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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU ;


Laudes, dans l’office de la fête, nous dit la même chose :

Te vulneratum caritas

Iclu patenti volait,

Amoris invisibilis

Ut veneremur vulnera.

Hoc sub amoris symbole

Passus cruenta et mystica

Utrumque sacrificium

Cbristus sacerdos immolât.

Même doctrine dans la sixième leçon : Ut fidèles sub sacralissimi Cordis symbolo devotius ac ferventius racolant caritatem Christi. Pie VI, en 1781, repoussant les attaques injurieuses de Ricci, écrivait que la dévotion consiste, en substance, à méditer, dans l’image symbolique du Cœur, la charité immense et l’amour si libéral de notre divin rédempteur ; ut in symbolica Cordis imagine immensam caritatem effusumque aniorem divini redemptoris nostri meditemur atque veneremur. Nilles, 1. I, part. II, c. i, § 2, t. i, p. 315.

4° Caractère symbolique des images du Sacré-Cœur.

— Voilà qui doit être acquis. C’est bien le cœur de chair que nous honorons dans la dévotion au Sacré-Cœur, mais en tant qu’il nous rappelle et nous représente, dans un symbole parlant, l’amour et les bienfaits du Dieu fait homme ; c’est le cœur de chair, mais comme symbole, comme représentation vivante.

On comprend dès lors que dans les images du Sacré-Cœur on se préoccupe peu d’exactitude physiologique. (l’tst le cœur emblème qu’il faut présenter aux fidèles. Or, il y a dans les signes, même naturels, une part de convention, qu’il faut respecter, sous peine de perdre en expression ce qu’on gagnerait en réalité matérielle. Dans une image du Sacré-Cœur, exacte comme une planche d’anatomie, les fidèles auraient peine à voir le symbolisme du cœur. On arriverait peut-être par une longue éducation à n’être plus aussi dérouté. Mais nul doute qu’il n’y ait avantage dans une certaine distinction entre le cœur emblème et le cœur analomique : le convenu de l’image est favorable au symbolisme. Aussi bien n’est-ce pas des leçons d’anatomie que la B. Marguerite-Marie recevait dans ses visions. C’est toujours sous des formes factices que le Sacré-Cœur lui était montré, et les accessoires mêmes de l’image sont destinés à écarter les idées d’un réalisme grossier pour faire valoir d’autant l’expression symbolique. Les témoignages de la Bienheureuse sont très instructifs en ce sens. « Ce Sacré-Cœur, dit-elle dans son Mémoire, m’était représenté comme un soleil brillant d’une éclatante lumière, dont les rayons tout ardents donnaient à plomb sur mon cœur. » Vie et œuvres, 2e édit., t. ii, p. 381 (I™ édit., p. 327). « Une fois entre les autres… mon doux Maître se présenta à moi tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils. Et de cette sacrée humanité sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise, et, s’étant ouverte, me découvrit son tout aimant et tout aimable Cœur, qui était la vive source de ces Qammes. » Loc. cit. Mais rien ne vaut à cet égard ce qu’elle écrit au P. Croiset, le 3 novembre 1689, lui décrivant une des principales manifestations du Sacré-Cœur. « Ce divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de Qammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec sa plaie adorable. Il étail environné d’une couronne d’épines, qui signifiai) les piqûres que nos péchés lui faisaient, el une croix au-dessus signifiait que dès les premiers instants de son incarnation… la croix y lui plantée. > Lettres inédites, lettre iv. p. 141. C’est bien li I œur de Jésus, son cœur de chair, qui lui est montré ; mais toujoui s, on le voit, de façon à faire valoir l’expression symbolique.

5° Lfs ii. nts de la dévotion au Sacré-Cœur ;

leur su bord nation : l’amour, objet principal. — Il y

a donc deux é|é nls dans la dévotion au Sacré-Cœur :

un éhhi al nsible, le cœur de chair, un élément spi rituel, ce que rappelle et représente ce cœur de chair. Et les deux éléments ne font qu’un, comme ne font qu’un le signe et la chose signifiée. Les auteurs disent couramment qu’il y a deux objets dans la dévotion : l’un principal qu’ils ramènent à l’amour, l’autre secondaire qui est le cœur. Et cela est vrai. Mais ce n’est pas à dire — ils en font tous la remarque — qu’il y ait là deux objets distincts, purement coordonnés ; ou que l’un des deux soit un accessoire dans la dévotion, comme l’idée leur en a parfois été prêtée. Voir Nilles, 1. I. part. II, c. i, S 7, t. i, p. 333, note. Les deux éléments sont essentiels dans la dévotion, comme l’âme et le corps dans l’homme ; et ils ne font qu’un, comme l’âme et le corps font l’homme. Mais comme l’âme l’emporte sur le corps, et est le principal dans l’homme, ainsi le principal dans la dévotion au Sacré-Cœur est l’amour du Dieu fait homme. C’est, je crois, la pensée de tous ceux qui l’ont étudiée de près. C’est en tout cas la pensée de la B. Marguerite-Marie ; c’est celle des principaux théologiens de la dévotion et c’est celle de l’Église. C’est comme « tout aimant et tout aimable » que Marguerite-Marie voit le Sacré-Cœur ; le cœur que Jésus lui découvre, c’est « ce Cœur qui a tant aimé les hommes » .

Les théologiens de la dévotion s’en expliquent dans le même sens. Le P. Croiset commence ainsi son ouvrage sur La dévotion au Sacré-Cœur : « L’objet particulier de cette dévotion est l’amour immense du Fils de Dieu, qui l’a porté à se livrer pour nous à la mort et à se donner tout à nous dans le très saint sacrement de l’autel. » I re part., c. i, p. 1. Et après quelques explications : « Il est aisé de voir que l’objet et le motif principal de cette dévotion est l’amour immense que Jésus-Christ a pour les hommes, qui n’ont la plupart que du mépris ou de l’indifférence pour lui. » Loc. cit., p. 2.

Le P. de Galliffet, à ceux qui prétendaient que la fête nouvelle ne se distinguait pas des autres fêtes comme de la passion, du saint-sacrement, etc., répondait : « L’objet immédiat de ces fêtes n’est pas proprement l’amour du Christ. Dans celle du Cœur de Jésus, au contraire, l’amour dont brûle ce Cœur très saint est l’objet immédiat de la fête, en union avec son Cœur : de sorte qu’on peut le dire en vérité, l’amour du Christ envers les hommes est proprement et immédiatement visédans cette fête. » Cité par Nilles, 1. I, part. II, c. il, g 1. p. 340. Il disait un peu plus tard : « Personne ne peut examiner avec un peu d’attention la nature de cette fête sans voir aussitôt que, sous le nom et le titre du Cœur de Jésus, il s’agit en réalité de la fête de l’amour de .((’sus. Car c’est là l’essence du Cœur de Jésus. » Cité par Nilles, loc. cit., p. 330. Le P. Ferdinand Tetamo disait dans son ouvrage sur leSacré-Cœur, publié en 1779 : « La fêle du Sacré-Cœur a pour objet l’amour de N.-S. J.-C. symboliquement représenté dans le cœur matériel. » Et le maître des cérémonies du palais apostolique, en IStiO, citait ces paroles comme exprimant la doctrine admise de tous. Voir Nilles, loc. cit., p. 3V2.

Les documents officiels disent la même chose. Nous avons déjà cité la formule de concession d’indulgences « en faveur du Sacré-Cœur et de son perpétuel amour » . Dans l’oraison de la fêle du Sacré-Cœur nous disons : « Nous glorifiant dans le Cœur très saint de voire Fils bien aimé, nous repassons les principaux bienfaits de sa charité. » Non pas, qu’on le remarque, ses bienfait* seulement, mais les bienfaits de son amour, sa charité bienfaisante. On a vu plus haut les paroles de Pie VI : « Sous l’image symbolique du rieur nous méditons et vénérons l’immense charité’et l’amour libéral de noire divin rédempteur, » Inutile de multiplier les textes. Tout le monde est d’accord sur le fond des choses,

G Le rapport du cœur à l’amour dans la dévotion : accord de fond, divergences accessoires. — Mais il y a certaines divergences quand il s’agit de définir le rap-