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BAPTÊME DANS LA SAINTE ÉCRITURE

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II. Institution. —

A côté et au-dessus du baptême de saint Jean (voir Jean-Baptiste), l’Écriture en mentionne un autre, distinct du premier et supérieur à lui sous tous les rapports. Le texte sacré ne dit pas en propres termes que c’est Jésus-Christ lui-même qui a institué le baptême chrétien, mais il le dit d’une façon équivalente. Nous voyons, en effet, le divin Sauveur non seulement donner à ses apôtres, après la fondation de l’Église, l’ordre de baptiser toutes les nations, Matth., xxviii, 19, mais affirmer, dès le début de son ministère public, la nécessité d’une régénération spirituelle pour entrer dans le royaume de Dieu, Joa., III, 1-8 ; et l’ensemble de ce dernier passage est tel, qu’il ne peut désigner que le baptême chrétien. On y trouve l’annonce d’un rite nouveau, dont Jésus-Christ est le premier à proclamer la nécessité universelle : Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritu Sanclo, non potest introire in regnum Dei ; un rite extérieur et visible, puisque l’eau doit y jouer un rôle important ; enfin, un rite sanctificateur, puisque, par l’action combinée de l’eau et du Saint-Esprit, il ouvre l’entrée du royaume de Dieu et produit dans l’âme une vie nouvelle d’ordre supérieur à celle de la nature. Ce sont précisément les traits caractéristiques du baptême chrétien.

Faut-il en conclure que le sacrement a été institué dans cette circonstance, ou même quelque temps auparavant, lors du baptême de Jésus-Christ ? Les deux opinions ont leurs partisans, et la seconde paraît être la plus commune. C’est celle de saint Thomas, entre autres, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 2, et le catéchisme du concile de Trente l’a adoptée, part. II, c. xx. Le principal argument scripluraire qu’on fait valoir en faveur de ces deux opinions est tire du baptême administré par Jésus-Christ, ou plutôt par ses apôtres, peu de temps après son entretien avec Nicodème. Joa., iii, 22 ; iv, 1, 2. Si saint Jean attribue à Jésus les baptêmes conférés par ses apôtres, c’est qu’on rapporte souvent l’action à celui au nom de qui elle est exécutée par d’autres. Mais s’agit-il là du baptême chrétien ? Oui, disent les partisans des deux opinions précédentes, car le Christ n’a pas pu vouloir conférer le baptême de saint Jean. C’est la raison que donne, entre autres, saint Augustin : Numquid faserat ut baptisnio Joannis baptizaret sponsus, id est, baptisnio amici vel servi" ? Epist., xliv, ad Eleusium, c. v, 10, P. L., t. xxxiii, col. 178 ; et son opinion est suivie par un grand nombre d’exégètes et surtout de théologiens. Voir Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum Joannem, Paris, 1898, p. 152, qui réfute, d’ailleurs, ce sentiment, en faisant observer, avec Estius, que ni le mystère de la sainte Trinité, ni la divinité de Jésus-Christ n’étaient pas encore publiquement annoncés, peut-être même pas suffisamment connus des disciples, et que, dès lors, il est difficile de croire que les apôtres aient donné le baptême chrétien. Cette dernière opinion, déjà émise par Tertullien, De baptismo, c. xi, P. L., t. i, col. 4212, est aujourd’hui celle de la majorité des exégètes, qui regardent plutôt le rite en question comme une imitation du baptême d’eau conféré par le précurseur, et une sorte de préparation imposée à ceux qui voulaient être disciples de Jésus. VoirFillion, Commentaire de l’Evangile de saint Jean, Paris, 1887, p. 58. Aussi, d’après une troisième opinion, il faudrait placer l’institution du sacrement après la résurrection de Jésus-Christ, quand les apôtres reçurent l’ordre d’enseigner et de baptiser toutes les nations. Matth., xxviii, 19. Les données scripturaires sont insuffisantes pour résoudre le problème avec certitude. Il est pourtant assez probable que le sacrement a été institué avant la passion ; et, si l’on tient compte de l’économie sacramentelle générale, on peut croire qu’au inoins les apôtres ont été baptisés avant cette époque, puisqu’ils ont reçu l’eucharistie et l’ordre le soir du jeudi saint. Matth., xxv, 14-. Beaucoup de protestants

actuels prétendent que Jésus n’a pas institué le baptême chrétien. Selon eux, il n’a fait qu’accepter et confirmer, en le continuant, le baptême de Jean, qui demeure, pour lui comme pour son précurseur, le vivant symbole de la purification et de la repentance. Ce n’est que plus tard, dans la première communauté chrétienne, que le baptême conféré au nom de la Trinité a été regardé comme l’initiation nécessaire des chrétiens, et comme produisant la grâce ex opère operato. Sur les différences entre le baptême de Jean et le baptême chrétien, voir Jean-Baptiste.

III. Rites constitutifs. —

Ils sont au nombre de deux, que les théologiens ont appelés matière et forme du sacrement. La matière du baptême, qui est l’eau naturelle, peut être considérée soiten elle-même (matière éloignée), soit dans son application au baptisé (matière prochaine). La forme, ou formule qui doit accompagner l’application de l’eau, est celle-ci : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Sur ces trois questions, l’Ecriture nous fournit des renseignements importants, mais contient aussi des passages ambigus qui ont besoin d’explication.

1° La matière employée pour le baptême (matière éloignée)est l’eau naturelle. —

Quand Jésus-Christ fit à Nicodème la première révélation de son baptême, il mentionna l’eau comme un élément nécessaire pour produire la régénération qui devait donner à l’homme une nouvelle vie. Joa., ni, 5. Il s’agit bien là de l’eau réelle et sensible, subordonnée sans doute à l’esprit, mais n’en étant pas un simple symbole, comme le prétendaient quelques anciens protestants. L’eau et l’esprit sont les causes immédiates de la régénération surnaturelle. Et après l’ascension du Sauveur, les apôtres ont soin d’exécuter ses prescriptions, en baptisant les croyants avec de l’eau naturelle. C’est ainsi qu’eut lieu le baptême de l’eunuque de la reine Candace par le diacre Philippe, et celui du centurion Corneille par saint Pierre. Act., viii, 36-38 ; x, 47. Voir Schanz, Commentar ùber das Evangelium des heiligen Johannes, Tubingue, 1885, p. 168169 ; Knabenbauer, Comment, in Evang. sec. Joa., Paris, 1898, p. 140.

On objecte, il est vrai, le passage où le précurseur parle du futur sacrement comme d’un baptême conféré « dans l’Esprit-Saint et le feu » , en l’opposant précisément à son propre baptême, qui était un baptême d’eau. Matth., iii, 11. Donc, semble-t-il, l’eau naturelle est étrangère au sacrement. Cette difficulté, quoique réelle, de l’aveu des meilleurs exégètes (voir Corluy, Commentarius in Joannem, Gand, 1880, p. 76), est loin d’être insoluble. D’abord, rien n’empêche de croire que Dieu n’avait pas encore révélé tous les rites constitutifs du sacrement à saint Jean-Baptiste, qui pouvait, dès lors, en parler d’une façon un peu vague. Mais, même en admettant que le précurseur eût déjà une connaissance complète du futur baptême, on n’a pas le droit de tirer de ses paroles une conclusion qui n’y est pas renfermée. L’objection a le tort de supposer que la comparaison établie entre les deux baptêmes porte sur leur rite constitutif, tandis qu’elle concerne simplement leur efficacité générale. Le but de saint Jean, dans ce passage — le contexte le prouve d’une façon évidente — est de faire ressortir son infériorité personnelle vis-à-vis du Messie, et voilà pourquoi il affirme que Jésus établira un baptême autrement puissant et efficace que le sien. Autant l’action du feu l’emporte sur l’action de l’eau, autant le baptême de Jésus sera supérieur au sien, pour purifier l’âme de ses souillures. C’est là, aux yeux de saint Jean, le trait caractéristique qui distingue les deux baptêmes. L’expression et igni ne serait ainsi qu’une apposition aux mots Spiritu Sanclo On ne peut donc tirer de ce passage aucun argument en faveur de l’opinion protestant.’qui refuse de reconnaître l’eau comme matière nécessaire du baptême chrétien, et qui affecte d’y voir quelque chose de purement symbolique. — D’après une autre