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BULGARIE

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tait pas de Bulgarie en dehors des limites précitées. Du reste, les Turcs ne se seraient jamais prèles à la création d’un exarchat exclusivement situé en Bulgarie, qui aurait eu, selon toute vraisemblance, son siège à Tirnovo et aurait trop rappelé aux Bulgares qu’il avait existé au moyen âge un empire de ce nom. En octobre 18(58, la Porte soumit au patriarcat œcuménique deux nouveaux projets, désirant que l’on adoptât l’un ou l’autre, à moins de trouver une troisième combinaison qui pût réunir l’assentiment des deux parties. D’après ces projets, les Bulgares auraient eu le droit d’établir un métropolite dans chaque vilayet et un évêque dans chaque sandjack, mais à condition que ces évêques ne résidassent pas dans les villes où se trouvaient déjà des prélats grecs et qu’ils portassent le titre de leur résidence effective. Les Grecs resteraient soumis aux chefs spirituels de leur nationalité et les Bulgares à ceux de la leur, à moins de demande contraire. Ces derniers auraient, de plus, à Constantinople un chef ecclésiastique et un synode ; leur Eglise formerait un corps à part pour tout ce qui concerne le choix des chefs et l’administration spirituelle, etc. Au fond, les deux projets de la Porte ressemblaient, à s’y méprendre, à celui qu’avait présenté Grégoire VI, à l’exception toutefois d’une clause, qui souleva du côté du Phanar une résistance invincible : la résidence à Constantinople du chef de l’Eglise bulgare, c’est-à-dire dans la ville même du patriarche. Ce n’étaient pas cependant les Bulgares qui l’avaient réclamée ; ils tenaient trop à ce que leur chef résidât dans une de leurs anciennes capitales, soit Ochrida, soit Tirnovo, mais les Turcs, qui, sous couleur d’accorder l’autonomie d’une Église, craignaient toujours de favoriser la constitution d’une Bulgarie indépendante, ne voulaient à aucun prix d’un exarque au cœur même de la Bulgarie. En conséquence, le 28 novembre 1868, le patriarche et son synode répondirent qu’ils rejetaient les deux alternatives posées, comme contraires au dogme, à l’Évangile et au droit canonique, qu’un concile général était seul apte à résoudre la question bulgare et à décider la création d’une Eglise locale et que, quant à eux, ils avaient été jusqu’à la limite de leurs droits.

En même temps qu’il informait la Porte de cette décision, Grégoire VI adressait une lettre encyclique à tous les chefs des Églises orthodoxes pour les consulter sur l’opportunité d’un synode œcuménique. L’idée de celle réunion fut agréée par les Eglises de Jérusalem, d’Antioche, de Chypre, de Grèce et de Roumanie ; le métropolite de Belgrade se prononça en faveur des Bulgares ; quant à l’Église russe, moins indépendante du pouvoir civil, elle rejeta la proposition d’un concile, sans doute pour échappera l’alternative ou de condamner l’attitude de son gouvernement ou de rester isolée dans l’assemblée œcuménique. L’offre de Grégoire VI devenait donc irréalisable, bien que les Bulgares l’eussent acceptée avec joie et consenti à ce que leurs sept évoques se réunissent à Constantinople avec des notables pour discuter les propositions du Phanar. Alors la Porte essaya d’un arrangement direct entre les deux parties, en formant une commission de trois Grecs et de trois Bulgares, 1869j trois projets successifs du grand-vizir, Ali pacha, échouèrent contre l’opposition de l’un ou de l’autre camp. L’accord ne put en particulier s’établir au sujet de quatre points, que Grégoire VI exigeait et que les Bulgares repoussaient absolument : représentation de leur nation auprès de la Porte par le patriarche grec, nomination par ce patriarche des métropolites et des évêques bulgares, mention du nom du patriarche dans les prières « le toutes les églises, enfin cession aux Grecs de plusieurs éparchies contestées, notamment de l’iulippopoli. Du reste, Grégoire VI s’était engagé lui-même sans le consentement explicite de sa nation et lorsque, le 30 juin 1869, il annonça au synode et au conseil réunis les concessions par lui consenties, il s’ensuivit un tel orage que plusieurs membres donnèrent leur démission. En attendant, le conllit continuait et l’exaltation des esprits en Bulgarie était au plus haut point. Pour mettre fin à une agitation inquiétante par elle-même et qui, à ses yeux, faisait le compte de la diplomatie russe, le gouvernement turc décida de trancher le débat. Le 28 février 12 mars 1870, un samedi soir, Ali pacha convoquait chez lui les représentants grecs et bulgares et leur remettait un firman impérial délivré la veille, Il mars. Par ce firman, la Porte instituait un exarchat bulgare, en dehors du patriarcat œcuménique, faisant ainsi revivre les traditions anciennes et toujours si chères au cœur des Églises orientales. Elle pensait ainsi favoriser plutôt le slavisme ottoman que le panslavisme russe, l’autonomie religieuse concédée aux Bulgares devant, à son avis, déjouer les spéculations panslavistes de.Saint-Pétersbourg. Les événements survenus depuis lui ont donné en quelque sorte raison. Voici les principales clauses du iirman du Il mars : « Une juridiction spéciale formée sous le titre d’exarchat et comprenant les diocèses métropolitains et les évèchés, dont la liste suit, sera chargée de l’administration de toutes les affaires spirituelles de la communauté bulgare. L’exarque aura la présidence canonique du synode bulgare, réuni à titre permanent auprès de lui. L’exarchat sera géré d’après un règlement conforme aux canons fondamentaux de l’Eglise orthodoxe et qui sera conçu de façon à empêcher l’intervention du patriarcat œcuménique dans les affaires des moines, dans les élections des évêques et de l’exarque. Le patriarche de Constantinople délivrera à l’exarque bulgare les lettres de confirmation exigées par le rite orthodoxe. La liturgie bulgare respectera les canons et mentionnera le nom du patriarche. »

Saisi officiellement de l’acte souverain qui lui enlevait trois ou quatre millions de fidèles, Grégoire VI le déclara anti-canonique et attentatoire aux privilèges et aux immunités du siège œcuménique. Il insista de nouveau sur la nécessité de réunir un « concile œcuménique, seule autorité compétente à émettre une décision valable et obligatoire pour les deux parties » . Ali pacha répliqua par une lettre du 28 mars, dans laquelle, tout en justifiant la conduite de son gouvernement, il jugeait inutile de soumettre le cas à de nouvelles délibérations. Déjà, l’autorité turque se voyait obligée de recourir à la force pour faire accepter aux Bulgares les métropolites et les prêtres grecs, dont ils ne voulaient à aucun prix ; cet état de choses avait trop duré, la Porte ne pouvait se mettre plus longtemps en opposition avec les principes de haute protection qu’elle accordait à tous ses sujets. A cette lettre, Grégoire VI répondit par une nouvelle protestation contre les mots A’Église bulgare, l’Église n’ayant.jamais reconnu de nationalités dans son sein ; contre l’intervention du pouvoir civil, incompétent en matière religieuse ; contre la reconnaissance d’une seconde Eglise orthodoxe dans la Turquie d’Europe, tous les orthodoxes devant, sans distinction de race, dépendre du patriarcat œcuménique ; puis, après avoir refusé d’accepter une solution contraire aux droits et aux privilèges de l’Église, il insista « mit la convocation d’un concile œcuménique, priant le gouvernement impérial de vouloir bien revêtir cette demande de sa sanction souveraine » . La Porte n’ayant tenu aucun compte de cette réclamation, le patriarche, par une résolution énergique qui l’honore, donna dignement sa démission, 22 juin 1870. Sous Anthime VI, successeur de Grégoire VI, 17 septembre 1870, des tentatives pour un rapprochement direct furent reprises, mais toujours sans succès. Le slulti quo aurait pu se prolonger de longues années sans un incident qui mit le feu aux poudres. Le jour de l’Epiphanie, G 18 janvier 187-2, trois évêques bulgares, poussés par leurs nationaux, se décidèrent à célébrer pontificalement dans leur église de Galata, malgré la