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BIEL — BIEN (LE]


thèses thomistes avec les conceptions du réformateur, et il faut reconnaître que plus d’une affirmation du théologien de Tubingue sur ce que Dieu aurait pu accomplir ressemblent singulièrement à des propositions protestantes : Luther donne pour réel et vrai ce que Biel déclarait possible. Mais les historiens qui ont essayé de présenter Biel comme un précurseur de la réforme ont fait fausse route et tenté l’impossible. Wigand Liiel, De Gabrielo Biel, celeberrimo papista anti/l’i/iista, Wittemberg, 1719 ; Moser, Vitse professorum Tubingensium, ordinis theologici, dccas prima, Tubingue, 1718.

Sur la vie, les œuvres, la doctrine, voir Linsenmann, Gabrit’Biel und die Anfànge der Universitàt : u Tûbingen, dans Theologische Quartalschrift, 1865, p. 195-226 ; Gabriel Biel, der letzte Scholastiker und der Nominalismus, iliid., p. 449-481, 601-076. Cette étude très soignée a été résumée par l’auteur dans Kirchenlexikon, art. Biel, 2e édit. Fribourg-en-Brisgau, 1883, t. ir. col. 804-808. Voir aussi Tschackert, art. Biel, dans Realencyclopâdie, 3e édit., Leipzig, 1897, t. iii, p. 209 sq.

Sur l’ensemble de la doctrine de Biel, en dehors de Linsenmann et du curieux ouvrage de Wigand Biel cité au cours de l’article, voir un résumé du Collectorium, dans VVerner, Die Scholaslik des spàteren Mittelalters, Vienne, 1887, p. 262-296. Les manuels d’histoire du dogme de Schwane, Harnack, Loofs, citent quelques textes de Biel. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengesehichte, Erlangen et Leipzig, 1898, t. ii, lui fait une large place. La doctrine de Biel sur des questions particulières est exposée dans les traités dogmatiques des théologiens catholiques, comme aussi dans des monographies consacrées à l’histoire d’un dogme spécial : Thomassin, Consensus sc/iola ? de gratia, tr. II, part. II, i). 24, Dogmata théologien, Paris, 1870, t. vi, p. 194 sq. ; Renz, Vie Geschichte des Messopferbegri/fs, Freising, 1901, t. I, p. 809 sq. ; Ritschl, Geschichtliche Studien zur christlichen Lehre von Gott, dans Jahrbûcher fur deutsche Théologie, t. x, fasc. 2, p. 316 sq. ; Hermann Schulz, Ver sittliche Begriff des Verdienstes. Theologische Studien ami Kritiken, 1894, p. 304 sq.

Sur les sermons de Biel, voir Plitt, Gabriel Biel als Prediger, Erlangen, 1879.

C. Ruch.

    1. BIEN (Le)##


1. BIEN (Le). — I. Notions préliminaires. II. Dans la période philosophique et patristique. III. Dans la période scolastico-thomiste. IV. Dans la période scolastique, postérieure à saint Thomas.

I. Notions préliminaires.

Le mot bien a dans la langue théologique trois significations principales : il signifie : 1° le bien ontologique regardé communément comme une propriété de l’être ; 2° le souverain bien de l’homme ; 3° le bien moral. Nous avons traité de la deuxième de ces acceptions au mot Béatitude ; la troisième se rapporte au mot Moralité. Nous ne nous occupons dans cet article que du bien ontologique.

On peut l’envisager au point de vue historique et au point de vue doctrinal. — L’histoire de la notion du bien comprend trois périodes : la période philosophique et patristique, où s’élabore la doctrine ; la période scol.islico-thomiste, où elle se fixe et se synthétise, grâce principalement à saint Thomas ; la période scolastique postérieure à saint Thomas, où l’on discute quelques points spéciaux de la synthèse thomiste qui, dans son ensemble, reste la doctrine généralement admise. — La doctrine théologique du bien comprend trois grandes questions : 1° du bien en soi ; 2° du bien en Dieu ; 3° du bien dans les créatures. Relativement au bien en soi trois problèmes sont agités : 1. Le bien est-il identique avec l’être ? 2. Notion du bien en soi ; 3. Les espèces du bien en soi. Relativement au bien en Dieu trois questions également : 1. Dieu est-il bon ? 2. Dieu est-il le bien suprême ? 3. Est-il le bien par essence’.' Relativement au bien dans les créatures, trois questions principales : 1. Sont-elles bonnes ? 2. Quel est leur rapporl avec leur bien suprême ? 3. Le bien et le mal.

Os diverses questions sont abordées séparément chez

saint Thomas et les scolastiques, systèmes faits. Dans

stèmes antérieurs, systèmes en devenir, mais ne

pourrions les traiter à part s ; ms morceler et rendre

inintelligible la pensée des auteurs. Cette difficulté se rencontre surtout dans les systèmes d’inspiration platonicienne, où, la seule distinction admise pour les idées en soi étant la séparation ontologique, la question du bien en soi se confond avec celle de Dieu, le bien subsistant. Dans l’exposé de la première période nous devrons donc nous servir des neuf points de vue mentionnés, plutôt comme d’un questionnaire destiné à diriger notre travail que comme d’un cadre explicite. Nous les développerons au contraire selon leur ordre logique dans l’exposé de la seconde et, autant que faire se pourra, de la troisième période.

IL Première période, philosophique et patristique.

— La notion du bien, arrêtée par saint Thomas, synthétise trois courants doctrinaux qui embrassent la totalité de l’histoire philosophique et théologique antérieure : 1° les doctrines antiques, représentées par Platon et Aristote ; 2° les doctrines néoplatoniciennes tant de philosophes que de certains Pères alexandrins ; 3° les doctrines traditionnelles, fondées principalement sur la sainte Ecriture et communes à l’ensemble des Pères, auxquels il faudra ajouter les hérésies et les décisions canoniques.

I. DOCTRINES DE PLATON ET D’ARISTOTE. — 1° Platon. — Quoique la doctrine platonicienne du bien n’ait été connue de saint Thomas que par l’intermédiaire d’Aristote, Metapli., 1. I, c. vi, ix ; 1. II, c. vi ; 1. VI, c. xiv, xv, édit. Didot, il est nécessaire d’en rappeler les points principaux, à cause de son influence sur les doctrines alexandrines et patristiques. Nous en trouvons les éléments essentiels dans le Philèbe, la République et le limée.

Dans le Philèbe, d’ailleurs consacré à la recherche du bien moral et du souverain bien, le bien est défini comme « parfait » , TeXsùjTatov, « se suffisant à lui-même, et, l’emportant par là sur tout ce qui est » (commencement de la doctrine de l’antériorité du bien sur l’être), « comme l’objet que tout ce qui le connaît recherche, désire, veut saisir et posséder, au point de n’avoir cure que de ce qui est achevé par les biens » (antériorité du bien sur l’être dans l’ordre de la finalité). Phileb., p. 20, 1. 10-20 ; édit. Didot, t. i, p. 405. « Le bien ne peut être circonscrit par une seule idée ; il en exige trois : la beauté, la mesure et la vérité ; ces trois choses, considérées comme n’en faisant qu’une, sont la véritable cause du mélange (d’objets qui procurent la vie désirable), constituant le souverain bien, et cette cause étant bonne, par elle le mélange est lion. » Ibid., p. (55, 1. 20-25 ; p. 430. Ce n’est cependant ni le beau, tô <rj[j.u.sTpov xoù xaXriv, ni le vrai, voû ; xal çpôvr)uiç, qui sont le premier bien, TàfaOôv, mais bien la mesure, àXXi 71pwTov (xsv tit ; TtepÉ |xérpov xai t’o uirpiov, xa xaiptov xa roivO’Ô7tô<ja TotaOra ypri voupsiv rr, v àiStov -^p^aBat ç-jtriv, seul attribut qui convienne à une nature éternelle. Le beau est le second bien, l’intelligence le troisième. Ibid., p. G6, 1. 5-35 ; p. 440.

Quoi qu’il en soit de l’antériorité chronologique du Philèbe sur la République (cf. P. Tannery, Sur l’exégèse platonicienne, dans la Revue philosophique, novembre 1898, p. 519), c’est dans ce dernier ouvrage que nous trouvons l’exposition complète, au point de vue métaphysique, du bien. Socrate commence par constater l’existence de nombreuses choses belles et bonnes. De là il s’élève au beau et au bien, idéals auxquels nous rapportons ces choses belles et bonnes, celles-ci objet de la vision, ipâTÙai cpâuev, celles-là de l’intelligence et non de la vision, voeïo-Oai |.ùv, ôpî<76ac ô’o’j’- Civitas, VI, p. 507, 1. 24-40 ; édit. Didot, t. il, p. 120. Or, la vue est unie à son objeï par un lien d’une très haute valeur, la lumière du soleil. L’œil donc ressemble au soleil, puisqu’il lui emprunte la faculté’de voir, laquelle découle, pour ainsi dire, de l’un à l’autre. Et, de plus, le soleil, qui n’est pas la vue

mais t-il est le principe, est aperçu par elle. Civitas, VI,