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BULGARIE

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Thessalonique, qui avait Servia dans « a province, ne dut pas volontiers se dessaisir de ses droits, puisque nous verrons tout à l’heure Basile II renouveler ses ordres à ce sujet dans sa troisième Novelle. Comme Jean d’Ochrida ne trouva pas cette juridiction suffisante et réclama pour son archevêché les limites que le patriarcat bulgare avait eues sous le tsar Pierre, 927-909, Basile II crut devoir satisfaire à ses exigences et, par une seconde Novelle, mars 1020, il décréta que « le très saint archevêché de Bulgarie serait constitué dorénavant, comme aux jours du tsar Pierre, avec tous les évêchés suffragants qu’il comptait à cette époque » . En conséquence aux seize évéchés concédés, il en adjoignait douze autres, ceux de Dristra ou Silistrie, Viddin, Bhasos ou Bosa près de Novi-Bazar, (iraia, Tzernik, La Chimère, Adrianopolis ou Driynopolis, peut-être Vella, Bothrotos, Janina, Cozila et Pétra, avec la juridiction sur les Valaques de Bulgarie et les Turcs du Yardar. H. Gelzer, op. cit., p. 44-46, 55-56. Enlin, la troisième ordonnance de Basile II concédait à l’archevêché d’Ochrida Févêché de Servia, déjà donné, et ceux de Stagoi et de Verria. H. Gelzer, op. cit., p. 46. Cette série de pièces extrêmement intéressantes nous offre donc le tableau le plus complet que nous connaissions du premier patriarcat bulgare. Lors de sa reconstitution par Basile II, vers 1020, il comptait trente évêchés soumis au siège d’Ochrida ; il en comptait vingt-huit sous le tsar Pierre, 927-969, seize sous le tsar Samuel, 977-1014, et nous savons déjà par la Vita S. démentis, n. 23, P. G., t. cxxvi, col. 1229, que sous le tsar Boris, 864-888, il en avait sept seulement.

C. Jirecek, Geschiclite der Bulgaren, p. 150-200 ; Th. Ouspenskij, Un discours ecclésiastique inédit sur les rapports bulgaro-byzantins dans la première moitié du r siècle, dans X Annuaire d’Odessa, t. iv b (1894), p. 48-123 (en russe) ; J. Markovich, Gli Slavi ed i papi, in-8°, Zagreb, 1897, t. II, p. 502-533 ; V. Grigorovicli, Rapports de l’Église de Constantinople avec les peuples voisins du Nord, surtout avec les Bulgares, au commencement du x’siècle (en russe), dans les Zapinski d’Odessa, 1866 ; D. Cuchlev, La vie religieuse et littéraire du peujile bulgare à l’époque du tsar Syméon (en bulgare), dans le Sbornik bulgarsk, t. xii (ls9ô), p. 561-614 ; S. Drinov, Les Slaves du Sud et Byzance au x’siècle (en russe), Moscou, 1872.

V. L’ARCHEVÊCHÉ GRÉCO-BULGARE D’OCHRIDA, 1020-1393. —

Créé pour des motifs politiques aux dépens du patriarcat bulgare et des métropoles grecques voisines, l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida ne pouvait conserver longtemps son ancien personnel et sa vaste juridiction. Avant même la mort de Basile II, 1025, l’archevêque bulgare Jean (’tait remplacé par un grec, Léon, chartophylax de la Grande Eglise, Mai, Spicitegiitm romanum, t. x, p. 28, celui-là même qui devait, en 1053, lancer, de connivence avec Michel Cérulaire, la fameuse lettre contre les azymes et provoquer ainsi le schisme de 1054. Léon mourut en 1056. Ses successeurs, Théodule, 1056-1065, Jean, vers 1068, un autre Jean, vers 1075, Théophylacte, le célèbre commentateur de la Bible, de 1078 après 1092, Léon, Michel Maxime, Eustathe, vers 1 ! 31, Jean Comnène, neveu de l’empereur Alexis I er, Constantin, déposé en 1166, etc., étaient tous grecs et partisans de la même politique religieuse.

Celle-ci se réduisait en somme à deux points principaux : élimination progressive de l’élément bulgare au profit de l’élément grec, maintien des anciens privilèges de la métropole d’Ochrida contre les prétentions des patriarches de Constantinople. Sur ces deux points, qui sembleraient de prime abord s’exclure mutuellement, l’histoire n’a enregistré que de très légères défaillances. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à consulter la vasle correspondance de Théophylacte et de Demetrios Chomatianos, les deux éminenis champions de la cause de l’hellénisme en Bulgarie, Toutes 1rs lettres de Théophylacte suni remplies d’injures à l’égard de ses ouailles slaves. « Il sent le moisi, dit-il, comme les Bulgares sentent le mouton. » Ailleurs, il s’écrie : « Chaque Ochridéen est un être sans tête, qui ne sait honorer ni Dieu, ni l’homme. C’est avec des monstres pareils que je suis obligé d’être en relations. Avec des forces créatrices quelconques, il laut renoncer à l’espérance d’appliquer une tête à ces troncs ; Jupiter avec sa toute-puissance n’y réussirait pas. » Puis, il se compare à l’aigle de Zeus assailli par des grenouilles coassantes et qualifie la nature bulgare de « mère de toute méchanceté » . P. G., t. cxxvi, col. 304, 308, 309, 444 ; voir d’autres citations aussi peu aimables dans l’article d’H. Gelzer, Byzanlinische Zeitschrift, t. n (1893), p. 57, 58. Eh bien, cet archevêque grec, qui médit à ce point de ses fidèles et se considère sur la chaire bulgare comme exilé et sacrifié à la cause supérieure de l’hellénisme, défend les prérogatives de son siège avec une âpreté que ne désavouerait pas un enfant de la Bulgarie. A la moindre immixtion des patriarches byzantins dans les affaires de son diocèse, il crie à qui veut l’entendre que son Église n’a rien à démêler avec eux, parce qu’elle est autonome et indépendante. Ce n’est pas à lui, certes, qu’on pourrait reprocher d’avoir avili aux pieds du patriarche la grandeur et la dignité de son Église, sous prétexte qu’il était un ancien clerc de Sainte-Sophie.

Et Demetrios Chomatianos n’agit pas autrement que Théophylacte dans les circonstances particulièrement délicates que traversa l’archevêché d’Ochrida au commencement du xiiie siècle. Il reprend vivement Sabbas le Jeune d’avoir commis des braconnages spirituels, en lui dérobant les sièges épiscopaux de Bhasos et de Prizrend, qui sont entrés dans le patriarcat serbe, Pitra, Analecta sacra et classica, Paris, 1891, t. vii, p. 261, 325, 384, 390, 438, et se montre non moins intransigeant envers les Bulgares, qui ont soumis plusieurs de ses évêques à leur patriarche de Tirnovo. Et néanmoins, bien qu’il tienne haut et ferme le drapeau de l’hellénisme en face des agissements slaves, Chomatianos ne cède pas un pouce de sa juridiction au patriarche œcuménique. Bien au contraire, il n’hésite pas à profiter des embarras que viennent de créer à celui-ci la prise de Constantinople par les Latins, 1201, et la fuite du basileus à Nicée, pour afficher à son endroit une attitude de plus en plus arrogante. Lorsque le patriarche Germain se plaint à lui qu’il ait couronné empereur de Thessalonique, Théodore Ducas l’Ange, 1222, et songé à démembrer le patriarcat de Constantinople, au lieu de lui donner un démenti, Chomatianos revendique la responsabilité de sa conduite, affirmant que, depuis la prise de Constantinople, le centre historique du patriarcat byzantin a été déplacé et que Germain, domicilié à Nicée, pourrait se contenter des provinces asiatiques, tandis que lui, Demetrios, administrerait les provinces européennes. Ceci dit, il passe, à son tour, aux reproches et demande hautement pour quel motif le patriarche a reconnu l’Eglise serbe d’Ipek et l’Eglise bulgare de Tirnovo, qui se sont constituées aux dépens d’Ochrida. Sans doute, en agissant de la sorte, Chomatianos n’était que le porte-parole de l’empereur grec de Thessalonique, Théodore Ducas l’Ange, qui tenait à voir réduits le plus possible les droits du patriarche grec de Nicée et, partant, ceux de son rival, l’empereur grec de Nicée, mais une seconde raison, d’ordre purement ecclésiastique, semble également avoir inspiré sa conduite. Les privilèges de l’archevêché d’Ochrida étaient alors devenus aussi sacrés que ceux de Byzance, par suite d’une fausse notion historique, dont nous trouvons la première trace au xil° siècle et qui a prévalu jusqu’au xix e. fin effet, de bonne ou de mauvaise foi, on en vint alors a s’imaginer qu’Ochri la était bâtie sur l’emplacement de litstiuia>ia prima et qu’elle avait, par suite, hérité de la juridiction quasipatriarcale, concédée a cette ille par Justinien et le pape Vigile en 515, tandis qu’il est prouvé aujourd’hui