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BRUCOLAQUE — BRUEYS


celle prédilection du brucolaque, celui-ci par exemple : ’EyivTjXE ppixoXaxaç xai TpoiyEi au’t/} ytvià to’j, que l’on retrouve avec des variantes diverses sur tous les points du monde grec. Voir N. G. Politis, op. cit., t. iii, p. 259265. Un homme vient-il à mourir d’une maladie inconnue, on en fait aussitôt la victime d’un brucolaque. Les visites de ce dernier ont surtout lieu la nuit. Il frappe aux portes et appelle quelqu’un de la maison ; si celui-ci a l’imprudence de répondre, il meurt le lendemain ; mais il n’y a aucun danger à répondre à un second appel, car le brucolaque n’appelle jamais qu’une fois. Souvent il se comporte en simple esprit frappeur, renversant les meubles, éteignant les lampes, battant les gens ou leur montant sur le dos ; s’il a laissé en mourant une veuve, il vient parfois cohabiter avec elle. C’est ordinairement pendant la nuit qu’il se livre à ces excentricités et à cent autres semblables ; mais il opère aussi durant le jour, et alors son action n’est point toujours malfaisante. On cite des brucolaques qui ont veillé à l’entretien de leur famille ; un cordonnier de Santorin venait ressemeler au xviie siècle les souliers de ses enfants. Fr. Richard, Relation de ce qui s’est passé de plus remarquable à Sant-Erini, île de l’Archipel, depuis l’établissement des Pères de la Compagnie de Jésus en icelle, in-8°, Paris, 1657, p. 208 sq.

III. Moyens d’échapper a leur influence. — Comment se mettre à l’abri de ces êtres importuns ? La réponse se trouve tout entière dans le Nomocanon de Manuel Malaxos, qui a servi durant quatre siècles d’unique manuel de droit canonique au clergé grec. La voici textuellement : "IIJEUpê Se on, orav EÛpeOr] toûto tô XenJ’avov, to ôtcoÏov eivai spyov to-j ôiaoéXov, u>ç eÎ7rou.ev, vàxa>.éa7|T£Toù ; ÎEpsî ; va ^aV/.ouv 7rapâxXrj<riv r^ç 6eotoxov, va xâu, ovv xai [xixpôv âytaufxôv, etra va XeiToupyï|<Touv xai va û(]/(offouv itavaycav e’tç 60r, 6eiav jtâvnov xal va xc<u.ouv xai |j.v7][x6<xuva (xerà xoXOêoov. Etra tûuç àcpopxto-[ioù ; toû [xeyàXou BaaiXefou xa roùç 8<jo à<popxicr|i.o - jç tîjî fSaTCTfoeax ; SiaëâÇetç àuâvw eîç tô Xetyavov. tiSte [û tô ây ; a(j-]j.a ôiroO £xa|J.Eç toû u.ixpov âyiaor^oO va pdtVTfjç tôv Xaôv, ôiroO va Tuyjn èxei, xa’i tô uEpiTo-ÔTEpov va tô /û<Tr 1 ; è7râvto Et ; tô Xs^avov xa x^P’T1 XpiaroO ÇE-jyEi tô Satjj.dviov an avTÔ tô Xec’^avov. Voir Aliatius, De Grsecorum hodie quorundam opinationibus, Cologne, 1645, p. 144 ; Nomocanon manuscrit de la bibliothèque des assornptionnistes à Cadi Keuï, p. 68. En général, on commence par célébrer un service qxv-rçu-ôo-uvov) pour le défunt suspect de vampirisme. En cas d’insuccès, on ouvre le tombeau, et, si le cadavre présente les signes extérieurs indiqués plus haut, le prêtre prononce sur lui les exorcismes et le relève de l’excommunication en récitant une formule délivrée par l’évêque du lieu. On peut en voir des exemples dans Goar, Euchologion, Paris, 1637, p. 686-690. Cela fait, le cadavre doit entrer en décomposition, pourvu toutefois qu’on l’ait exhumé un samedi, le seul jour de la semaine où le brucolaque ne peut quitter le tombeau. La décomposition tarde-t-elle avenir, il n’y a plus qu’à recourir aux moyens violents : arracher le cœur du mort et le brûler avec le reste du cadavre après l’avoir réduit en pièces, ou encore clouer solidement le défunt par les mains et les pieds, et le livrer aux flammes. Mais, comme la police interdit aujourd’hui ces mesures, on se borne souvent à déterrer le cadavre trop remuant pour aller l’ensevelir à nouveau dans quelque îlot solitaire, d’où il ne sortira plus, car le brucolaque ne peut traverser l’eau salée.

IV. ORIGINE.

Cette curieuse croyance, qui est très répandue dans tout le monde grec, doit venir de fort loin ; elle se rattache sans doute à la doctrine des anciens sur l’état des âmes après la mort. D’après Platon, Phœdon, p. 81, les âmes des méchants, en punition de leur vie antérieure, errent autour des tombeaux comme des ombres. I)e même, une âme sortie du corps par une mort violente ne pouvait yoùter de repos. Voir

Lucien. P/iilops., 29 ; Héliodore, jEUiiop., ii, 5 ; S. Jean Chrysostome, loc. cit. Suivant une croyance commune aux Grecs et aux Romains, un défunt restait-il sans sépulture ou ses funérailles se faisaient-elles en dehors des rites établis, son âme, au lieu de descendre aux enfers, était condamnée à errer sans relâche à la surface de la terre. Homère, lliad., xxiii, 71 sq. ; Odys., xi, 51 sq. ; xii, 12 ; Virgile, Ain., vi, 325 sq. ; Pline, Epist., ii, 27, 5-11 ; Lucien, Philops., 38 sq. ; Tertullien, De anima, c. LVI, P. L., t. ii, col. 745-746. Et, pour parler d’un autre caractère des brucolaques, certains auteurs de l’antiquité font mention de cadavres qui se nourrissent du.sang des vivants. Euripide, Récube, 536 sq. ; Sophocle, CEdip. Col., 621 sq. D’autres nous représentent des revenants s’acharnant à donner la mort aux vivants. Zenobius, Centur., iii, 3 ; Pausan., ii, 3, 7 ; vi, 6, 7-10 ; ix, 38, 5. Ces exemples suffisent pour montrer que si les Grecs ont emprunté aux peuples voisins, aux Slaves surtout, quelques traits de leur vampirisme, ils en ont reçu le plus grand nombre de l’antiquité elle-même.

Aux éléments fournis par la tradition classique, se sont mêlés de bonne heure des apports nouveaux provenant des idées chrétiennes. Qu’un cadavre sorte du tombeau, ce n’est plus, comme dans le paganisme, sous l’intluence d’une âme privée de tout repos ; c’est le démon qui s’en est emparé et qui accomplit par son intermédiaire mille forfaits. Aussi les meilleurs moyens de préservation sont-ils directement dirigés contre l’esprit mauvais. La croix surtout joue un grand rôle. A Rhodes, on dépose dans la bouche du mort une vieille pièce de monnaie, sur laquelle le prêtre a préalablement ligure les cinq alphas mystiques et la légende : ’I^o-oûç Xpiarbç vtxS. Ailleurs, on répand sur le cadavre un peu d’huile prise à une lampe brûlant devant une image de saint.lean-Raptiste. D’autres procédés, absolument révoltants, ne sont ni chrétiens ni païens ; c’est de la pure sauvagerie. Voir les Échos d’Orient, t. vu (1901), p. 26 sq. On sait que les Grecs ont sur la destinée de l’âme après cette vie des idées assez llottantes. On ne sera donc pas trop surpris d’apprendre, et c’est par là que je voudrais Unir, qu’une fois l’absolution prononcée sur le brucolaque, son âme, jusque-là entre les mains du diable, s’en va tout droit en paradis. Telle est du moins l’affirmation de Malaxos. Voir Aliatius, op. cit., p. 157.

Les préjugés des Slaves sur les brucolaques sont, à l’exception de quelques détails, identiques à ceux des Grecs. Chez les Serbes, on attribue souvent aux vlkodlaci les éclipses du soleil ou de la lune. Même croyance chez les habitants de l’Ukraine, et aussi chez les Roumains, quoique, pour ces derniers, les vârcolaci soient le plus souvent les âmes errantes des enfants morts sans baptéme. Mais à mesure que l’on se rapproche des peuples germaniques, en Bohème par exemple, le vlkodlak tend à se confondre avec « l’homme-loup » , avec le loupgarou.

Les brucolaques ont fait l’objet d une foule d’articles plus ou moins étendus et complots. Bornons-nous à citer les principaux : Aliatius, De templis Grsecorum recentioribus, ad Joannem Morinum ; de narthece ecclesix veteris, ad Gasparem de Simeo>iibus ; née non de Grsecorum hodie quorundam opinationibus, ad Paullum Zacchiam, in-8°, Cologne, 1645, p. I’12158 ; Tournefort, Voyage du Levant, Lyon, 1717, t. I, p. 158-1C4 ; Hoïdis, Oî ppuxoWs ; ti> :  ; h £| w" v <’<. dans Vretos, ’E8vh14d’HftpoXoyiov de l’an 1869, p. 412-421 ; B. Sclimidt, DfflS Volksleben drr New griechen, in-8 « , Leipzig, 1871, p. 157-171 ; C. Jirecek, Das /’» >stenthumBulgarien, in-8°, Vienne, 1891, p. 99-102 ; C. F. Abb n. Macédonien Folklore, in-8°, Cambridge, 1908, p. 217-222. Une étude complète sera publiée par N. G. Politis, a l’article Vujtf (âme), dans ses Mpitou ^ifî toO pîou « » i tîj ? yvciffmK toS IXXijvixoS >, ao3 actuellement en cours de publication dans la Bibliothèque Marasli.

L. Petit.

    1. BRUEYS (David-Augustin de)##


BRUEYS (David-Augustin de), théologien et littérateur français, né à Aix en 1010, mort a Montpellier le