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CABALE

sième ; et ainsi de suite jusqu’au dernier cercle de la périphérie. Chaque cercle, limitation ou détermination de l’En Soph est une Sephira, c’est-à-dire une manifestation de Dieu, un moyen de nommer Dieu, I, p. 19 b, 20 a. Parfois le Zohar, recourant à une autre image, compare les Sephiroth à des vases de forme variée que l’En Soph remplit, mais sans s’y épuiser, car il les déborde, ou à des verres, diversement nuancés, qu’il traverse et colore d’une manière différente, en s’y dégradant, mais sans y perdre sa blancheur : ces vases représentent les limites de l’essence divine ; ces verres, les degrés d’obscurité sous lesquels l’En Soph voile son éclat pour se laisser contempler.

Autre point de vue. Le Zohar, partant de cette idée

Figure 5 : Adam Kadmon, d’après Bischoff, Die Kabbalah, Leipzig, 1903, p. 69.

fondamentale que la forme humaine est la forme parfaite, contenant toutes les autres formes, et que par conséquent elle doit se retrouver en Dieu d’une manière suréminente, accepte l’anthropomorphisme. Il appelle Dieu Y Adam céleste, l’Adam Kadmon, le premier principe, modèle et type de tout, le Macrocosme. Il localise 1rs Sephiroth dans chacun de ses membres, en leur appliquant la loi des contraires et la loi sexuelle. C’est ainsi que de la première et de la plus élevée des Sephiroth, qui domine la tête de l’Ancien des jours, il fait découler deux autres Sephiroth, l’une, mâle et active, la Sagesse ou Père, l’autre, femelle et passive, l’Intelligence ou Mère, ni, p. 290, qui entourent « le grand Visage » , « la tête blanche de l’Ancien. » Sagesse et Intelligence donnent naissance à la Science, iii, p. 291 a, leur médiatrice ou Irait d’union. Mais la Science, principe de tout, I, p. 256 b, ne compte pas au nombre des Sephiroth. De l’Intelligence découlent deux autres Sephiroth, l’une, mâle et active, la Grâce, l’autre femelle et passive, la Justice, qui sont comme les bras de l’Adam Kadmon, et qui se concentrent dans une Sephira nouvelle, la Beauté, localisée dans la poitrine ou le cœur, et réalisation de toutes choses, ht, p. 143 b, 296 a. Enfin de la Justice sortent le Triomphe, Sephira mâle et active, et la Gloire, Sephira femelle et passive, correspondant aux deux jambes et se concentrant dans le Fondement, dont le symbole est l’organe de la génération. Et de même qu’une Sephira, la Couronne, est au-dessus de la tête, une autre, la Royauté, est sous les pieds de l’Adam Kadmon, iii, p. 296 a (fig. 5).

À considérer maintenant ces dix Sephiroth entre elles et relativement à la place qui leur est assignée, on trouve, dans le sens vertical, la Colonne de droite, celle des Sephiroth mâles : Sagesse, Grâce et Triomphe ; la Colonne de gauche, celle des Sephiroth femelles : Intelligence, Justice et Gloire ; et la Colonne du milieu, : Couronne, Beauté et Fondement, qui domine la Royauté ; dans le sens> horizontal, la Couronne, flanquée de la Sagesse et de l’Intelligence, et formant une triade supérieure, d’ordre métaphysique ; la Grâce, la Justice et la Beauté, formant une triade d’ordre moral ; le Triomphe, la Gloire et le Fondement, formant une triade d’ordre physique ou dynamique. Ces trois triades se résument en une autre, composée de la Couronne, de la Grâce et de la Royauté, qui correspond à ce que l’on pourrait appeler la Substance, la Pensée et la Vie. Le Zohar parle souvent de cette triade suprême, résumé des trois autres, et la compare à un arbre, dont l’En Soph serait la sève et la vie. L’ensemble se ramène enfin à l’unité, comme les membres d’un seul et même corps. Ainsi constitué dans sa forme supérieure et transcendante, dans sa manifestation la plus sublime, dans l’Adam céleste ou l’Adam Kadmon, Dieu domine la Mercaba ou le char mystérieux, dont parle Ézéchiel, il, p. 42 b.

Les cabalistes ont cherché, eux aussi, à résoudre le difficile problème de la création. C’est pourquoi ils ont imaginé, entre Dieu et le monde, les Sephiroth, seul moyen, pensaient-ils, de sauvegarder la dignité divine sans la compromettre au contact immédiat de la matière, et d’expliquer l’existence de l’univers avec sa nature finie, imparfaite et périssable. Mais reste la question de savoir si on peut les distinguer de Dieu ou si l’on doit les confondre avec lui, si elles constituent des essences personnelles ou si elles ne sont que de simples attributs, des instruments de création. Or, cette question n’a pas été nettement tranchée par le Zohar. Car son langage laisse croire tantôt qu’elles ont été créées, tantôt qu’elles sont une émanation de la substance de Dieu, participant à son essence et servant à créer. Sous l’accumulation des images, la pensée reste vague et la précision fait défaut. Aussi bien c’est l’un des points qui a le plus divisé les interprètes. Quelques-uns, partisans d’une solution moyenne, ont refusé de les identifier avec Dieu, pour ne pas introduire de changement ou d’altération dans l’essence divine, mais ils ont prétendu que Dieu est présent en elles à l’état immanent et s’en est servi pour créer.

L’indécision du Zohar sur la question de Dieu et des Sephiroth provient, d’une part, de ce qu’il ne voulait pas rompre ouvertement avec l’enseignement traditionnel juif sur le monothéisme et la création, et, d’autre part, de ce qu’il n’a pas craint de recourir à la doctrine séduisante de l’émanation ou à un panthéisme déguisé. Il n’en reste pas moins que le Dieu-devenir du Zohar, qui se constitue eu quelque sorte par la délimitation progressive qui s’opère ou qu’il opère dans sa propre substance, ne ressemble en rien au Dieu de la Bible, et que les Sephiroth, quelles que soient leur nature et leur origine, servent simplement à résoudre le problème délicat des relations de l’infini avec le fini, de l’être absolu avec l’être continrent, de l’esprit avec la matière, de Dieu avec le monde. Les Sephiroth rappellent, en tout cas, les éons de la gnose et leurs syzygies, comme l’Adam Kadmon rappelle le plérome, La cabale, pourtant, diffère de la gnose, car elle conçoit différemment