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BERNARD (SAINT)

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scandale, et comment échapper au reproche de me contredire moi-même ? » L’abbé de Clairvaux commence par se justifier du reproche d’intolérance ; il fait 1 éloge de toutes 1rs communautés religieuses, notamment de Clunv. et prend à partie les membres de son ordre qui jetaient imprudemment le discrédit sur les moines noirs. Après avoir ainsi infligé aux « pharisiens » de Citeaux une leçon dans laquelle Pierre le Vénérable eût reconnu ses propres pensées, il se sent plus à l’aise pour signa-I i et censurer les dérèglements de l’ordre bénédictin. Son blâme porte sur la nourriture, le vêtement, le luxe des équipages. Il s’en prend même au style et à la décoration des églises. Les représentations figurées lui paraissent un hors-d’œuvre dans les monastères. A plus forte raison proscrira-t-il la sculpture symbolique. De là l’invective fameuse qui commence par ces mots : « Dans les cloîtres, sous les yeux des frères occupés à lire, à quoi bon ces monstres ridicules, ces belles horreurs, ces horribles beautés ? A quoi bon ces singes immondes ? ces lions farouches ? ces centaures monstrueux ? ces êtres demi-humains ? » etc. Apologia, n. 29. « Si vous n’avee pas honte de ces inepties, ajoute-t-il, ayez au moins îionte des dépenses qu’elles vous causent. » C’est sur cette dernière réflexion que Bernard clôt ses critiques.

Traclalus (Episl., xlii) ad Henricum, Senonensem archiepiscopum, de moribus et officio episcoporum, écrit vers 1127. P. L., t. CLXXXll, col. 809 sq. — Après avoir vécu quelque temps à la cour dans la dissipation, Henri s’était retiré dans son diocèse, à l’instigation de Geoffroy de Chartres, pour y vaquer aux devoirs de sa charge. L’abbé de Clairvaux, profitant de cette circonstance, lui adressa une lettre où il préconise les qualités des bons évêques. Entre toutes les vertus qu’il lui recommande, la chasteté, la charité’et l’humilité sont au premier rang. L’humilité est le fondement des autres vertus, elle « les reçoit, les conserve et les consomme » , Humilitas virtutes alias accepit… servat acceptas… se, raïas consummat. C. v, n. 17. Bernard, qui excelle dans la satire, stigmatise avec vigueur l’ambition des évéques, leur luxe et leur amour de l’indépendance. Il insiste sur le devoir qu’ils ont de se soumettre à Rome. Le gallicanisme commençait à poindre ; l’abbé de Clairvaux le combat. « Si vous, dit-il, malgré votre dignité, vous rendez vos devoirs aux successeurs de César, c’est-à-dire au roi, en assistant assidûment à sa cour, à ses conseils, à ses affaires, à son ost, pourquoi serait-il indigne de vous de paraître, vis-à-vis du vicaire du Christ, quel qu’il soit, dans la dépendance que l’antiquité a établie entre les Églises ?… Que ceux qui vous dissuadent de subir ce qu’ils appellent cette ignominie apprennent ce que c’est que de résister à l’ordre de Dieu. » C. viii, n. 31. Henri devait apprendre plus tard quelle était l’autorité de l’Kglise romaine, car il fut frappé de suspense par Innocent II. Mais en 1140, il était rétabli dans sa dignité. Ce fut lui qui présida le concile de Sens où fut condamné Abélard.

Traclatus de gratia de libero arbitrio, composé vers 1127, P. L., t. clxxxii, col. 1001 sq., et adressé, comme VApoloyia, à Guillaume de Saint-Thierry. Mabillon, dans son Admonilio, fait de cet opuscule un éloge extraordinaire. Nous aurons l’occasion d’en donner une analyse succincte, quand nous examinerons la doctrine di’l’abbé de Clairvaux sur la justification et la prédestination.

De laude novse militiee ad milites Templi, P. L., t. CLXXXII, col. 921 sq., adressé à Hugues de l’avns (canton de Troyes), fondateur et premier maître de ) ordre des Templiers. Cet ordre avait pris naissance en 1119 ; après neuf ans d’existence, il ne comptait encore que neuf membres. Le concile de Troyes (1128) lui donna ses encouragements. Hugues sollicita l’appui de l’abbé de Clairvaux, en même temps que l’approbation de Rome. La règle des Templiers fui des luis ébauchée.

Un peu plus tard, entre 1132 et 1136, Bernard adressa à Hugues son traité De lande novae mililise. Il fait l’éloge de la nouvelle chevalerie » et en prend occasion de critiquer la chevalerie ancienne, « la chevalerie du siècle. » Tout diffère entre elles, le costume, la vie et les mœurs, tout, jusqu’à la mort même. Tout ou presque tout est blâmable chez les chevaliers du monde, tout est louable chez les Templiers. Non content de louer la vie pieuse de ces derniers, que gouverne une règle sage, Bernard justifie l’usage de la guerre. Il n’y a pas de loi qui interdise au chrétien de frapper du glaive. Ce qui est défendu c’est la guerre inique, c’est surtout la guerre entre chrétiens. « Tuer les païens serait même interdit, si on pouvait empêcher de quelque autre manière leurs corruptions et leur oter les moyens d’opprimer les fidèles. Mais aujourd’hui il vaut mieux les massacrer, afin que leur épée ne reste pas suspendue sur la tête des justes. » Ibid, c. 111, n. 4, col. 924. « Ils peuvent combattre les combats du Seigneur, ils le peuvent en toute sécurité, les chevaliers du Christ. Qu’ils tuent l’ennemi ou meurent eux-mêmes, ils n’ont à concevoir aucune crainte ; subir la mort pour le Christ ou la donner, loin d’être criminel, est plulot glorieux. Le chevalier du Christ tue en conscience et meurt Iranquille ; en mourant il travaille pour lui-même ; en tuant il travaille pour le Christ. Ce n’est pas sans raison qu’il porte un glaive ; il est le ministre de Dieu pour le châtiment des méchants et l’exaltation des bons. Quand il tue un malfaiteur il n’est pas homicide, mais (excusez le mot) malieide, et il faut voir en lui le vengeur qui est au service du Christ et le défenseur du peuple chrétien. La mort des païens fait sa gloire parce qu’elle est la gloire du Christ ; sa mort est un triomphe, parce qu’elle l’introduit au séjour des récompenses éternelles. » Ibid. Après avoir développé sa thèse, l’abbé de Clairvaux termine son ouvrage par des considérations morales sur les lieux saints, sur le Temple, où résidaient les nouveaux chevaliers, sur Bethlébem, sur Nazareth, sur le mont des Oliviers et la vallée de Josaphat, sur le Jourdain, sur le lieu du Calvaire, sur le saint sépulcre, sur Bethphagé el enfin sur Béthanie, « le castel de Marie et de Marthe, où Lazare fut ressuscité. »

Epistola scu dialogus super Antiphonarium cistercieiisis ordinis. P. L., t. clxxxii, col. 1121. — Le chapitre cistercien avait chargé, vers 1132, l’abbé de Clairvaux de réformer le graduel et l’antiphonaire dont l’ordre se servait. Vu ses nombreuses occupations, il eût été difficile au saint abbé de mener seul à bien cette grave entreprise ; mais il sut s’adjoindre des collaborateurs d’une science éprouvée, et c’est à eux qu’il faut attribuer le traité De vanta, qui porte son nom dans plusieurs éditions de ses œuvres. L’abbé de Clairvaux se contenta d’y joindre une préface sous forme de lettre et d’en recommander la transcription exacte dans toutes les maisons de l’ordre. Mais c’est à tort qu’il blâme, dans cetle lettre, comme profondément altéré el entaché de fautes grossières, l’antiphonaire de Metz, que ses collaborateurs avaient consulté. Voir sur ce point Vacandard, Vie de saint Bernard, 2< ou 3e édit., t. 11, p. 104-107.

Officium de sancto Victore. P. L., t. ci.xxxiir, col. 775-780, col. 371-376. Date incertaine. — L’abbé de Montiéramey sollicita de l’abbé de Clairvaux un oiïco de saint Victor, confesseur, l’un des patrons de son monastère. Voici comment Bernard concevait la missimi qui lui était confiée : « Dans les solennités religieuses, ce qu’il faut entendre, ce ne sont pas des nouveautés ni des œuvres composées à la légère, mais des choses authentiques et recommandables par leur antiquité, qui édifient l’Église et sentent la gravité ecclésiastique…

Que le chant même, s’il y en a, soif plein de gravité, qu’il ne seule ni la mollesse, ni la rudesse. Suave sans être léger, qu’il ne charme les oreilles que pour émou-