Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
123
124
BALE (CONCILE DE 1


cile quin 1436-décembre 1437). — En juin 1436, le pape dénonça, par un mémoire, à tous les princes catholiques les usurpations du concile : il était manifeste, disait Eugène IV, que le concile aspirait à anéantir les droits du primatus et à enlever au souverain pontife l’administration de l’Église. Le conllit ne devint cependant tout à fait aigu que l’année suivante, lors de la XXVe session : ce jour-là, 7 mai 1437, le concile, où le cardinal Louis d’Aleman avait introduit, depuis quelque temps, quantité d’ecclésiastiques des environs, décida, maigri la résistance énergique de la minorité, que le concile d’union se tiendrait soit à Bàle, soit à Avignon, dans le cas où la première de ces deux villes ne conviendrait pas aux grecs, soit encore dans une ville de Savoie. Le pape avait proposé Florence ou Modéne : la minorité, dont faisaient partie, avec le cardinal Césarini, les prélats les plus nombreux et les plus distingués, c’est-à-dire en définitive la majorité de ceux dont l’autorité n’était pas contestable, vota conformément au désir du souverain pontife et des grecs. La majorité et la minorité avaient chacune rédigé un décret ; ils furent lus simultanément dans la cathédrale ; pendant cette lecture, l’attitude des partis adverses élait telle qu’on put redouter qu’ils en vinssent aux mains dans le sanctuaire même. Les deux décrets furent remis à des arbitres, au milieu descènes tumultueuses ; celui de la majorité fut d’abord scellé. Alors l’archevêque de Tarente, aidé par deux employés du cardinal Césarini et deux autres auxiliaires, réussit à suborner le gardien du sceau conciliaire ; le décret de la minorité, scellé à son tour, fut expédié au pape pour être ratifié.

Ce fut l’occasion de nouveaux scandales ; l’archevêque de Tarente fut obligé de prendre la fuite ; le pape le nomma cardinal. Témoins d’un si honteux désordre, les ambassadeurs grecs comprirent qu’il n’y avait plus rien à attendre d’une assemblée livrée à l’anarchie ; ils partirent pour Bologne où le pape résidait depuis le mois d’avril 1136. Admis le 24 mai 1437 dans le consistoire, ils déclarèrent qu’ils adhéraient au décret des présidents et des légats ; Eugène IV confirma ce décret le 29 mai par la bulle Salvaloris.

Le succès du pape fit perdre la tête aux membres du concile qui entrèrent dès lors dans la voie purement révolutionnaire. Le 31 juillet 1437, au cours de la XXVI e session, que Césarini refusa de présider, ils rendirent un décret par lequel ils traduisaient Eugène IV devant leur tribunal. Le pape répondit par la bulle Doctoris genlium du 18 septembre 1437, où il montrait la stérilité du concile réuni depuis six ans, la culpabilité des membres qui le composaient, leur mépris de tout droit, et, pour le cas où ils entreprendraient quoi que ce fût contre le pape et les cardinaux, prononçait la translation immédiate du synode à Ferrare, l’une des villes désignées par les grecs. Les Pères de Bàle devaient donc, au vu de la présente bulle, cesser sur-le-champ leurs travaux, et ne s’occuper, mais pour trente jours encore seulement, que de la question tchèque. Après de vains efforts pour amener à se soumettre les Pères de Bàle, qui ne firent (de la XXVIe à la XXIXe session) que s’acharner davantage contre le pape, Césarini et beaucoup de ses amis prirent le parti de quitter le concile (fin de décembre 1437). Le 30 décembre 1437, ou le l or janvier 1438, Eugène IV ordonna définitivement la translation du concile à Ferrare et désigna le 8 janvier pour le jour de l’ouverture.

VI. Les dernières années du concile de Bai.e, après

LA RÉUNION DU CONCILE DE FERRAREl’i.i IRENCE ; SES DÉ-CRETS SCHISMATIQUESJ ÉLECTION D’UN ANTIPAPE ; FIN DU

CONCILE (1438-1449). — Dès lors, il y eut deux conciles en face l’un de l’autre : l’un présentant tous les caractères d’une assemblée légitime et solennelle de l’Eglise, auquel assistaient le pape, l’empereur Jean Paléologue, nombre de dignitaires et de théologiens grecs, d’arche vêques et d’évêques latins. L’autre, assemblée tumultueuse, où s’agitait une démocratie ecclésiastique de professeurs et de simples prêtres, plus ou moins dirigée par le cardinal d’Arles et quelques évêques. Mais le concile de Bàle avait pour lui le demi-appui qu’il trouvait en France et en Allemagne. Là, tout en reconnaissant Eugène IV comme le pape légitime, on ne voulait pas rompre avec les Bàlois. En France, l’assemblée des évêques réunis à Bourges (mai-juin 1438) adoptait vingt-trois décrets de Bàle, et la Pragmatique sanction, promulguée par Charles VII à la demande de l’assemblée (7 juillet 1138), les transformait en loi de l’Etat. En Allemagne, après la mort de Sigismond, survenue le 9 décembre 1437, la neutralité fut adoptée par les princes. Quand Albert d’Autriche eut été élu roi des Bomains (mars 1438), ils envoyèrent des ambassadeurs à Ferrare et à Bàle. A la diète de Mayence, on décida d’accepter les décrets de réformation de Bàle, moyennant les additions et les modifications que l’on jugerait opportunes. Cette résolution fut consignée dans Vinstrumentum acceptationis du 26 mars 1439. Le roi d’Angleterre seul était pleinement du côté d’Eugène IV ; en revanche, le roi d’Aragon, le duc de Savoie et le duc de Milan soutenaient ouvertement le concile. Si les Bàlois avaient eu autant d’esprit politique que de passion, ils auraient pu tirer parti d’une telle situation. ^Eneas Sylvius entrevoyait un moyen, le recours aux princes séculiers, et écrivait cyniquement : Omnes liane (idem Iiabemus quam nostri principes, qui, si colerent idola, elnosetiam coleremus, et, non solum papam, sedChristuni etiam negaremus, seculari potestate urgente, quia refriguit caritas et omnis interiit fides. Mais le concile ne s’engagea pas dans cette voie, où devaient marcher sans scrupule les réformateurs du siècle suivant. Malgré les efforts de l’archevêque de Palerme, qui, tout en restant fidèle au concile, s’efforçait de le modérer, il devint de plus en plus révolutionnaire. Le 24 janvier 1438, il prononça la suspense contre Eugène IV ; le 24 mars (XXXIIe session), il déclara la réunion de Ferrare un conciliabule schismatique, comme en contradiction avec les décrets de Constance ; puis il chercha à établir que le pape Eugène IV était hérétique, parce qu’il ne reconnaissait pas la supériorité du concile général. Le cardinal d’Arles, appuyé par le théologien espagnol Jean de Ségovieet le français Thomas deCourcelles, réussit, en dépit des répliques de l’archevêque de Palerme, à faire voter, dans la XXXIIIe session (16 mai 1439), les trois propositions suivantes comme veritates fidei calliolicm : 1° Un concile général est au-dessus du pape ; 2° Le pape ne peut ni transférer, ni ajourner, ni dissoudre un concile général ; 3° Quiconque contredit obstinément ces deux vérités doit être tenu pour hérétique. En conséquence, le 25 juin suivant, le même cardinal d’Arles fit voter dans la XXXIVe session, la déposition formelle du pape, déclaré hérétique obstiné. Beaucoup d’évêques avaient refusé de paraître à la session. On n’en vit aucun d’Espagne, un seul d’Italie, avec un abbé ; en tout vingt prélats, parmi lesquels sept évêques seulement ; mais on y compta trois cents docteurs ou simples prêtres. Le 5 novembre, un conclave où ne se trouvait qu’un seul cardinal, Louis d’Aleman, à qui on avait adjoint trente-deux électeurs, élut un nouveau pape, en la personne du duc de Savoie, Amédée VIII, qui prit le nom de Félix V. Le concile confirma l’élection le 17 novembre dans sa XXXIXe session.

Le pape et le concile manquaient également de prestige ; d’ailleurs quel qu’eût été l’élu, le seul fait d’avoir nommé un antipape et renouvelé le schisme perdait le concile de Bàle. Les princes chrétiens et les fidèles avaient accueilli avec douleur, quelques-uns par d’énergiques protestations, la déposition d’Eugène IV. Félix V ne fut reconnu que par la Savoie, Milan, une partie de la Suisse, Bàle, Strasbourg, la Bavière, l’Ecosse qui se