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BIENS ECCLÉSIASTIQUES

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certaines propriétés appartenant au corps des chrétiens. Il y a des cimetières, Eusèbe, II. E., 1. VII, c. xiii, P. G., t. XX, col. 673, 675, des lieux de culte proprement dits. Lampride, Vie d’Alexandre Sévère, 50, des maisons d’église. Eusèbe, op. cit., I. VII, c. xxx, col. 719. Les édits de tolérance (31 1 |, de Milan (313), de Tarse (313. sont formels : c’est au corps des chrétiens qu’appartiennent les biens.

Les basiliques fondées par Constantin ont un patrimoine spécial, destiné probablement à assurer le luminaire, Ducliesne, Liber pontificalis, t. i, p. cxlv, et tout à l’ait distinct de celui de la communauté. C’est le résultat de la reconnaissance officielle de la religion chrétienne, qui, en plus des dispositions du droit commun relatives aux collèges licites, jouit des privilèges accordés aux institutions religieuses. Dès l’époque païenne la consecratin ou dedicatio mettait à part les temples et leur matériel ; pour éviter de recommencer la cérémonie à chaque nouvelle acquisition de mobilier, on pouvait dédier avec le temple tout le matériel même à venir. Le temple ainsi consacré constituait donc une institution indépendante de tout groupement religieux. Cf. Bruns, Fontes, p. 260 sq. Il est tout naturel que la religion chrétienne devenue culte officiel au même titre que le paganisme, ait bénéficié de cette conception plus conforme d’ailleurs à la notion de l’Église que le système de la propriété collective. La lettre xiv, 14, de saint Grégoire le Grand, P. L., t. lxxvii, col. 1318, donne l’ordre de faire passer la niasse Aquas Salvias du patrimoine de l’Eglise romaine, dans celui de la basilique Saint-Paul. De Constantin à saint Grégoire le Grand, les basiliques romaines sont donc restées des institutions à patrimoine distinct de celui de l’Église elle-même.

Nous avons remarqué que l’établissement ecclésiastique est plutôt, par sa nature, une institution qu’une communauté, une fondation qu’un collège. Aussi, les empereurs envisagent-ils, de moins en moins, l’Église comme la collectivité des chrétiens, le venerabile concilium dont parle Constantin dans la loi de 321. L. I, Cod. I, ii, L’évolution se fait assez rapidement pour qu’au ve siècle, la législation civile ait conformé sa manière d’envisager les institutions ecclésiastiques à la réalité des choses : ce sont des universitates bonorum indépendantes des collectivités comme des individus qu’elles secourent ou abritent, ces derniers ne paraissent plus posséder à aucun titre la moindre parcelle du patrimoine des œuvres chrétiennes.

C’est ainsi que sous Justinien les monastères constituent des entités juridiques. Novelle v, c. v ; Novelle cxxiii, c. xxxviii ; Novelle lxxvi, præf. Mais dès 434, Théodose et Valentinien avaient promulgué une constitution dont les termes supposent aux monastères leur patrimoine, distinct de celui de l’Église. L. unie, Cod. théod., V, III. Au seul lit. n du 1.1 du Code nous trouvons trois lois (15, 16 et 17) qui supposent qu’avant même Justinien, les chapelles des martyrs, les oratoires des anges, les hospices ont la personnalité juridique, même (d’après la loi 15) avant leur construction. Les lois H), 20, 22, 23, 25, qui sont de Justinien, sont plus explicites encore, assimilent les venerabiles domus (établissements ecclésiastiques) aux villes, attribuent aux églises de campagne les legs faits à Jésus-Christ par les habitants du lieu, et les legs faits aux saints aux oratoires dont ils sont titulaires. La loi 48, au Code De episcopis et clericis, attribue de même à l’hôpital du lieu les legs faits aux pauvres.

La conclusion de tout cela, c’est que dans le dernier état du droit romain, sans que la loi civile intervienne dans la fondation des établissements ecclésiastiques, ces derniers ont la personnalité juridique. IN apparaissent tous sujets du droit de propriété qui appartient à l’Eglise, sans conteste.

La règle : Ecclesia vivit lege romana, devait laisser aux institutions ecclésiastiques des pays conquis par les barbares la capacité juridique que leur reconnaissait le Code théodosien. En réalité le droit germanique ne modifia en rien leur situation. C’est ce que montrent clairement pour la Gaule les documents mérovingiens, cf., dans les Monumenta Germanise lùslorica, Boretius, Capitularia regum francorum, t. i, p. 10-23 ; Pertz, Diplomata imperii, t. i, p. ii, n. Il ; p. 38, n. 41 ; p. 53, n. 60 ; p. 57, n. 61 ; p. 62, n. 70 ; p. 61, n. 73 ; p. 84, n. 91 ; p. 78-79, n. 89 ; p. 66-67, n. 75 ; et dans Pardessus, Diplomata. t. i, p. 81, n. 118, le testament de saint Remy de Reims.

Dans tous les documents de l’époque, non seulement les églises épiscopales, mais les églises d’un ordre inférieur, dont le testament de saint Remy en particulier fait mention expresse ; les monastères, même ceux qui, comme Saint-Denis, sont de fondation royale, cf. Havet, Questions mérovingiennes, v, Les origines de Saint-Denis, apparaissent jouissant d’une personnalité complète incontestée. En sorte qu’il est permis de conclure qu’en droit mérovingien comme en droit romain, la personnalité juridique n’est contestée à aucun des établissements qu’il plait à l’Église de fonder ou d’accepter. La question ne se pose même pas ; les rois sont sur ce point d’accord avec les conciles. Clichy, 627, IIIe de Paris, 556-573, et Ve, en 614. Voir, pour les détails, Bondroit, De capæilate possidendi Ecclesiæ, Louvain, 1900.

Dans la société féodale, le principe de la capacité des établissements ecclésiastiques est respecté. Les restrictions apportées aux acquisitions, et que nous étudierons à propos de la mainmorte, laissent subsister entière la personnalité juridique des églises, monastères, etc. ; ce n’est que la facilité d’acquérir certains biens qui est diminuée.

La même période féodale vit naître, nous l’avons vii, une nouvelle personnalité juridique ecclésiastique : le bénéfice, qui est un établissement recevant de l’évêque son existence propre au moment où ce dernier accepte ou constitue la dotation temporelle perpétuelle, et en attache à perpétuité les revenus à un office ecclésiastique déterminé. Le clerc pourvu de l’office perçoit les fruits et administre le fonds. Mais ce dernier constitue un établissement indépendant qui peut acquérir, aliéner, ester en justice, etc.

Dans l’ancienne France, les documents nous mettent, de plus, en présence d’une entité collective, qui, sans constituer un nouveau sujet juridique, est cependant revêtue, en matière de biens ecclésiastiques, d’une compétence spéciale. L’Église gallicane constitue un corps, un tout, régi par des lois ou du moins par des coutumes particulières. Les lettres de saint Grégoire le Grand en font mention expresse. Milii placet, dit le pape à saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, nt sive in Romana, sive in Gallicorum (dans Yves de Chartres, il y a gallicana), sive in gualibet Ecclesia aliquid invenisti i/nod plus omnipotenti Deo placcre possit, sollicite eligas. 10, dist. XII, Friedberg, col. 29. Alexandre III et Innocent III se servent de la même expression (Ecclesia gallicana), qui était du langage courant. Les biens ecclésiastiques s’appellent « biens du clergé » et constituent un patrimoine que le clergé, ordre de l’Etat, pris dans sa collectivité, a d’une certaine façon sous sa tutelle générale. L’assemblée du clergé, élue par le clergé du premier et du second ordre, règle avec le pouvoir civil les difficultés qui peuvent surgir en matière d’administration des biens d’Église. Ces assemblées se présentent donc à nous connue une administration collective supérieure, intervenant dans des questions qui, d’après le droit commun, étaient te la compétence de chaque bénéficier pour la simple administration, et de celle des évêques pour toutes les questions impor-I tantes. Il semble que les biens ecclésiastiques soient