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CRÉATION
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dans la circonstance, rien de créé. En quoi cela démonlre-t-i] que l’obus se meuve d’un mouvement autonome ? La lui de conservation prouve admirablement l’inaptitude des causes secondes à rien détruire ; elle ne prouve absolument rien contre l’aptitude de la cause première à produire du néant ce qu’il lui plaît. H en faut dire autant de toute objection tirée de la permanence des lois physiques et chimiques.
L’évolution des espèces, affirmée comme un fait, est encore invoquée fréquemment comme une démonstration péremptoire. A vrai dire, pour qu’elle démontrât quelque chose, il faudrait établir que cette évolution n’est pas seulement un changement d’état par utilisation de forces préexistantes, mais qu’elle constitue une introduction dans l’existence de substances ou d’énergies nouvelles. En ce seul cas, si du néant quelque chose peut sortir tout seul, ou le plus sortir, par évolution, du moins, l’évolution est le plus terrible des arguments contre la création : mais cette hypothèse, outre qu’elle est contradictoire dans les termes, renverserait la loi précédente : rien ne se perd, rien ne se crée. S’il arrive seulement qu’en utilisant les forces existantes certains individus se perfectionnent, en quoi cela démonlre-t-il que cette évolution n’est pas l’aboutissement normal des lois fixes données dans le principe au cosmos ? S’il ne répugne pas au créateur de faire une nature immobile et morte, en quoi cette perfection plus grande de son œuvre, d’être mobile et vivante, pourrait-elle devenir une objection contre lui ? Rien ne s’oppose donc à ce qu’on soit à la fois créatianiste et évolutioniste et c’est tant pis pour certains savants, s’ils perdent toute leur sérénité scientifique à la seule pensée d’un pareil accord. On se souvient de l’intéressante polémique entre le P. Wasmann, S..1., le myrmécologue si connu en Allemagne, et le professeur Hæckel d’Iéna, Cf. de Sinéty, L’hseckelianisme et les idées du P. Wasmann sur l’évolution, dans la Revue des questions scientifiques, janvier 1906, et les polémiques récentes, Germania, des 15, 16, 19, 20 février 1907. Cf. Wasmann, Die moderne Biologie und die Entwickelungstheorie, in-8o, Fribourg-en-Brisgau, 1904, c ix, q. 271 sq. ; H. Haan, Dcr deutsche Monistenhund, dans les Slimmen, 1907, t. lxxii, p. 299-311. Des kantistes même se chargent de rappeler le biologiste au respect de l’expérience. Ludwig Goldsmith, Kant und Hseckel, in-8o, Gotha, 1906.
C’est ici, s’il faut faire appel aux arguments d’autorité. que se manifeste de façon singulière la légèreté de certaines productions pseudo-scientifiques. Tous ces principes féconds dont se glorifie à juste titre la science moderne, toutes ces hypothèses grandioses ont été introduites par des hommes qui les croyaient plus conformes à la sagesse du créateur : simplicité du plan, perfection plus grande de l’œuvre rejaillissant en définitive sur son auteur. C’était la pensée de Descartes : « Dieu a si merveilleusement établi ces lois, qu’encore que nous supposions qu’il ne crée rien de plus que ce que j’ai dit, et qu’il ne mette en ceci ni ordre ni proportion, mais qu’il en compose un chaos… elles sont suffisantes pour faire que les parties de ce chaos se démêlent d’elles-mêmes, et se disposent en si bon ordre, qu’elles auront la forme d’un monde très parfait. » Discours de la méthode, V" part., vi, in-4°. Amsterdam, 1650, p. 37. Le même auteur déduisait la loi de conservation de la notion d’immutabilité divine. Cf. Principes, IIe partie, c. xxxvi, p. 51. Même mentalité tins Leibniz, et dans Kant. M. Faye proteste contre l’anecdote qui pi été à Lap’ace ce mol : « Dieu estime hypothèse dont je n’ai pas eu besoin. D Newton, esplique-t-il, avait invoqué l’intervention divine pour raccommoder de temps à autre la machine du monde ; Laplace ne croyait pas cette intervention nécessaire, t Ce n’était pas Dieu qu’il traitait d’hypothèse, mais son interven tion directe en un point déterminé, i Su, l’origine du monde, 2e édit., in-8o, Paris, 1885, p. 130 sq. « Il est
faux, dit le ne nie auteur, que la science ait jamais abouti d’elle-même à cette négation [de Dii -ci se pro duit a certaines époques de lutte contre les institutions du passé… Que la lutte cesse, et bientôt les esprits reviennent aux vérités éternelles, tout étonnés, au fond, de les avoir combattues si longtemps. "/’< <t., introduction, p.’i. Et, pour laisser la critique à une voix autorisée, on connaît le mot de l’asteur après son discour> de réception à l’Académie : « Il faut dire souvent ces choses et c’a été pour moi une grande satisfaction de marquer tout ce qu’il y a de niaiserie dans le positivisme, où il n’y a rien que ce que la science a D Cf. Éludes, t. xcviii, p. 710-713. On ne peut donc que s’étonner de la désinvolture avec laquelle certains auteurs expédient ces graves problèmes et, recevant de ces maîtres des hypothèses que leur génie croyait plus glorieuses à Dieu, prétendent, sans apporter une seule preuve nouvelle, tirer des mêmes principes la négation du créateur. « Faut-il donc, écrit M. -lanet, dans une excellente réfutation de Viardot, tant de raisonnements pour croire à Dieu ? — Non sans doute, le sens commun y suffit ; mais on peut dire avec Bacon, que si peu de science nous éloigne de Dieu, une science plus profonde nous y ramène. » Le matérialisme contemporain, 1888, p. 142. Cf. Caro, Le matérialisme et la science, 2e édit., in 12, Paris, 1868, c. VI sq., p. 151 sq.
b) L’expérience, non seulement ne nie pas la création, mais, peut-on dire, elle met sur la voie qui mine à la reconnaître. — Comment cela ? Fn nous montrant une échelle de causes de moins en moins dépendantes de la matière, et en même temps de plus en plus inaltérables et immobiles dans leur action. Au dernier des échelons, se trouve la causalité physico-chimique : elle réclame toujours un objet corporel qui reçoive l’action, et cette action n’est qu’un échange ; la cause ne produit, en quelque sorte, qu’en cédant tout ou partie de son mouvement, de sa chaleur, etc. On en pourrait donner comme type l’expérience des vases communicants : l’eau monte d’un eût’parce qu’elle baisse de l’autre. Au degré suivant, se trouve la causalité de l’idée. Sans doute, c’est par un abus de mots qu’on appelle une idée nouvelle une création ; nos idéi plus neuves sont un rapiéçage d’éléments empruntés à l’expérience. Quel progrès cependant ! Ces élém mis en œuvre n’ont plus rien de matériel ; ce sont des notes abstraites de la matière, des concepts universels que l’esprit agence comme à son gré. S’agit-il non plus de la conception de l’idée, mais de son exécution, plus elle est puissante, plus elle apparaît indépendante des conditions contingentes de temps, de lieu, de matière : elle en arrive toujours à ses lins. Fl voici surtout ce qui importe : ici l’effet et le mouvement ne sont plus du tout en rapport direct ; au contraire, plus l’esprit est puissant moins il s’agite ; action et agitation chez lui sont en rapport inverse. S’il y a déperdition concomitante de forces physiques, l’esprit pour sa paît. loin de perdre en agissant, s’enrichit. Le pur esprit doit être plus indépendant encore, soit dans la conception de l’idée, puisqu’il ne la lire pas de l’expérience sensible, soit dans son exécution, puisqu’il ne peut lui-même éprouver de mouvement local. Pourquoi n’y aurait-il pas dans litre qui est tout esprit, et tout être parce qu’il est sans limite, une causalité indépendante non seulement de la matière, mais de tout élément préexistant, immobile dans son acte, non seulement quant au mouvement local, mais même quant à toute altération ou modification d’étal ? Ce raisonnement ne saurait certes pas nous permettre d’affirmer l’existence d’une telle causalité immobile et a niliilo ; mais il nous prédispose à soupçonner sa possibilité, et si la preuve nous en est fournie par ailleurs, à la reconnaître plus