une simple privation de In justice originelle, mais comme un acte vicieux et déréglé qui reste d’abord insensible, tant que l’enfant est incapable de penser au bien ou au mal, mais qui se développe ensuite et se manifeste par les effets indiqués dans la proposition 49=. L’application faite de cette doctrine à l’enfant mort sans baptême niellait en relief la relation de causalité stricte qui, dans le système baianiste, existait entre ces effets et la concupiscence ou le péché originel. Aussi, tout en observant 1 que la proposition n’est qu’un commentaire du rédacteur, Baius n’en nie pas le fond ; il demande d’où pourrait venir à l’enfant mort sans baptême une condition toute différente de celle qu’il apporte en naissant ? Mais c’est plutôt au chancelier de prouver ce qu’il suppose, à savoir que le péché originel consiste dans la concupiscence conçue comme une qualité mauvaise d’ordre positif et comme un principe entraînant nécessairement dans l’enfant qui parvient à l’usage de la raison, les affreuses conséquences dont il s’agit. Doctrine non seulement gratuite et téméraire, mais positivement erronée. Corps de doctrine, loc. cit. ; S. Thomas, In IV Sent., l. II, dist. XXXIII, q. n ; Acta concilii Valicani, achiolat. 40 in primum schéma, canones schemat. reformait, m, 5, op. cit., col. 519sq., 566.
52. Omne scelus est ejus conTout crime est de telle naditionis, ut suum auctorem et ture, qu’il peut souiller son auomnes posteros eo modo infiteur et toute sa postérité de cere possit, quo infecit prima la même manière que le péché transgressio. De peccato oridu premier homme.
gin., c. xiii.
53. Quantum est ex vi transA ne considérer que la nagressionis, tantum meritorum ture du péché, ceux qui naismalorum a générante contrasent avec de moindres vices liunt, qui cum minoribus nascontractent de leur père autant cuntur vitiis, quam qui cum de démérites que ceux qui majoribus. 76 ! d., c. vi ; Baiana, naissent avec de plus grands, p. -1U8.
Ces deux propositions se rapportent à la transmission du péché originel. Dans son apologie, Baius semble d’abord expliquer la première d’une façon plausible ; Dieu, dit-il, pouvait attacher les mêmes effets à tout autre péché qu’à la manducation du fruit défendu. Mais il se trompe aussitôt, en prétendant tirer de ce principe la proposition 52e ; car il ne s’ensuit nullement que tout péché aurait eu de sa nature de tels effets. Sa preuve est d’une faiblesse extrême, raliuncula futilis, suivant le mot de Steyært ; en effet, Baius l’ait appel au texte : Qui facit peccatum, servus est peccati, .loa., viii, 34, en raisonnant de la sorte : Celui qui pèche mérite de devenir l’esclave du péché, et la servitude passe régulièrement du père au fils ! La vérité consiste à dire que, si le péché d’Adam passe à tous ses descendants avec les effets qui l’accompagnent, c’est en vertu d’une ordination positive ; Dieu avait constitué le premier homme chef moral du genre humain, et attaché à son obéissance ou à sa désobéissance la conservation ou la perte de la grâce sanctifiante et des dons primitifs, comme Jean de Lens le rappelle à propos dans le corps de doctrine, c. vu. Baiana, p. 171.
La proposition 53e, obscure en elle-même, a son explication dans le contexte. Dans le chapitre vi, Baius se pose cette difficulté : comment la concupiscence peut-elle être le péché originel, puisqu’elle se trouve dans les hommes à des degrés différents, tandis que le péché originel est égal en tous ? Il répond en distinguant dans la concupiscence l’acte et la dette ou le démérite ; ce qui est vrai sous ce dernier rapport ne l’est pas sous le premier manifestum est dici non passe peccatum originis in omnibus aclu esse œquale, sed solum reatu et demerilo. Idée qu’il développe ainsi : en vertu de la première transgression, tous devraient contracter les mêmes vices et naître (’gaiement soumis à la concupiscence ; mais Dieu n’applique pas la loi d’une façon rigoureuse ; de là vient que les ans naissent avec de moin dres vices, les autres avec de plus grands. Toutefois, cette diversité ne venant que de la libre disposition de Dieu, le démérite reste égal, car il s’appuie sur la dette contractée par les parents. Doctrine entachée d’un douille défaut ; d’abord en ce qu’elle enseigne que dans cette supposition chimérique d’inégalité des vices originels, tous les hommes contracteraient des démérites égaux ; mais surtout, en ce qu’elle lait réellement naître les hommes inégalement pécheurs. Erreur dont l’origine est dans la fausse idée que Baius se faisait du péché originel et de la nature de la concupiscence. Corps de doctrine, loc. cit. ; S. Thomas, Sum. theol., I a II K, q. LXXXII, a. 4.
54. Definitiva hæc sententia, Cette sentence définitive, que
Deum homini nihil impossi- Dieune commande à l’homme
bile præcepisse, lalso tribuitur rien d’impossible, est tausse Augustino, cum Pelagii sit. De ment attribuée à saint Augus peccato origin., c.xii ; Baiana, tin, étant de Pelage, p. 109.
Baius se défend d’avoir jamais formulé cette proposition et se prétend calomnie. L’importance de la question demande qu’on rétablisse l’état des choses. Dans le chapitre xi de ce même traité De peccato originis, le docteur lovaniste avait établi que la loi divine prohibe non seulement les actes vicieux, mais leurs principes : Quod non tantum actus, sed etiam habitus vitiorum divina lege prohibeantur ; thèse qu’il avait appliquée à la concupiscence : Sic et ipse habitus concupiscentise. Au début du chapitre xii, il se pose cette objection : Comment soutenir cette doctrine, puisque l’enfant, et même l’adulte, ne peuvent pas se délivrer de la concupiscence, et que, suivant le sentiment commun, Dieu ne commande à l’homme rien d’impossible ? Vérité que saint Augustin lui-même a exprimée dans cette sentence définitive : « Dieu n’a pas pu commander quelque chose d’impossible, parce qu’il est juste ; il ne damnera pas l’homme pour ce qu’il n’aura pas pu éviter, parce qu’il est bon. » Baius répond d’abord que la sentence définitive qu’on attribue à saint Augustin, n’est pas de ce docteur, mais de Pelage dans sa lettre à la vierge Démétriade, c. xvi, P. L., t. xxxiii, col. 1110. Ensuite, il distingue l’axiome : Dieu n’a commandé à l’homme rien d’impossible. Appliqué à l’état de rectitude originelle, l’axiome est vrai ; grâce aux forces qu’il avait reçues dans sa création, l’homme pouvait alors, sans obstacle ni difficulté, accomplir ce que Dieu lui avait prescrit et éviter ce qu’il lui avait interdit. Mais on ne peut, à l’exemple de Pelage, appliquer l’axiome à l’homme tombé, à moins qu’on n’ait égard au secours divin par lequel Dieu rend possible, et même facile, à ses saints ce qui, depuis la chute, est devenu impossible aux forces humaines.
Telle est la doctrine de Baius. Elle soulève une question de principe et une question de fait. Ce secours divin qui, seul, rend possible à l’homme déchu l’accomplissement des préceptes, l’homme l’a-t-il pour pouvoir se délivrer de la concupiscence habituelle et de ses mouvements désordonnés qui, d’après Baius, sont rigoureusement prohibés par la loi de Dieu ? Telle est la question de principe. Comme la réponse est franchement négative, on arrive immédiatement à la doctrine exprimée dans la l r0 proposition de.lansénius : « Certains commandements de Dieu sont impossibles aux hommes justes, selon les forces qu’ils ont présentement, bien qu’ils aient la volonté et qu’ils s’efforcent de les accomplir ; la grâce qui les rend possibles, leur fait défaut. » Proposition qui a été condamnée comme téméraire, impie, blasphématoire, digne d’anathème et hérétique. Den/.inger, Enchiridion, n. i)66. La question de fait est celle-ci : cette sentence définitive, que Dieu, ne commande à l’homme rien d’impossible, est-elle propre à Pelage ? Il importe peu que la lettre à Déiné-