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BIEN (LE)


cendanfaux et l'être « ne identité « quidditative » , et veut que la contenance du bien par exemple dans l'être soit une contenance « virtuelle » , c’est-à-dire que tout être ait la propriété de faire dimaner de soi le bien. Ibid., IQuantum ad attributuni.

Si l’on compare cette opinion à celle de saint Thomas, on trouvera un point de contact et une divergence. Suint Thomas n’admet pas plus que Scot l’identité quidditative, représentée selon Scot par l’identité de l'être avec les modes d'être ou prédicaments ; il distingue la raison de bien de celle d'être comme Scot ; il identifie non pas leur raison ou quiddité, mais leur sujet réel, disant qu’il n’y a qu’une seule réalité qui en elle-même est l'être, tout en donnant prise à l’appétition, sous la raison de bien. Saint Thomas se place au point de vue de la réalité quasi physique et non purement objective et conceptuelle comme Scot. D’où la divergence. Scot trouvant, comme saint Thomas, une raison conceptuelle différente dans le bien et l'être, refuse d’identiiier les deux termes. Mais il est évident qu’il les identifie au fond, puisqu’il donne à l'être la vertu de dimaner le bien. Seulement, ici comme partout, suivant en cela l’idée platonicienne, il conçoit la synthèse du bien et de l'être à un point de vue causal, tandis que saint Thomas, suivant les vues aristotéliciennes, ne craint pas d’opérer la conciliation sur le terrain de l’immanence ontologique, estimant qu’une réalité éminente comme l'être peut être, à la l’ois, une en soi, et virtuellement multiple, en tant qu’elle fonde les rapports que d’autres êtres auront avec elle.

2. Relativement à la notion même du bien, Durand de Saint-Pourçain tient que le bien est, non pas absolu (comme Scot et saint Thomas), mais essentiellement relatif. C’est un rapport de convenance, non pas à l’appétition en général, mais à l’appétition d’un sujet déterminé. Le vin est bon, par exemple, parce qu’il convient à l’homme en bonne santé ; il est mauvais pour le malade, etc. In 1 V Sent., 1. II, dist. XXXIV, a. 1, Lyon, 1536, p. 162. — Vasquez admet dans les choses une double bonté : l’unerelative, pourlaquelleil reprend la doctrine de Durand, en insistant sur ce point que cette relation, réelle dans les créatures, n’est qu’une relation de raison en Dieu ; l’autre absolue, qu’il fait consister dans « l’intégrité » immanente des choses. Disp. XXIII, c. iii-vm, Venise, 1608, t. i, p. 100-102. — Suarez admet, lui aussi, une double bonté dans les choses : une bonté absolue qui est l'être lui-même considéré comme parfait ; ce n’est pas une propriété, c’est un aspect différent de l'être ; et une bonté qui, sans être relative à un terme opposé (comme chez Durand et Vasquez), cependant le connote et l’exige comme corrélatif. Metaph., disp. X, sect. i, n. Il sq., Opéra omnia, Paris, 1877, t. xxiv, p. 331 sq. — Petau embrasse l’opinion de Durand, qu’il déclare antiquissinia, il combat la définition du bien d’Aristote, et la dérivation du bien de l'être par l’intermédiaire de l’idée du parfait, telle que l’avait conçue saint Thomas. Les preuves tirées de la sainte Écriture, de Platon, de saint Augustin, apportées par Petau, témoignent d’une confusion dans son esprit entre la question du bien en général et celle du bien dans les créatures. Dogm. theol., Paris, 18(54, t. I, p. 490-49L Saint Thomas n’a jamais nié que le bien créé consistât dans l’intégrité des causes, principes et éléments des créatures, in modo, specie et ordine, mais ce n’est pas dans cette intégrité selon lui qu’est la raison même du bien tant créé qu’incréé, mais dans la finalité active. La doctrine de saint Thomas est défendue dans son intégrité contre ces diverses opinions par les commentateurs thomistes, spécialement Jean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, in ! "<, q, v, vi, Paris, 1883, I. i, p. 658-666.

'A. Relativement à l’extension de la notion <iu bien à tous les cires crées, nous relevons plusieurs discussions.

— La matière première, selon Suarez, n’est pas seulement bonne en puissance, mais en acte (contre saint Thomas, Suni. theol., I » , q. v, a. 3, ad 3 nm). Suarez, Metaph., disp. X, sect. iii, n. 21, Grenoble, 1036, p. 172. Ce point de vue a son origine dans la doctrine de Suarez sur l’actualité d’existence de la matière première. 11 est discuté par Jean de Saint-Thomas, loc. cit., p. 673678. — Les nombres et les figures mathématiques, selon Vasquez, sont une bonté, sinon la bonté relative à l’appétition, du moins la bonté absolue qui consiste dans l’intégrité des choses. InSum. D. T/i<>m ; e, q. v. a. 3, Venise, 1608, t. i. p. 105. L’opinion de saint 1 bornas sur ce point est exposée spécialement par Cajetan dans son commentaire sur ce même article, et détendue contre Vasquez par Jean de Saint-Thomas, lac. cit., p. 67868't. Au même lieu, p. 681-685, Jean de Saint-Thomas examine l’extension de la notion du bien aux êtres possibles, aux maux et aux relations intra-trinitaires.

Dieu bien par essence.

La discussion porte sur

ce point : Etre bon par essence est-ce une propriété de Dieu, au point de ne convenir qu'à lui seul et nullement aux créatures ? Il ne s’agit évidemment pas de prêter aux créatures une bonté essentielle inconditionnée comme en Dieu. Mais, en supposant créée la bonté des créatures, il reste à savoir si l’on ne peut pas soutenir que la bonté leur est essentielle et non accidentelle, en ce sens que leur bonté découle de leur être comme sa propriété. Saint Thomas tient que la bonté identique à l'être ne saurait lui être accidentelle ; mais c’est pour lui une bonté imparfaite, seeundum quid. Quant à la bonté totale synonyme de perfection, d’un être, simplicité)-, elle est accidentelle à la créature et substantielle en Dieu seul. C’est cette dernière assertion qui est l’objet de la discussion. Encore est-ce sur un point seulement ! Les trois perfections accidentelles de la créature sont, en effet, d’après saint Thomas, l'être d’existence, l’activité (puissances et opérations), enfin la raison propre de bien, qui achève la perfection d’un être en le constituant diffusif de soi, par mode de cause finale. Cf. plus haut col. 839. C’est la première de ces pertections, l’appartenance propre de l'être d’existence à l’essence, réservée à Dieu par saint Thomas, qui est seule mise en question, par Vasquez, In l* m Sum. theol., q. VI, disp. XXIV, c. ii, Venise, 1608, t. i, p. III ; Molina, ibid., q. vi, a. 3, disp. II, Lyon, 1622, p. 63 ; Valentia, ibid., punct. n um, etc., Venise, 1608, t. i, p. 119. Cette question n’est donc qu’une conséquence de cette autre question scolastique : L’essence est-elle réellement distincte de l’existence dans les êtres créés ? l’essence créée a-t-elle de soi une existence ? Cf. Jean de Saint-Thomas, In i am, q. vi, a. 3, i, disp. VI, a. 3, t. i, p. 685-692.

Conclusion. —Décisions canoniques fixaritla doctrine.

— 1° Relativement à l’attribution de la bonté à Dieu, Jean XXII condamne en 1329 la doctrine agnostique d’Eckart contenue dans sa 28e proposition : Deus non est bonus, neque melior, neque oplimus. lia maie dico, cum voco Deum bonum, ac si album vocarem nigruni. Denzinger, n. 465. — 2° Dans sa bulle Cantate Domino pour les Jacobites, Eugène IV condamne les manichéens et leur doctrine des deux principes. Il définit comme profession de foi de l'Église catholique : 1. que c’est par sa bonté que Dieu a créé toutes créatures, spirituelles et corporelles, Denzinger, n. 600 ; 2. que les créatures sont bonnes, ('tant l'œuvre du souverain Dieu ; 3. que le mal n’a pas de nature, vu que toute nature, en tant que nature, est lionne, ibitl. ; i. ((lie les créatures itanl toutes bonnes, leur usage est licite en soi, sans aucune distinction. Denzinger, n. 60'i. — 3° Le concile du Vatican, sess. III, const. De fide catholica, c. i, prononce : 1. que Dieu dans sa bonté, nec ml aii/uirendam sed ad nianifestandam perfeclionetn suam per bona qune creaturis impertitur, a librement créé toute créature, Denzinger, n. 1632 ; 2. que l'établissement