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T.IEL


moyen de remédier à l’insuffisance du rite. Ibid., dist. VI, q. I.

11. Eucharistie. — Sur la présence réelle, la transsubstantiation, la communion sous les deux espèces, l’adoration due à la sainte hostie, Biel professe la plus pure doctrine. Il décrit avec complaisance les effets du sacrement. Sacr. can. mis., lect. lxxxv, lxxxvi, fol. 136 sq. ; Collect., 1. II, dist. XIII, q. il. Sur les questions d'école, il s’attache d’ordinaire aux théories d’Occam ou de Scot ; souvent il ne les admet qu’en taisant des réserves, parfois même, il les expose sans oser conclure. Il admet la présence dans l'être sacramentel de l'étendue dont Jésus jouit dans le ciel, mais les choses se passent comme si elle n'était pas sous les espèces : le corps eucharistique étant présent tout entier dans chaque partie de l’hostie. Collect., 1. IV, dist. X. Quand le prêtre déplace les espèces, l'àme du Christ ou Dieu imprime un mouvement semblable au corps du Seigneur, ibid. ; c’est encore l’activité divine qui produit immédiatement tous les effets qui paraissent être l'œuvre des accidents de la substance du pain disparue. L. IV, dist. XII, q. i.

L’eucharistie n’est pas seulement un sacrement, elle est un sacrifice. Sans doute, l’unique immolation parlaite de la nouvelle loi, c’est la mort sanglante du Christ. Néanmoins à la messe, par la consécration et la communion nous offrons un sacrifice, et cela pour deux raisons : d’abord, parce que ces deux rites représentent la passion et en stml le mémorial ; ensuite, parce qu’17s produisent les mêmes effets que la mort du Sauveur. A l’autel, même prêtre et même victime qu’au Calvaire, et, comme la rédemption, la messe efface les péchés, accorde la paix, unit à Dieu, évidemment à cause des mérites de la passion. C’est surtout le sang qui est un mémorial du Calvaire, le corps du Christ est plutôt un symbole d’union, un souvenir de l’incarnation. Le vin consacré rappelle mieux la mort sanglante ; et ce qui rend plus vivant encore cette représentation du sacrifice du Calvaire, c’est que le sang est consacré isolément dans la coupe, de même qu’autrefois il a été séparé du corps du Sauveur. Sacr. can. mis., lect. iii, fol. 99 ; lect. lui, fol. 101 sq. ; lect. lxxxv, fol. 136 sq.

12. Pénitence. — Ce sacrement n’a pas pour effet de remettre les fautes mortelles : si le pécheur se repent de tous ses péchés parce que Dieu est sa fin dernière, il obtient son pardon aussitôt ; s’il ne le fait pas, eùt-il l’attrition, il reçoit sans fruit l’absolution. Le sacrement est donc institué pour donner à l’homme un gage assuré du pardon qu’il a déjà obtenu, pour lui remettre sa faute devant l'Église, pjur lui accorder un accroissement de grâce sanctifiante, enfin, pour lui obtenir, par l’imposition de la pénitence, condonation au moins partielle de la peine temporelle qu’il lui faut encore expier. Il consiste donc essentiellement dans l’absolution par laquelle le prêtre déclare au fidèle que déjà Dieu l’a absous. Cette sentence doit être précédée de l’aveu des fautes. Instituée par Jésus-Christ et imposée par lui, sous peine de damnation, à tout adulte coupable <le péché mortel, la confession intègre remet une partie de la peine temporelle, a le mérite d’un acte d’obéissance, instruit le fidèle et permet au prêtre de lui choisir une satisfaction convenable. Ce dernier acte est ordinairement nécessaire. Dieu, sans doute, aurait pu ne pas l’exiger. Mais, en fait, il a décidé qu’il ne remettrait pas la laute sans demander une réparation. Parfois, l’acte de charité, tant il est intense, est, à lui seul, cette satisfaction ; d’ordinaire, cependant, il n’en est pas ainsi. Collect., dist. XIV, q. i ; dist. XVI, q. I, il ; dist. XVII, q. i ; dist. XVIII, q. i.

Biel professe la doctrine catholique sur les suffrages pour les âmes du purgatoire et sur l’indulgence. Tout d’abord, faute de preuve convaincante, il n’osait pas affirmer que cette dernière put être appliquée aux dé

funts ; un texte de Sixte IV mit fin à son hésitation. Snrr.

can. mis., lect. lvi, LVH, fol. 108 sq.

13. Morale. — La volonté souveraine de Dieu, telle est la règle première et unique de la moralité. Un acte est juste s’il le veut. Collect., 1. I, dist. XLIII. q. I, etc. Ainsi, le mensonge ne serait pas un péché si Dieu abrogeait l’ordre de ne pas le commettre. L. II, dist. XXXVIII. Biel insiste sur la nécessité de la liberté, elle est la gloire de l’homme, la condition du mérite. L. II, dist. XLIV. Il pense qu’il y a des actes indifférents, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel. Cette distinction lui sert à établir, contre les augustiniens de l'époque, que toutes les œuvres des pécheurs ne sont pas des fautes, toutes les vertus des philosophes des vices. L. II, dist. XLI.

Dans la solution des cas de conscience, Biel d’ordinaire ne se montre ni rigoriste, ni laxiste, mais fait preuve d’un grand bon sens. Il étudie avec une extrême attention les plus graves problèmes sociaux et politiques, le droit de propriété, la légitimité de la guerre, l’origine du pouvoir, les conditions de l’impôt vraiment juste, les devoirs des magistrats, la licéité du négoce, les avantages de la monnaie et les obligations de ceux qui la frappent, le taux du juste salaire, la question du prêta intérêt. L. IV, dist. XV, q. n-xi. Ce n’est pas seulement en moraliste, mais aussi en économiste qu’il envisage ces sujets. Il ne manque pas une occasion de protester contre l’absolutisme. Il flétrit en termes très énergiques la mainmise sur les épaves, les altérations de la monnaie, les impôts excessifs, mal répartis ou insuffisamment motivés, les frais abusifs de justice, les atteintes portées par les princes aux droits de pêche, de chasse, de pâturage, de jouissance du communal, etc. Les idées politiques et sociales de Biel sont dignes du plus haut intérêt. Boscher, Geschichte der Nationalôkonomik in Deulschland, Munich, 1874-, p. 21. sq. ; Janssen, L’Allemagne à la fin du moyen âge, Paris, 1877, p. 169170, 476.

IV. Influence.— VVendelin Steinbach, fidèle disciple de Biel, professa les idées de son maître, à Tubingue ; Jean Eck commenta le Colleclorium à Fribourg. Les nombreuses éditions des ouvrages de Biel témoignent qu’il fut lu et goûté. Peut-être aurait-il exercé une influence durable, si le déclin de la scolastique, l’abandon des discussions de l'école pour les controverses, n’avaient précipité la chute du nominalisme. La néoscolastique n’essaya pas de le relever ; au reste quelquesunes des thèses de Biel, sans avoir été visées, avaient, de fait, été atteintes par des affirmations du concile de Trente. Toutefois, le théologien de Tubingue a gardé l’estime des docteurs catholiques. Ils le combattent en termes respectueux et quand ils veulent faire connaître l’opinion des nominalistes, ce sont ses thèses qu’ils exposent de préférence. Au xixe siècle, Kranzelin, Palmieri, Mazzella, Stentrup, etc., le citent encore. Il semble qu’il soit le représentant authentique du nominalisme bon teint qu’on daigne, à l’occasion, discuter.

Luther connaissait très bien les écrits de Biel ; il les savait par cœur, dit-on. Kuhn, dans Encyclopédie des sciences religieuses, art. Luther, Paris, 1880, t. viii, p. 440. Il déclare que le livre sur le canon de la messe est le meilleur que possèdent les catholiques. Tischreden, c. xxvii, n. 144, édit. Walch, Halle, 1743, t. xxii, p. 1413. Les doctrines de Biel ont-elles préparé les erreurs protestantes ? Le respect que le professeur de Tubingue témoigne à l'Église le met en opposition formelle avec le réformateur de Wittemberg ; le système du théologien catholique et celui de Luther sont tout à fait différents. Et néanmoins, si on les compare de pus, on doit avouer que les théories de Biel sur la volonté de Dieu, la faiblesse de la raison, la nature de la justification, la causalité des sacrements, l’efficacité de la pénitence, sont beaucoup moins en désaccord que les