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BULGARIE

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qu’Ochrida répond à l’ancienne Lychnide et Uskub à Justiniana prima. Cette fausse identilication, acceptée même dans l’entourage des patriarches de Constantinople, est certainement le motif qui contribua le plus à garantir les droits parfaitement discutables d’Ochrida et à lui assurer l’existence jusqu’au xviii siècle. Sur Demelrios Chomationos voir le travail de Drinof dans le Vyzutiskij Vremennik, 1894, t. i, p. 319-340 ; 1895, t. H, p. 1-23.

Les plans grandioses de Demetrios Chomatianos se seraient peut-être réalisés, si les victoires du roi bulgare, Jean Assen, en 1230, n’avaient anéanti la puissance de son maître, Ducas l’Ange, et, du même coup, ruiné les espérances de l’archevêché d’Ochrida. Goloubinski, Précis d’histoire…, p. 124, assure que les deux successeurs de Chomatianos, Joannice et Serge, furent bulgares parce qu’Ochrida était, à ce moment, retombé au pouvoir de la Bulgarie. Si le fait ne soulfrait pas de discussion, ce serait le cas de redire que la roche tarpéienne est bien près du Capitule. En tout cas, si la ville d’Ochrida fut un instant occupée par les Bulgares, -elle fut bientôt reprise par les Grecs, qui rétablirent un haut clergé de leur nationalité, comme auparavant. Il semble même que les Byzantins se soient etl’orcés de ne nommer à ce poste que des hommes doués d’une culture intellectuelle peu commune. C’est ainsi qu’Adrien, vers 1270, Gennadios, avant 1289, Grégoire, vers 1316, Anthime, vers 1330, et Mathieu, vers 1408, se firent remarquer par leur activité intellectuelle et scientifique, en sacrifiant, bien entendu, de temps à autre, à leur antipathie de race contre les Latins. Il y aurait peut-être lieu de se demander si ces pasteurs, frottés de rhétorique et capables d’en remontrer aux pires scolastiques pour leur sophistiquerie, étaient bien à leur place dans un diocèse presque barbare, au milieu de sauvages, « qui, d’après eux, puaient l’ail et le mouton ; » on ne saurait nier toutefois qu’ils n’appartinssent eux-mêmes à l’élite intellectuelle de Constantinople et que l’hellénisme n’eût acquis, au XVIe siècle, la prépondérance sur le siège d’Ochrida. Pendant qu’Ipek représentait l’élément serbe, ïirnovo l’élément bulgare, Ochrida restait, au point de vue ecclésiastique, la meilleure forteresse de l’Église grecque dans la péninsule balkanique.

Voir la suite chronologique des archevêques d’Ochrida, depuis tes origines de l’archevêché bulgare jusqu’au xv siècle dans Goloubinski, Précis d’histoire…, p. 40-45, 106-133 ; Le Quien, Oriens cliristianus, t. ii, col. 292-298, et surtout H. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida, p. 8, 9, 11-15. C’est en mai 1157, dans un concile de Constantinople, que le prince.lean Comméne, archevêque de Bulgarie, signe en identifiant pour la première fois Ochrida avec Justiniana prima. H. Gelzer, op. cit., p. 8, 9. A ce témoignage émanant d’un concile on peut ajouter celui d’un historien contemporain, que n’a pas connu Gelzer. En 1168, Guillaume de Tyr allait trouver l’empereur grec Manuel, in provincia Pelagonia…, juxta illam antiquam et domini felicissimi et invictissimi et prudentis Augusti patriam, domini Justiniani civitatem, videlicet Justinianam primam, quse vulgo hodie dicitur Acreda, xx, 4.

Si l’archevêque grec d’Ochrida conservait, en droit, la plénitude de la juridiction qu’avait possédée le dernier patriarche bulgare, il perdit néanmoins, en fait, bon nombre de sièges épiscopaux que lui avaient octroyés Basile II, et qui, à la mort de cet empereur, 1025, lirent retour à leurs anciennes métropoles : Thessalonique, Naupacte, Larissa et Dyrracchium. Deux listes épiscopales, publiées par H. Gelzer, Byzanlinische Zeitschrift, t. i (1892), p. 256, 257, et dont l’une remonleau xi e et l’autre au xue siècle, nous ont conservé la situation officiel le de cet archevêché à la même époque. D’après ces deux catalogues, presque identiques de fond et de forme, Ochrida comptait alors les vingt-trois évêchés suivants : Castoria, Scopia, Velevouzdos, Triadilza ou Sofia, .Valesova ou Morovizdion, Edesse ou Mogléna, Pé !  : ^onia, Prizrend, Stroumnitza ou Tibérioupolis, Nich, Glavinitza ou Céphalénie, Vranitzova ou Moravos, Belgrade, Lipljan, Striamos ou Zemlin, Viddin, Rhasos, Dévol, Sthlanitza transféré ensuite à Vodéna, Grévéna, Kanina, Dibra et l’évêché des Valaques. De ces vingt-trois évêchés, les quinze premiers figuraient dans la première Novelle de Basile II, deux autres, Viddin et Rhasos, dans la seconde ; quant aux six derniers, ils avaient été créés par le démembrement d’anciens sièges épiscopaux. En comparant ces deux listes épiscopales publiées par H. Gelzer avec les trois Novelles de Basile II, on constate que l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida avait perdu, peu après sa création, l’évêché de Servia, concédé dans la première Novelle de Basile II, les dix évêchés de Dristra, Oraia, Tzernic, La Chimère, Driynopolis, Vélès, Bothrotos, Janina, Cozila et Pétra concédés dans la deuxième, et les deux évêchés de Stagoi et Verria, concédés dans la troisième ; soit, en définitive, une perte de treize évêchés, qu’avaient possédés les patriarches bulgares, sous les tsars Pierre et Syméon, et qui étaient retournés au patriarcat de Constantinople. H. Gelzer dans la Byzantinische Zeitschrifl, t. n (1893), p. 42-61, et Der Patriarchat von Achrida, p. 9, 11.

A ces empiétements causés par les homogènes succédèrent, dans la première moitié du XIIIe siècle, les empiétements des allogènes : Serbes et Bulgares. Dès 1204, Velevouzdos, Scopia, Viddin, Prizrend et Nich faisaient parlie du patriarcat bulgare de Tirnovo et, sous le règne de Jean Assen 11, 1218-1241, les frontières entre Ochrida et Tirnovo étaient si mal délinies que tout l’archevêché grec d’Ochrida fut un instant englobé dans le patriarcat bulgare national. De leur côté, les Serbes taillaient à qui mieux mieux dans le territoire d’Ochrida, pour agrandir leur patriarcat d’Ipek. En 1220, Rhasos et Prisrend étaient annexés. Ce ne fut, pendant une cinquantaine d’années, qu’un chassé-croisé continuel d’évêques grecs, bulgares et serbes, qui se délogeaient du même siège, selon que la ville était au pouvoir des empereurs de l’une ou de l’autre de ces nations. On voit donc avec quelle prudence il faut recevoir les données des statistiques officielles byzantines, qui, trop souvent, établissent d’après le passé le bilan de l’heure présente.

Une notice épiscopale, que son récent éditeur, II. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida, p. 19-21, croit postérieure à l’année 1370, fournit là-dessus un aveu fort significatif, en nous donnant la situation réelle de cet archevêché, après les conquêtes spirituelles des Serbes et des Bulgares. Cette notice attribue à Ochrida dix-sept évêchés suffragants : Castoria, Molischos, Mogléna, Vodéna ou Slanitza, Stroumnitza, Vélès Pelagonia ou Bitolia, Kitzava, Dibra, Ispateia et Mouzaneia, Belgrade, Kanina et Avion, Selasphoros et Corytza, Gkora et Mocra, Prespa, Sisanion, Grévéna. Il faut bien remarquer que dans cette notice épiscopale, il n’est resté de l’ancien archevêché d’Ochrida, tel que nous le connaissons par les Novelles de Basihs II, en 1020, que les quatre vieilles éparchies de Castoria, Mogléna, Pelagonia et Stroumnitza. Cinq autres évêchés, Dévol ou Selasphoros, Slanitza, Grévéna, Kanina et Débra, avaient été créés au cours du XIe siècle par le démembrement "des anciennes éparchies ; six autres, Kitzava, Prespa, Gkora et Mocra, Sisanion, Molischos et Velès furent obtenus plus tard par le même procédé ; enfin, l’on comptait deux nouvelles acquisitions, Belgrade ou Bérat d’Albanie et Ispateia. Somme toute, des trente évêchés qui relevaient autrefois de lui, l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida n’en avait conservé que quatre. Pour duper le public, on divisait ces quatre diocèses en quantités infinitésimales, de manière à présenter toujours autour de l’archevêque un cortège respectable de prélats, comme si l’Eglise de France, réduite à deux ou irois départements, transformait en sièges épiscopaux quatre-vingts à quatre-vingt-cinq chefs-lieux de canton.