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BAIUS

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triade soit de cet hérésiarque, si saint Augustin enseigne la même doctrine dans ses ouvrages authentiques. Or, il l’enseigne plusieurs fois et sans ambages, notamment dans les passages invoqués par les Pères du concile de Trente, sess. VI, c. xi, et par Pie VI dans la -bulle Auclorem fidei. Denzinger, ibid., n. 686, 1382. Voir De peccatorum mentis, 1. II, c. vij De natura et gratia, c. xliii ; De gratia et libero arbitrio, c. xvi ; In Ps., i.vi, n. 1, P. L., t. xliv, col. 155, 271, 900 ; t. xxxvi, col. 661. Comparer à la phrase de la lettre à Démétriade celle de saint Césaire que Pie VI rappelle : quasi irupossibile aliquid potuerit imperare qui justus est, aut damnaturus sit hominem pro eo, quod non potuit vitare, qui pins est. Serni., cclxxiii, n. 2, dans l’appendice aux sermons de saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 2257. La proposition 51e a donc été justement condamnée, non pas d’une façon quelconque, mais dans le sens que lui donnait Baius ; nous verrons immédiatement quelles conséquences s’y rattachaient. Bellarmin, De justificatione, 1. IV, c. xii ; Ripalda, op. cit., disp. XXIII, sect. vi, n. 73 sq.

67. Homo peccat, etiam damL’homme pèche et mérite la nabiliter, in eo quod necessadamnation en ce qu’il fait nério tacit. Annot., 5, in Cencessairement.

su ? Sorbon.

68. Infidelitas pure negativa L’infidélité purement négain his, quibus Christus non est tive est un péché dans ceux à prædicatus, peccatum est. qui Jésus-Christ n’a pas été

annoncé.

Deux conséquences des principes baianistes sur la liberté et la notion du péché. Il n’est pas nécessaire d’insister sur la proposition 67e, elle est hérétique au même titre que les propositions 39e et 66 e. Il est de fait que, même dans l’état où nous sommes, la liberté d’indilférence est requise pour mériter ou démériter ; il n’y a donc pas de responsabilité ni de démérite possible là où il y a nécessité. Dans sa grande apologie, Baius reconnaît que cette proposition a été justement condamnée, comme aussi la suivante, merilo damnantur ; mais il la désavoue et parle d’imputations calomnieuses au préjudice de ceux que la bulle de saint Pie V visait. Pourtant, il ne pouvait pas ignorer ce que son collègue Jean Hessels avait écrit, dans son commentaire sur le second livre des Sentences, dist. XXV et XXVIII : « Il n’y a point de liberté réelle où il y a nécessité, et cependant il peut y avoir péché, parce que l’homme nécessité au mal ne s’imagine pas qu’il y soit nécessité. C’est ainsi que les pécheurs pensent se déterminer d’une façon contingente et par choix à ce qu’ils font réellement par nécessité… Il n’y a point d’inconvénient à ce que l’homme pèche en ce qu’il ne peut éviter de faire, parce que cette impuissance est la peine du péché, et qu’elle est seulement concomitante sans être la cause du péché. » Duchesne, Histoire du baianisme, p. 45. En outre, Baius ne devait pas oublier ses propres remarques sur la 15e des propositions censurées par la Sorbonne : Homo necessario peccat etiam damnabiliter in aliqua peccal i specie ; et actiis in quem necessario fertur, est illi peccatum : quare ut libère feratur in actum, non est condilio necessaria ad peccanduni. Les docteurs parisiens avaient jugé cette assertion hérétique en toutes ses parties. Mais le professeur de Louvain en avait pris la défense. Voici quel avait été son raisonnement : ceux qui n’ont pas reçu le pouvoir de croire en Jésus-Christ n’ont pu croire en lui, par exemple les Juifs aux yeux desquels il a opéré tant de prodiges sans éclairer leur esprit des lumières de sa miséricorde ; or ces Juifs ont très gravement offensé Dieu en ne croyant pas ; donc ils ont péché très gravement, alors qu’ils n’ont pas cru, n’ayant pas le pouvoir de croire, qui credendi potestatem non habuerunt. De même, parmi les vierges consacrées à Dieu, il en est qui voudraient garder la continence et qui, par suite de mauvaises habitudes, ne

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le peuvent pas, alias relie quidem, sed non posse ; il peut donc arriver qu’en un certain genre de péché, on pèche si nécessairement, qu’on n’ait point le pouvoir d’éviter le péché qu’on commet, sic videlieet ut quum peccat, potestatem evitandi hoc peccatum non ltabeat. Et pourquoi ? parce que le pouvoir de ne pas pécher consiste dans une volonté d’une telle force qu’elle surpasse la cupidité- dominante, volonté très efficace que le Seigneur doit préparer, mais qu’il ne donne pas à tous, Baiana, p. 25. Qu’on lise maintenant le chapitre XII de l’opuscule De libero hominis arbitrio, où cette doctrine se retrouve ; qu’on y joigne les propositions 50e, 51e et autres sur la concupiscence, dont il sera question dans un instant ; et l’on pourra juger si Baius et ses amis ont été vraiment calomniés. Voir Duchesne, iiie éclaircissement, p. 49 sq.

Que dire de la proposition 68e ? On ne peut pas la rattacher, comme la précédente, à un texte positif du docteur lovaniste. Elle découle cependant de ses principes sur la nature du péché originel et ses conséquences. Baius nous le montre comme ayant quatre parties intégrantes, dont l’une est l’ignorance dans l’esprit, ignorance constituant un vice positif. De peccato originis, c. m. L’application était facile ; peu importe qu’elle ait été faite par les disciples de Baius ou ses adversaires. Il suffit de dire que cette proposition 68e est pour le moins erronée. Quand quelqu’un ignore invinciblement la foi, comme dans l’hypothèse de l’infidélité négative, il n’y a pas pour lui de vraie liberté par rapport à l’observation ou à la violation du précepte de la foi ; il y a, en revanche, impossibilité stricte de l’accomplir. Du reste, la sainte Ecriture et l’enseignement des Pères et des docteurs de l’Eglise s’accordent pour disculper du péché d’infidélité ceux à qui la foi n’a pas été proposée : Joa., xv, 22 ; Rom., x, 14 ; S. Augustin, In Joa., tr. LXXXIX, P. L., t. xxxv, col. 1856 sq. ; S. Thomas, Sum. theol., II a fi » , q. x, a. 1 ; Bellarmin, Refutalio Baii, fol. 192 sq. Cf. Linsenmann, Michæl Baius, p. 155.

VI. PROPOSITIONS RELATIVES A LA CONCUPISCENCE.

50. Prava desideria, quibus Les mauvais désirs auxquels

ratio non consentit, et quae la raison ne consent pas et que

homo invitus patitur, sunt prol’homme subit malgré lui, sont

bibita præcepto : Non conçudéfendus par le précepte : Vous

2>isces. De peccat. orig., c. xi. ne convoiterez point.

51. Goncupiscentia, sive lex La concupiscence, ou la loi

membrorum, et prava ejus dedes membres, et ses mauvais

sideria, quas inviti sentiunt hodésirs, que les hommes res mines, sunt vera legis inobesentent malgré eux, sont une

dientia. Ibid. ; Baiana, p. 106 vraie désobéissance à la loi. sq.

75. Motus pravi concupiscenLes mouvements désordon tiae sunt, pro statu hominis vinés de la concupiscence sont

tiati, prohibiti præcepto : Non défendus, dans l’état de la na concupisces ; unde homo eos ture tombée, par le précepte :

sentiens, et. non consentiens, Vous ne convoiterez point ;

transgreditur præceptum : Non aussi l’homme qui les ressent,

concupisces, quamvis transsans y consentir, transgresse ce

gressio in peccatum non depuprécepte, quoique la transgres tetur. Ibid., c. xv-xvi ; Baiana, sion ne lui soit pas imputée à

p. 122, péché.

Ces trois propositions ont dans leur ensemble un même objet. D’après Baius, le précepte Non concupisces défend, sous peine de péché, la concupiscence actuelle et habituelle. Si l’accomplissement du précepte est impossible maintenant, c’est une conséquence du péché d’Adam ; il était possible au paradis terrestre, l’homme reste responsable. Cependant la transgression du précepte par les mouvements indélibérés de la concupiscence n’est pas matière à damnation et péché proprement dit dans ceux qui ont été baptisés, tant que la concupiscence et ses mouvements déréglés ne dominent pas en eux, quamdiu illis non dominantur. Doctrine que Baius a maintenue dans ses apologies et qui se rattache évidemment à plusieurs idées qui nous sont

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