des fidèles. On s’attache à dégager de ces obscurités l’enseignement des Pères, on étudie les textes bibliques, on passe au crible les diverses formules susceptibles d'énoncer le dogme. La présence réelle est affirmée et établie avec une vigueur qui ne laisse rien à désirer. De même pour la transsubstantiation : le nom apparaitpourla première fois dans un sermon d’un ancien élève de Bérenger, Hildebert de Lavardin, Serm., xcm, P. L., t. clxxi, col. 776, mais la chose exprimée par ce nom se rencontre partout. Sur plusieurs des points dont l’examen s’impose, une fois la présence réelle et la transsubstantiation admises, il y a des hésitations, et même de franches erreurs. Par exemple, Guitmond, 1. II, P. L., t. cxlix, col. 1145-1153, nie que les espèces sacramentelles soient corruptibles, qu’elles puissent être mangées par des animaux, et se rabat sur l’illusion des sens : si un prêtre méchant ou simple, dit-il, consacrait de grandes quantités de pain pour mettre en évidence les effets nutritifs du sacrement, eu bien son incrédulité rendrait la consécration invalide, ou bien, au moment de la communion, une autre nourriture serait substituée au sacrement, soit par les bons anges, par respect pour le sacrement, soit par les démons, pour tromper les pécheurs. Pareillement l’abbé Abbaudus (voir ce mot) affirme que le corps même du Christ est réellement brisé dans l’hostie par les mains du prêtre. Mais les explications défectueuses ou équivoques deviennent de plus en plus rares ; la terminologie se fixe, et les arguments, qui un jour seront classiques, revêtent déjà une lorme presque définitive. Cette con troverse, dit C. Schmidt, Précis de Vldstoire de l'Église d’Occident pendant le moyen âge, Paris, 1885, p. 77, « marque l’avènement de la théologie scolastique. » Cf. F. Bonifas, Histoire des dogmes de l'Église chrétienne, Paris, 1886, t. ii, p. 263.

Dans la littérature eucharistique suscitée par l’hérésie de Bérenger, on avait touché à la notion du sacrifice de la messe. Non seulement on attribua au Sauveur d’avoir ordonné de se rappeler sa mort, mais on chercha, beaucoup plus que par le passé, la représentation de la mort du Christ dans les mêmes actions liturgiques qui avaient eu lieu à la cène, et qui semblaient atteindre son corps ; par là, « un progrès avait été accompli. » Vacant, dans L’université catholique, nouv. série, Lyon, 1894, t. xvi, p. 372. S’il n’est pas sûr que l'élévation de l’hostie et du calice après la consécration ait été introduite pour protester contre l’erreur de Bérenger, il est probable que cette pratique se rattache au mouvement eucharistique dont Bérenger fut l’occasion. Sur le bérengarianisme et la Fête-Dieu, cf. G.-M. Brossier, L’archidiacre Bérenger et l’institution de la Fête-Dieu, dans la Revue des provinces de l’Ouest, Nantes, 1857, t. v, p. 86-91. Peut-être la fameuse procession d’Angers, connue sous le nom de « sacre » , remonte-t-elle à la même origine. Cf. J. Corblet, Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de l’eucharistie, Paris, 1886, t. il, p. 392. Enfin, une coutume exista, après le temps de Bérenger, dont l’explication se trouve dans le retentissement de ses doctrines et dans le blâme qu’elles excitèrent : de grands personnages, des évêques, des docteurs firent, aux approches de la mort, une profession de foi catholique, particulièrement explicite sur le dogme de l’eucharistie. Ct. Acta satuiorum, octobris t. iii, p. 504-508.

I. ŒuvnES. — Elles n’ont pas été recueillies ensemble. Ont été publiés : par d’Achéry, dans son édition des Œuvres de Lanfranc (1648), reproduite par Migne, deux lettres de Bérenger, l’une à Lanfranc, la deuxième à Ascelin, P. L., t. CL, col. 63, C6, et les fragments du 1. I du De sacra cœna de Bérenger intercalés par Lanfranc dans son De corpore et sanguine Domini, P. L., t. cl, col. 407-442 ; par d’Achéry encore, dans le Spicilegium, t. H, p. 510, une lettre au moine Bichard, familier du roi Henri I" ; par Mabillon, Acta sanct. ordinis S. Benedicti, sœc. VI, part. I, p. xvii, des fragments d’une lettre au trésorier de Saint-Martin de Tours ; par Martène et Durand. Thésaurus nuvus anecdotorum. Paris, 1717, t. i, col. 191-195, une lettre ad quosdam ereniitas, et col. 195-196, une lettre de dissidw quodam inter clericos et episcopum ; t. IV, col. 103-109, un opuscule sur les formules jurées aux deux conciles de Rome de 1078 et de 1079 ; col. 109-113, des fragments de la lettre à Adelman ;. col. 115-116, la belle prière à Jésus Juste judex Jesu Christe ; par les soins de Neander et à la librairie Visher, ; 'i Berlin, en 1834, Berengarii Turonensis opéra quse supersunt tam édita quam inedita, t. i (le seul paru). De sacra cœna adversus Lanfrancum liber posterior (le premier, Lessing avait signalé l’existence de ce manuscrit et l’avait utilisé dans son Berengarius Turonensis oder Ankùndigung eines wicluigen Werkes desselben, Braunschweig, 1770) ; par H. Sudendorf, dans Berengarius l’urone>tsis oder eine Sammlung ihn bettrefender Bviefe, Hambourg, 1850, diverses lettres ; par M. E. Bishop, dans UôrresGesellschaft, Historisches Jahrbuch, Munster, 1880, t. i, p. 275, une lettre à Eusèbe Brunon. Sur divers écrits attribués à Bérenger, cf. Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 2e édit., t. xiii, p. 174.

II. Sources anciennes.

I. du temps de bére.ygsr. — 1* Lettres. — Lettres à Bérenger : d’Hugues de Langres, P. L., t. cxlii, col. 1325-1334 ; d' Adelman de Liège, plus tard évêque de Brescia, P. L., t. cxliii, col. 1289-1296 (incomplète dans Migne, publiée intégralement par Sclimid ; cf. Hefele, Conciles, trad. franc., t. VI, p. 322, note) ; d' Ascelin le Breton, P. L., t. c., col. 67-68 ; de Frolland de Senlis, P. L., t. CXLIII, col. 1369-1372 ; d’Eusèbe Brunon, P. L., t. cxlvii, col. 1201-1204 (texte fautif, cf. Delarc, Saint Grégoire VU, t. ii, p. 302-304, note). — Lettres relatives à Bérenger : de Théoduin de Liège, P. L., t. cxlvi, col. 1439-1442 ; de Lanfranc, P. L., t. cl, col. 516 (compléter par Giles, Beati Lanfranci opéra, Oxford, 1844, t. I, p. 27), et col. 543-545 ; de Grégoire VII, P. L., t. cxlviii, col. 506 ; de Gozechin, ancien écolàtre de Liège, P. L., t. cxliii, col. 885-908 ; da