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BIENS ECCLÉSIASTIQUES


d’une certaine faron à tout l’ordre du clergé, comme les biens de toutes les églises du monde sont à l'Église universelle, en même temps qu'à chaque institut religieux. Sans avoir une importance considérable, ce point était à signaler, pour donner une idée complète de l’organisation temporelle de l’Eglise à travers les siècles. L'Église d’Angleterre était organisée d’une manière analogue.

Il est bon de noter que certains évêchés, bien que situés en France et à la nomination du roi, n'étaient pas réputés du clergé de France, quant à l’administration temporelle. Tels étaient les Trois-Évêchés, Nancy, Saint-Dié, Saint-Claude, Strasbourg, Orange, les cinq évêchés de Corse. Il va sans dire qu’il faut mettre aussi à part l’archevêché d’Avignon, et ses trois suffragants du Comtat Venaissin.

Les législations modernes ont voulu préciser ce que l’existence légale de certains établissements ecclésiastiques avait de vague. Elles ont tait rentrer les institutions ecclésiastiques dans des cadres laits pour les établissements civils et conformes à l’idée purement humaine que le législateur s’est faite de la personne morale. En ce qui concerne la France, seuls constituent des personnes morales : les fabriques, les cures, les menses épiscopales, les chapitres cathédraux, les séminaires diocésains et les congrégations religieuses autorisées.

Il suffira de dire un mot, en terminant, de la formule souvent employée sous le régime du droit romain et du droit mérovingien : legs faits à Dieu, à Jésus-Christ, aux saints, aux pauvres. Il ne laut pas en conclure que la loi religieuse ou civile reconnaissait explicitement autant de personnes morales distinctes ; nous avons vu comment Justinien interprétait les intentions des donateurs en attribuant aux instituts religieux les plus qualifiés les donations faites sous cette forme populaire. Bondroit, op. cit., p. 88, réfute longuement l’opinion émise en sens contraire par Gierke, Dus deulsche Genossensc/iaftsreclit, t. ii, p. 526-562.

Les canonistes examinent aussi la question de savoir si les biens ecclésiastiques appartiennent tous en nue propriété à l'Église universelle, et en simple usufruit aux églises particulières ; ou si au contraire les biens des différents établissements leur appartiennent en propre, sauf le haut domaine de l'Église universelle, qui intervient d’une façon souveraine dans l’ordre ecclésiastique comme l'État le fait dans l’administration des biens des établissements reconnus d’utilité publique.

La question n’a aucune portée pratique. En ce qui concerne les difficultés possibles avec l'État sur ce point particulier, l’article du Concordat, sollicité par le gouvernement français et accordé par le pape, qui fait condonation des biens d'Église confisqués parla Révolution, contiendrait de la part du pouvoir civil plutôt une reconnaissance de la première opinion.

III. L'ÉGLISE ET LE FISC. L’AMORTISSEMENT. — C’est

au point de vue historique qu’il nous faut envisager cette question. Il appartient aux canonistes d’exposer la théorie de l’immunité des biens de l'Église, d’en indiquer les fondements, de dire si elle est de droit divin ou de droit humain, et d’expliquer comment l'Église, a concilié ses droits avec les concessions qu’elle a faites, de tous temps, en pareille matière.

Il importe cependant de signaler le peu de valeur de l’argument classique tiré par les partisans de l’immunité de droit divin, de Matth., xvii, 23 sq., où NotreSeigneur proteste qu’il ne doit pas l’impôt du didrachme, ne le paie que dans la crainte de scandaliser les simples, et se procure la somme nécessaire d’une manière miraculeuse, pour ne pas la tirer de la bourse de Judas, qui constituait le seul trésor ecclésiastique de l'époque. Quelle que soit la valeur intrinsèque de l’argumentation, il est à peine permis de nos jours, la question étant

pleinement élucidée, d’hésiter entre l’interprétation d’Origène, de saint Augustin et de saint Jérôme qui considèrent l’impôt du didrachme comme un impôt civil, et celle de saint Hilaire, de Théophylacte et de Théodoret qui y reconnaissent l’impôt du dimidium sicli prescrit en faveur du sanctuaire, Exod., xxx, 13 ; II Par., xxiv, 6 ; II Esd., x 33, et paye annuellement par tous les Israélites, âgés de vingt ans. pour l’entretien du culte, cf. Josèphe, Ant.jud., 111, viii, 2 ; XVIII, xix, 1 ; Philon, De monarch., 11, 3 ; Cicéron, Orat. pro Flacco, xxviii, et que Vespasien obligea ensuite les Juifs de payer au Capitule. La simple lecture du texte ne laisse aucun doute sur le caractère religieux de cette redevance, dont Notre-Seigneur se déclare exempt, en sa qualité de Fils de Dieu, les rois de la terre n’ayant pas l’habitude de demander le paiement de l’impôt à leurs enfants, mais aux étrangers. Cl. Fillion, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1878, p. 346-347 ; Knabenbauer, Comment, in Evang. sec. Matth., Paris, 1893, t. ii, p. 100-101 ; Schùrer, Geschichte des jïtdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iii, p. 74-75.

Nous ne sortons pas non plus du rôle de l’historien, à qui appartiennent les faits, en donnant dans son intégrité la fin du texte de saint Ambroise contre Auxence, Epist., 1. I, epist. xxi, n. 33-35, P. L., t. xvi, col. 1017, 1018, où le cardinal Baronius, Annales, t. iv, an. 387, ne veut voir qu’une preuve de l’esprit de conciliation de l'évêque de Milan, payant l’impôt civil par une simple raison de convenance, fondée sur la douceur chrétienne qui prescrit en certains cas de se laisser dépouiller pour le bien de la paix. Nous n’avons pas à examiner ici si les dépositaires des biens de l'Église ont jamais le droit de donner ce qui appartient à Dieu ou aux pauvres, pour éviter les contestations. Mais la lecture du texte intégral montre clairement que saint Ambroise n’a pas l’intention de faire des concessions dans ce passage où il établit une distinction entre : 1° l’impôt qu’il donne ; 2° les terres de l'Église que l’empereur pourrait lui enlever et qu’il laisserait prendre, mais sans les donner lui-même ; non do, sed non nego ; 3° le temple de Dieu qu’il ne laissera pas prendre, loin de le donner aux ariens comme aurait voulu Auxence' : Si tributum petit (imperator), non negamus : agri Ecclesiæ solvunt tributum… solvimus quse sunt Cspsaris Csesari et quæ sunt Dei Deo. Tributum Csesaris est, non negatur ; Ecclesia Dei est, Csesari utique non débet addici, quia jus Csesaris esse non potest Dei templum.

Période romaine.

De fait, Constantin exempta

d’abord des contributions publiques toutes les propriétés de l'Église. L. 49, Cod. théod., XII, i, au sujet de laquelle il faut lire le commentaire de Godefroy, c. iii, § 53. L’empereur Constance supprima cette immunité, L. 15, Cod. théod., XVI, ii, et elle ne fut jamais rétablie d’une manière absolue. Honorius exempta le patrimoine ecclésiastique des contributions sordides et des charges extraordinaires, mais laissa peser sur lui les charges ordinaires. L. 40, Cod. théod.. XVI, n.

Pour comprendre l’importance de cette exemption partielle de l’impôt, il faut se souvenir que l’impôt foncier était, tous les quinze ans et pour la même période (indiction), fixé dans sa totalité, et réparti entre les contribuables. Le sol était divisé en un certain nombre de capita ou juga. Ce caput était l’unité imposable frappée d’une contribution égale pour tous les capita. Chacun payait au prorata du nombre de capita ou fragments de capita qu’il possédait. Cet impôt de répartition constituait la principale ressource du fisc, en matière d’impôts directs, et ceux-ci étaient à peu près tout ce que percevait le trésor, car depuis le bas-empire les contributions indirectes, autrefois très importantes, se trouvaient réduites à un minimum. Restait encore l’impôt de la capilalio plebeia que nous appellerions aujourd’hui