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BONJOUR (LES FRÈRES ; — BONNE FOI


logue à celle de Pierre Valdo : l’obligation tic partager ses biens avec les pauvres ; aussi il fut transféré en 1775 comme curé à Fareins près tic Trévoux, et son frère y devint son vicaire. (Iràce à leur vie austère, leur douceur, leur éloquence, ils se firent de nombreux disciples, surtout parmi les femmes. Ils les fustigeaient souvent, leur enfonçaient des couteaux dans les bras et les jambes, sans qu’elles parussent souffrir : ils imaginèrent même de crucifier une jeune tille de la paroisse, Stéphanie Thomasson.

En 1783, l’aîné déclara qu’il se sentait indigne de dire la messe et de diriger sa cure, et il se lit maître d’école ; toutefois il resta avec son frère, qui lui succéda comme curé. La secte, qui pratiquait la communauté des biens, avait aussi des adversaires à Fareins ; l’un d’eux mourut un jour de la piqûre d’une aiguille trouvée dans son lit. On accusa les Bonjour. Après une enquête faite par l’archevêché de Lyon, l’aîné des frères fut exilé, le plus jeune enfermé dans un couvent, d’où il s’échappa bientôt. Pendant la Révolution, il tenta de rentrer à Fareins, mais la maréchaussée de Trévoux s’y opposa ; il alla alors à Paris, où son frère le retrouva avec leurs principaux .adeptes ; les flagellations recommencèrent. Le consul Bonaparte exila en 1806 les Bonjour à Lausanne, c’est là qu’ils moururent très âgés. La secte leur survécut quelque temps ; elle existait encore sous la Restauration.

Michaud, Biographie universelle (art. d’Ozanam) ; Ami de la religion, t. xxv, p. 179 ; Grégoire, Histoire des sectes religieuses, t. il, p. 169 ; Kirchenlexikon, 2e édit., t. ii, col. 1089-1090.

L. Lœvenbruck.

    1. BONNE FOI##


BONNE FOI. — I. Définition. II. Bonne loi juridique. III. Bonne foi théologique.

I. Définition.

Dans son acception primitive et fondamentale, le mot foi, fides, fido, tieiôw, signifie toute persuasion résultant d’une promesse faite ou reçue et obligatoire en Gdélité, ou provenant d’une autorité divine ou humaine dont le témoignage s’impose à l’adhésion de l’intelligence. De ce sens premier se déduisent naturellement les définitions particulières de la bonne foi juridique et de la bonne foi Ibéologique. La bonne foi théologique est une persuasion matériellement ou objectivement erronée, mais exempte de’toute culpabilité’morale, même dans la cause qui lui a donné naissance ou qui maintient son existence. Ainsi définie cette bonne foi s’applique aux quatre cas suivants : 1° simple ignorance involontaire invincible et non coupable d’une vérité que l’on est tenu de savoir, mais dont on ne connaît point l’obligation ; 2° erreur positive involontaire invincible et non coupable dont on n’a nullement conscience, et à la naissance ou à la conservation de laquelle on n’a jamais volontairement contribué, même en posant une cause connue et voulue comme efficace ; 3° inadvertance inconsciente et involontaire à l’obligation morale même in causa, malgré la connaissance habituelle que l’on peut en avoir ; 4° possession extérieure d’un bien ou d’un droit qu’une ignorance ou une erreur inconsciente et involontaire fait considérer comme sien au point de vue de la conscience morale, avec ou sans l’appui de titres juridiquement valables. La bonne foi juridique peut se définir : une persuasion matériellement el objectivement erronée mais légalement appuyée sur une base juridique, reconnue par le texte même de la loi ou consacrée par la jurisprudence îles tribunaux. Ainsi la bonne foi juridique ne suppose pas nécessairement la bonne foi théologique ; et réciproquement celleci peut exister sans celle-là. Nous les étudierons séparément.

II. BONNE FOUURIDIQUE.

1<> Les conditions légales. — Pour exister au point de vue simplement légal, la bonne loi doit avoir une base juridique proclamée par le texte de la loi <ju admise par la jurisprudence des tribunaux. Cette base juridique peut être : 1. un titre translatif de propriété, comme un acte de vente ou de donation, dont

on ignore les vices. Code civil français, a. 550. quand même on aurait, de fait, succédé à un possesseur de mauvaise foi ; 2. à défaut de titre translatif de propriété, d’après la jurisprudence des tribunaux, l’absence de preuve légale en faveur de la mauvaise foi. Car la bonne loi doit être admise tant que la mauvaise foi n’est point prouvée, Code civil, a. 2268, et celle-ci doit être prouvée juridiquement. Elle est certainement prouvée quand il est évident que l’on ne pouvait ignorer la nullité légale de l’acte par lequel on est entré en possession. Mais il appartient aux tribunaux de déclarer le fait de la mauvaise foi ainsi que le moment où elle a commencé.

2° »a valeur légale. — 1. Relativement aux prescriptions de dix et de vingt ans, les seules prescriptions légales qui requièrent la bonne foi juridique, cette bonne foi, pourvu qu’elle ait existé au moment de l’acquisition, Code civil, a. 2279, et qu’elle soit jointe à un titre légal et à une possession réalisant les conditions déterminées par les articles 2229 et 2265, confère, en vertu de la prescription, le droit de propriété sur l’immeuble ainsi acquis et possédé.

2. La bonne foi juridique, aussi longtemps qu’elle accompagne le simple fait de la possession, assure au possesseur la jouissance de tous les lruils perçus pendant toute la durée d’une telle possession, fruits naturels et mixtes, aussi bien que fruits provenant uniquement de l’industrie personnelle. Code civil, a. 549.

Sa valeur théologique.

1. La seule présence de

la bonne foi juridique ne suffit point pour créer un droit valable en conscience. Pour établir ce droit, elle doit être accompagnée de la bonne foi théologique qui seule la met en conformité avec le jugement de la conscience.

2. Il est également vrai que sa seule absence ne peut priver de tout droit moralement valable. Car ce droit, immédiatement réglé par le jugement de la conscience, peut exister sans que soient réalisées toutes les conditions que la loi requiert pour la bonne foi juridique. Cependant on doit admettre en principe qu’il y a obligation de se conformer aux justes décisions judiciaires relatives au droit de propriété, sauf un recours possible à la compensation secrète dans la stricte mesure où elle peut être légitime.

3. L’usage du privilège légal de percevoir tous les fruits, même ceux qui ne procèdent aucunement de l’industrie personnelle, est-il légitime en conscience pour le possesseur lui-même’.' La plupart des théologiens qui ont particulièrement étudié cette question au point de vue des lois civiles modernes, répondent affirmativement. Ils s’appuient sur ce que le pouvoir civil, pour procurer plus efficacement la commune tranquillité des citoyens, a réellement l’intention de transférer au simple possesseur de bonne foi la propriété de ce que le droit naturel reconnaît comme le bien du véritable propriétaire. D’ailleurs cette translation de propriété est moralement nécessaire pour prévenir d’interminables litiges. Marc, lnstitutiones morales Alphonsianw, 9e édit., Rome, 1898, t. i, n. 937 ; d’Annibale, Summula tlieoiogise moralis, 4e édit., Rome, 1896, t. ii, n. 244j Berardi, Praxis confessariorwm, 3e édit., 1898, t. ii, n. 301 ; Génicot, Theologise moralis institutiones, 2e édit., Louvain, 1898 ; Aertns, Supplementum in tractation de vu Decalogi prxceplo sccuiidum jus civile gallicuin. Tournai, 1898, n. 52. Cependant quelques théologiens jugent que, dans la circonstance, l’intention du pouvoir civil porte seulement sur la négation de tout appui légal aux revendications qui pourraient être faites ultérieurement par le vrai propriétaire. D’ailleurs il n’est pascertain « pie le pouvoir civil, même s’il en avait l’intention, puisse, à son gré et sans aucune compensation, transférer ainsi le droit de propriété, contrairement au droit naturel. Néanmoins en pratique, eu (’garda l’autorité des théologiens qui soutiennent l’opinion contraire