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CONTRITION (ASPECT DOGMATIQUE)


Il serait facile de démontrer la légitimité de ce point de vue. Cf. Denifle, Luther und Luthertum in der ersten Entwicklung, Mayence, 1906, t. i, p. 222 ; t. ii, p. 454, 5I7, 084, (186. La doctrine de Luther sur la pénitence considérée comme une suite de la justification remonte à l’année 1518 ; elle est formulée pour la première fois dans une lettre de Staupitz à Lullier : « Il n’y a de vraie pénitence que celle qui commence par l’amour de la justice et de Dieu. » Et Luther aussitôt de répondre : « Cette parole me causa une joie aussi vive que si elle m’eut été révélée du ciel. » Lettre à Staupitz, 30 mai 1518. Enders, Dr. Martin Lutliers Briefwechsel, Francfort, 1884, t. i, p. 195.

L’erreur fut systématisée et propagée aussitôt.

Dans un sermon prêché avant 1520, on la trouve déjà ouvertement manifestée. Luther s’emporte contre les confesseurs qui s’enquièrent des dispositions du pénitent en dehors de la foi, et notamment de la contrition. Errant sacerdotes et délirant, ut non absolvant, nisi sint contrili, et querunt : O fili, doles de peccatis tuis ? ut in 1 V Sententiarum. Solum dical : Credisnef Crede et con/ide, ego bonum tibi feci. Sic Christus peccalrici dixit : Dimittimtur peccata tua. Ich absolvir dich. Vade in pace, quia credis : Et mulieri : Fides tua te salvam fecit… lia salus nostra in verbo est. De sacerdolum dignitate sermo, Werke, Weirnar, 1888, t. iv, p. 658.

Parmi les erreurs condamnées par la bulle de LéonX, Exsurge Domine, le 15 mai 1520, plusieurs ont trait à la contrition : « Ne compte pas être absous à cause de ta contrition, mais à cause de la parole du Christ : Tout ce que vous aurez délié, etc. (Matth., xvi). Donc, aie confiance, te dis-je, si tu as reçu l’absolution du prêtre, et crois fortement que tu es absous, et tu seras vraiment absous, quoi qu’il en soit de la contrition. »

— « Si par impossible le pénitent n’avait pas la conlrition ou si le prêtre ne lui donnait pas sérieusement l’absolution, mais seulement par manière de jeu, il suffit qu’il se croie absous pour être absous en toute vérité, a — « Nul n’est tenu de répondre au prêtre qu’il a la contrition et le prêtre n’a rien à demander. » Denzinger, Enchiridion, n. 635, 636, 638.

La censure pontilicale ne fit que confirmer le novateur dans son hérésie. Dans la défense des articles condamnés par Léon X, Luther exprime avec une énergie nouvelle le fond de sa pensée. Il n’y a de contrition que subséquemment à la grâce. Saint Paul terrassé sur le chemin de Damas a été environné d’une grande lumière et aussitôt revêtu de la charité divine. C’est alors qu’il s’est écrié : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? L’infusion de la grâce ne se produit pas sans une grande commotion de l’âme, comme celle dont fut saisie la Vierge à la visite de l’ange. Jta peccator, dum virtute Dei compungitur et visilalurper gratiam, vehementer conculitur atque hac ipsa concussione ad odium peccati in amorem juslilise rapitur. Asserlio omnium arliculorum M. Lutheri, n. 7, Werke, Weirnar, t. vii, p. 1 16 sq. A chaque page de la défense revient sa thèse fondamentale : la foi seule justifie le pécheur. Fides, ut dixi, exigitur in promissionis divinie verbo, quod, quoeumque modo audiatur, si fide suscipitur, jusli/icat. .. Non enim contritio, sed fides reputatur adjustitiam. Ibid., p. 120 sq.

Devant ces textes absolument décisifs, on ne voit pas comment peuvent subsister les conclusions adoptées par un des derniers historiens de la doctrine religieuse de Luther et qui sont celles, généralement, de l’école orthodoxe : « Dans l’ensemble de la pensée de Luther, la pénitence occupe une place primordiale. Elle est la base sur laquelle repose tout l’édifice. Sans la pénitence point de régénération ni de salut, parce qu’il n’y a ni le sentiment du péché ni le désir du pardon. Tout le christianisme pratique de Luther est concentré dans la

doctrine de la pénitence. » A. Jundt, op. cit., p. 216. Ne serait-ce pas plus juste de dire : « dans la sup ; t sion de la pénitence ? t

Sur cette question vivement débattue entre écoles protestante ?, voir Lipzius, Luthcrs Lettre von der Basse, Brunswick, 1892 fert, Die neuesten tlteologischen Forschungen uber Busse uni Glauben, Berlin, 1890 ; Stùckert, Die katliolische Lehre von der Busse, Fribourg-en-Biisgau, 1896 ; Galley, Die Busslehre Luthers und ihre Darstellung in neuester Zeit, Guterslob, 1900.

Doctrine catholique.

Les théologiens du moyen

âge ont agité la question de savoir si, dans un ordre différent du plan actuel de la création, Dieu aurait pu, sans rétractation préalable du pécheur, lui remettre son péché, en ne lui en imputant point la coulpe et dès lors en le déchargeant de la peine, en d’autres termes en tenant le fait peccamineux comme non avenu. Il suffit d’indiquer ici cette question qui est une pure question d’école et qui a été généralement résolue par l’affirmative. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxiv, a. 1 ; S. Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XVII, a. 1. q. i, Quaracchi, t. iv, p. 419 ; Suarez, De psenil., disp. IX, a. 2, sect. iv, p. 164 sq.

Dans l’ordre actuel de la grâce, aucun théologien catholique n’a jamais révoqué en doute la nécessité de l’acte de contrition pour le pécheur à l’égard des péchc’s graves, et cette nécessité ne découle pas seulement d’un commandement positif, imposé par Dieu, mais des conditions mêmes sur lesquelles repose toute l’économie du salut. Il y a donc double nécessité : nécessité de moyen et nécessité de précepte.

1. Nécessité de moyen.

a) Documents scripturaires.

— Le salut offert par Dieu aux hommes est inséparablement lié, dans la Bible, au regret préalable de la faute. « Si l’impie fait pénitence de ses péchés, s’il garde tous mes préceptes, et s’il accomplit le jugement et la justice, il vivra et ne mourra point. » Ezech., xxiii, 22. Cf. Joël, il, 12 ; Eccli., il, 22. Le Nouveau Testament exprime la même corrélation. « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous pareillement. » Luc, VIII, 3-5. Bien qu’il ne s’agisse immédiatement dans ce texte que de la peine temporelle du péché, il est clair par tout l’ensemble qu’il s’agit également, et à meilleur droit, de la peine éternelle. Cf. Act., ni, 19.

b) Témoignages patrisliqv.es. — Saint Clément de Borne affirme nettement la nécessité de la pénitence intérieure pour le salut. MsTavor, <riou.ev o-jvs ; 3Xt)Ç xapSîaç, "va ]J.T| xcç rjU.tov TiapaTrô^ra ;. Il ad Cor., XVI, 1, l’uni ;, p. 164. Hermas se plaît à insister sur cette essentielle condition : Tôts àyi’evTai xOto :  ; ai âu.as ? : at ~50"a ;, à ; TipdTEpov ^(J-apTov y.où 71î<71v àyioii à[J.xpTr l u.ao"iv [xé/p : Taûiïi ; tr|ç T|U.ipa ; eàv l gat, ; rfjç xapêi’a ; u.£Tavoif)<Tioo-iv. Vis., ii, c. ii, n. 4, ibid., p. 224. D’après saint Cyprien, aucun espoir en dehors de la pénitence du cœur. Agite pœnitentiam plenam, dolentis ac lamentantis animi probate mœstitiam. Nec vos quorumdam moveat aut error improvidus aut stupor vanus, qui, cum teneanturin lam gravi crimine, percussi sunt animi csecitale, ut nec intellegant delicta nec plangant… qui autem pœnitenliam criminis lollunt, satisfactions viam claudunl. De lapsis, n. 32, édit. Ha r tel, t. I, p. 261. Aucun texte n’est plus affirmatif que la lettre de saint Ambroise à l’empereur Théodose. Peccatum non tollitur nisi lacrymis et pmnitentia. Nec angélus potest. archangelus. Dominus ipse qui solus potest dicere : « Ego vobiscum sum, » si peccaverimus, nisi psenitentiam deferentibus non relaxât. Epis/., LI, n. 11, P. L., t. xvi, col. 1162. Cf. S. Augustin, Serm., CCCLI, de utililale agendae pxiiitenliee, n. 7, P. L., t. xxxix. col. 1543 ; S. Grégoire le Grand, Homil., xx, in Evang., n. 7, P. L., t. lxxvi, col. 1163.

c) Documents conciliaires. — En dehors des condamnations portées par Léon X contre les assertions de