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BALE (CONCILE DE)


détacha de lui en 1442. La France reconnut toujours Eugène IV. Le pape, approuvé par le concile de Florence, avait, par la constitution Moyses (4 septembre 1439), réluté les prétendues veritates /idei catholicse proclamées dans la XXXIIIe sessiondeBàle ; on en déclara les auteurs hérétiques ; on les accusa d’avoir faussé le sens des décrets de Constance ; on assimila leur réunion au brigandage d’Ephèse ; on qualifia la déposition du pape (Tinexpiabile scelus ; on prononça l’excommunication et la déposition de tous ceux qui faisaient partie de l’assemblée de Baie ; enfin on annula leurs décisions.

La dernière séance solennelle du concile de Bàle eut lieu le 16 mai 1443. Il végéta encore plusieurs années comme un fantôme d’assemblée, tandis que le nouvel empereur, Frédéric III, travaillait à procurer la paix de l’Église. En 1448, après le concordat de Vienne, le concile fut chassé de la ville d’empire et se transporta à Lausanne, où il survécut encore une année ; en 1449, enfin, il fit sa soumission au pape Nicolas V, après l’abdication de l’antipape Félix V.

VII. De l’autorité du conxile de Bale. — Le concile de Bâle est-il œcuménique ; et, s’il l’est, quelle est la valeur de ceux de ses décrets dogmatiques qui visent le pouvoir pontifical ? Quatre opinions sont ici en présence. L’une, qui était celle des gallicans les plus avancés, comme Richer, et qui ne peut plus être soutenue sans hérésie : le concile de Bàle est absolument et tout entier un concile œcuménique et ses définitions dogmatiques sont articles de foi. La seconde, qui était celle des gallicans modérés, de Bossuet en particulier, et qui compte encore des partisans : le concile de Bàle est œcuménique jusqu’à la fin de 1437, date de sa translation à Ferrare ; Eugène IV lui-même, en 1416, l’a qualifié de concile général ; il s’est borné à le transférera Ferrare ; or le concile de Ferrare-Florence est considéré comme œcuménique ; ce concile n’est que la continuation de celui de Bàle, donc celui-ci doit participer au même caractère d’œcuménicité. La troisième, dont les partisans sont encore plus nombreux, admet l’œcuménicité des seize premières sessions et raisonne ainsi : Que faut-il pour qu’un concile soit œcuménique ? qu’il soit légitimement convoqué par le souverain pontife et présidé par lui-même ou par ses légats ; qu’il représente moralement l’Église universelle, tous les évêques ayant été convoqués et un nombre suffisant d’entre eux assistant au concile ; que les actes du concile soient confirmés par le pape, s’il n’a pas présidé lui-même. Or, dit-on, rien de tout cela n’a manqué aux seize premières sessions du concile de Bàle. Le concile a été légitimement convoqué. Le pape Martin V a positivement confirmé l’acte du concile de Pavie-Sienne indiquant le prochain concile à Bàle, pour 1431, Mansi, t. xxviii, col. 1071-1074 ; Labbe, t. xii, col. 257 ; Hardouin, t. viii, col. 895 ; il a convoqué le concile et en a désigné le président par les deux bulles du 1 er février 1431, Dum onus et Nuper siquidem. Mansi, t. xxix, col. Il ; Labbe, t. xii, col. 466 ; Hardouin, t. viii, col. 1109. Eugène IV a confirmé la convocation et la délégation par la bulle Certificali. Mansi, t. xxix, col. 13 ; Labbe, t. xii, col. 469 ; Hardouin, t. viii, col. 1113. Dans la I re session du concile, on a lu tous les décrets qui le constituaient et le concile s’est déclaré canoniquement assemblé. A peine arrivé à Bàle, le légat Césarini a confirmé tout ce qui s’était fait in statuendo et firmando concilium. Donc le concile était dûment et légitimement convoqué et constitué. Tous les évêques ont été invités à s’y rendre et, s’il n’y sont venus qu’en petit nombre, du moins l’adhésion de tant d’églises et d’universités prouve que ceux qui y étaient représentaient bien l’Église universelle. Sans doute, le concile a été dissous par la bulle Quoniam alto du 18 décembre 1431, Mansi, t. xxix, col. 564 ; Hardouin, append., t. viii, col. 1578, et ses actes à l’égard du pape annulés par la bulle In arcano de

septembre 1133. Mansi, t. xxix, col. 81 ; Hardouin, t. vm, col. 1175. Mais ces deux bulles ont éié annulées à leur tour par la bulle Duclum sacrum de décembre 1433. Mansi, t. xxix, col. 78 ; Hardouin, t. viii, col. 1172. Le pape et ses légats ont alors approuvé et confirmé ce qui s’était fait depuis la réunion du concile. Il est vrai que les actes suivants, du 5 février 1434, date de la XVIe session où fut lue la bulle Dudum sacrum, au 30 décembre 1437, date de la translation à Ferrare, n’ont pas été confirmés par le souverain pontife et que par conséquent il leur manque quelque chose d’essentiel ; il est vrai aussi qu’à partir du 30 décembre 1437, le concile de Bàle n’est plus qu’une assemblée particulière et même schismatique. Mais cela n’infirme nullement l’autorité des seize premières sessions qu’on doit tenir pour œcuméniques.

Les partisans de la seconde et de la troisième opinion se partagent eux-mêmes en deux camps ; les uns — ce sont des gallicans, en particulier Bossuet dans la Defensio declaralionis cleri gallicani, dont la thèse ne peut plus ê ! re soutenue aujourd’hui — disent que le concile ayant été œcuménique, soit jusqu’au 30 décembre 1437, soit jusqu’au 5 février 1434, tous ses décrets dogmatiques antérieurs à l’une de ces deux dates, font autorité, et c’est là-dessus qu’ils s’appuient pour affirmer la théorie de la supériorité du concile sur le pape, au moins en certains cas. Les autres, tout en tenant pour l’œcuménicité du concile, affirment que, certains actes de ce concile, comme d’autres conciles œcuméniques, ont été laissés en dehors de l’approbation pontificale, notamment tous ceux qui concernent la théorie des rapports du pape et du concile. Sous cette réserve qui, nous allons le montrer, est absolument fondée, on peut admettre, Bellarmin lui-même n’y contredit pas, la seconde ou la troisième opinion. L’une et l’autre semblent autorisées par les paroles d’Eugène IV à ses légats au Reichstag de 1446, paroles auxquelles nous avons fait allusion, à savoir que « de même que ses prédécesseurs avaient accepté et honoré les concilia generalia canonice eclebrata, de même lui aussi acceptait et honorait les generalia concilia Constantiense ac Basilcense ab ejus initio usque ad translationem per nos factam, absque tamen prxjudicio juris, dignitatis et præeminentisc sanctse sedis apostolicse ac potestatis sibi et in eadem canonice sedenti in persona B. Pétri a Christo concessse » . Raynaldi, an. 1446, t. xxviii, n. 3.

Selon la quatrième opinion, qui est la nôtre et qui tend à devenir la plus générale, le concile de Bâle, bien que convoqué pour être un concile œcuménique, ne l’a jamais été de fait. Les paroles d’Eugène IV que nous venons de rapporter n’ont pas la portée qu’on leur attribue ; elles ont été écrites en un moment où le pape était obligé d’user d’une très grande prudence, en plein conflit avec les électeurs allemands qui voulaient le forcer à reconnaître les décrets de Bàle et de Constance ; il s’y refusa, mais il devait éviter toute expression blessante, tout ce qui eût pu soulever l’opinion. Quant au fait que le concile de Ferrare-Florence, tenu pour œcuménique, n’est que la continuation du concile de Bàle, il importe peu ; le concile de Bâle-Ferrare-Florence, si on veut l’appeler ainsi, n’est devenu œcuménique que du jour où il a réuni toutes les conditions qui font l’œcuménicité ; or ces conditions ne se sont trouvées réalisées qu’à Ferrare, puis à Florence. Sans doute, on peut regarder le concile de Bàle comme régulièrement convoqué et constitué en septembre 1431 : « Je dis, a écrit Bellarmin, que le concile de Bàle fut légitime dans son commencement. » De conciliorum auctoritate, 1. II, c. xix ; et De Ecclesia militante, 1. III, c. xvi. Mais, il est impossible de le considérer comme la représentation de l’Église universelle, à cause du nombre dérisoire des évêques qui y ont pris part ; l’adhésion des évêques français assemblés à Bourges, en 1432, non plus que leur